L’ANCOLS publie le rapport final de son étude sur la rénovation des passoires thermiques dans le logement social. Elle éclaire la manière dont les bailleurs sociaux s’adaptent aux échéances de la loi Climat Résilience et aux objectifs climatiques à l’horizon 2050. S’ils sont plutôt confiants dans leur capacité à éradiquer les logements classés DPE G d’ici 2025 et les biens en F d’ici 2028, l’échéance de 2034 leur semble beaucoup plus compliquée à respecter.
Étude ANCOLS : contexte et méthodologie
L’ ANCOLS (Agence nationale de contrôle du logement social) avait déjà publié une étude sur la rénovation thermique des logements du parc social en juin 2022. Celle de février 2024 se focalise sur les enjeux, les problématiques et les leviers d’action. Elle complète le tableau de bord de suivi de la performance énergétique du parc social, destiné à devenir annuel.
Le logement social représente 16 % du parc résidentiel et il y a 36 % de locataires en situation de précarité énergétique. Les bailleurs doivent donc impérativement s’engager dans la dynamique de rénovation énergétique des passoires thermiques. Pour réaliser cette étude, l’ANCOLS a interrogé 5 acteurs institutionnels, 21 bailleurs sociaux et 3 collectivités territoriales, entre juin et octobre 2023. L’objectif était d’identifier ces éléments :
- facteurs de persistance de nombreux logements énergivores ;
- stratégies des bailleurs disposant de passoires thermiques ;
- difficultés rencontrées en matière de rénovation énergétique ;
- perception des bailleurs sociaux concernant leurs capacités de financement.
Globalement, l’une des principales contraintes réside dans l’articulation entre :
- le calendrier relatif aux passoires thermiques (loi Climat Résilience) ;
- l’inscription des travaux dans un long terme (parc BBC rénovation en 2050) ;
- la conjoncture économique: inflation, tension du secteur du bâtiment…
Prise en compte de la rénovation énergétique
L’étude de l’ANCOLS débute par un constat positif. « La quasi-totalité des bailleurs interrogés explique prendre en compte le sujet de la rénovation énergétique dans leur gestion patrimoniale depuis déjà plusieurs années, avec une montée en puissance de cette dimension au cours de la dernière décennie. » Interrogés sur leurs motivations, ils citent :
- la maîtrise des charges énergétiques pour les locataires ;
- la solvabilité des ménages avec la hausse des prix de l’énergie ;
- l’application progressive de l’interdiction de louer les passoires thermiques.
Dans la moitié sud de la France, ils se montrent aussi sensibles à l’amélioration du confort d’été. En tout cas, tous connaissent l’expression « passoire » énergétique et sa signification. En revanche, l’évolution du DPE en juillet 2021 les met en difficulté.
Problèmes relatifs au DPE des logements sociaux
D’abord, faut-il lancer des campagnes de renouvellement des DPE sur l’intégralité du parc ? Ou renouveler uniquement les DPE des logements classés F et G avec l’ancienne méthode ? Tous n’ont pas la même approche. Ceux qui souhaitent les renouveler massivement dans des délais raisonnables se disent confrontés à des « pénuries de diagnostiqueurs ». Ensuite, les bailleurs doutent de la fiabilité des DPE réalisés, pour les raisons suivantes :
- mode de calcul pénalisant pour les petites surfaces ;
- changements d’étiquettes peu prévisibles ;
- décalage entre consommation théorique et consommation réelle ;
- difficulté à anticiper l’état des lieux de leur parc social.
Cependant, tous font du sujet énergétique la « priorité n°1 » pour la gestion de leurs parcs. Ils citent, à ses côtés, d’autres enjeux comme l’adaptation au vieillissement et au handicap.
Conséquences de la Loi Climat Résilience
« Les échéances fixées par la loi Climat et Résilience se traduisent concrètement par un changement de méthodes d’intervention, avec une place plus importante accordée aux enjeux énergie carbone vis-à-vis des autres enjeux patrimoniaux ». Ici, le DPE joue incontestablement un rôle majeur.
Dans l’ensemble, on distingue deux situations. D’un côté, il y a les bailleurs qui ont les moyens – humains, financiers, techniques – d’envisager sereinement l’éradication des passoires thermiques. De l’autre, il y a ceux qui se sentent bousculés par l’interdiction de location et contraints de dédier tous leurs moyens au traitement des logements énergivores.
Approches stratégiques des bailleurs sociaux
Quel est le niveau d’ambition des bailleurs ? Souhaitent-ils seulement éviter l’interdiction de location (enjeux de court terme) ? Ou procéder à la décarbonation du parc de logement (enjeux de long terme) ? En fait, il y a diverses approches, que l’on peut diviser en 3 grandes stratégies :
- réhabilitations lourdes : maximiser les postes d’intervention traités en une fois ;
- gestes séquencés : réaliser des interventions modestes, mais massifiables ;
- rénovation a minima : faire sortir le logement du statut de passoire thermique.
La première approche est celle des plus gros bailleurs. Les deux autres sont choisies à regret, faute d’avoir les moyens nécessaires pour être ambitieux. Concernant la troisième approche, les bailleurs savent qu’il leur faudra ensuite rénover pour atteindre la classe E.
Capacité à sortir du statut de passoire thermique
Les bailleurs sociaux se montrent confiants quant à leur capacité à sortir les logements locatifs des étiquettes F et G. Toutefois, d’une part ils redoutent trois facteurs de risque :
- effet surprise au renouvellement du DPE : plus de classes F et G qu’escompté ;
- incapacité des entreprises du bâtiment à absorber la demande ;
- poursuite d’un contexte d’inflation qui entraverait les programmes de travaux.
D’autre part, la rénovation des logements classés E pour 2034 les inquiète. En effet, le ratio entre le volume de biens classés E et le délai de 10 ans leur semble plus défavorable. En prime, beaucoup d’entre eux estiment que cette exigence de rénovation les empêchera de tenir le rythme de construction neuve.
Cadre normatif changeant et évolution du DPE
Les bailleurs interrogés déplorent leur difficulté à planifier à cause du « manque de visibilité généré par des évolutions régulières des politiques publiques nationales et du cadre réglementaire ». Ils ont cependant une attitude assez paradoxale.
D’un côté, ils demandent des évolutions du DPE, notamment pour les petits logements (l’étude est antérieure au projet d’arrêté modificatif du DPE paru hier). De l’autre, ils réclament de la stabilité et un cap clair pour planifier leurs interventions.
En réalité, le problème tient surtout aux messages de la part des pouvoirs publics qui « manquent de lisibilité et de constance dans le temps ». Par exemple, l’évolution de la position des autorités publiques sur les solutions au gaz dans le bâtiment a rendu caduques certaines de leurs stratégies de rénovation.
Complexité de la rénovation et patrimoine
Il y a des logements intrinsèquement complexes à rénover, pour des raisons financières, techniques ou organisationnelles. Sur ce podium, on retrouve, de la première à la quatrième place :
- les maisons individuelles par rapport aux logements collectifs ;
- les logements dispersés dans des zones à dominante rurale ;
- ceux situés dans des bâtiments remarquables ;
- les appartements énergivores en copropriété.
Par ailleurs, s’y ajoutent des contraintes liées à la présence d’amiante, à une ossature bois ou encore à des enjeux de biodiversité à l’échelle du bâtiment. Enfin, les bailleurs font face à un « goulet d’étranglement ». En effet, ils doivent traiter rapidement un gros volume de logements. Or ils manquent de moyens humains internes et d’entreprises qualifiées et disponibles.
Financer la rénovation des passoires thermiques
Même s’ils se pensent capables de financer la rénovation des passoires thermiques, ils émettent des réserves liées à certains paramètres conjoncturels :
- la persistance du contexte inflationniste, surtout dans le BTP ;
- la hausse des taux d’intérêt et leur maintien durable à un niveau élevé.
Pour ces raisons et celles évoquées précédemment, il leur paraît difficile de maintenir le rythme de rénovation et plus encore de l’accélérer. Ils s’interrogent également sur l’impact financier de la rénovation. Par exemple, la mise en place de pompes à chaleur impliquera des coûts de maintenance futurs.
Enfin, ils connaissent bien les dispositifs de financement, mais la manière dont ils les perçoivent varie. Ainsi, ils apprécient certains dispositifs CEE (certificats d’économies d’énergie), tout en déplorant la complexité de la procédure. Le dispositif Seconde vie est apprécié par certains, parce qu’il soutient des opérations ambitieuses. D’autres regrettent qu’il ne concerne que les logements étiquetés F ou G, et non les biens classés E voire D.
Préconisations de l’ANCOLS
Dans sa synthèse des enseignements de l’étude, l’ANCOLS émet des préconisations :
- augmenter les formations centrées sur la rénovation ;
- favoriser les dispositifs encourageant le montage de projets ;
- fixer un objectif ambitieux dès le début, quitte à le réaliser par étapes ;
- décliner des objectifs à long terme avec des étapes intermédiaires ;
- privilégier une gradation dans la bonification des financements, laquelle dépendrait du nombre de critères respectés.
Pour en savoir plus, téléchargez le rapport, les principaux enseignements de l’étude et le communiqué de presse : la rénovation des passoires thermiques dans le logement social.
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