La décision d’adosser MaPrimeRénov’ (MPR) au DPE exclut injustement les territoires d’outre-mer. Plusieurs membres du Sénat s’indignent donc du retard pris par le gouvernement dans l’adaptation du DPE aux territoires ultramarins. Certains y voient d’ailleurs un problème plus général de normes pensées exclusivement pour la France métropolitaine. Or la trajectoire de neutralité carbone inclut le parc de logements des DROM. De plus, les départements et régions d’outre-mer traversent aussi une crise inflationniste.
DPE ET MPR, L’EXCLUSION DES OUTRE-MER
« Comment ne pas être désarçonné à la lecture de l’article 50 [du PLF 2024], qui fait reposer le dispositif MaPrimeRénov’ sur un diagnostic de performance énergétique (DPE) strictement hexagonal, quand le CIOM, l’été dernier, a acté la mise en application des DPE ultramarins en 2028 ? », interroge la sénatrice de La Réunion, Audrey Belim. Elle n’est pas la première à s’indigner de cette exclusion des territoires ultramarins. Une semaine plus tôt, le sénateur des Vosges, Daniel Gremillet, faisait le même constat. Il signalait alors le report aux calendes grecques du DPE dans les outre-mer.
Idem dans le rapport sur le budget de la mission Outre-mer au Sénat. La rapporteure Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy et présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, s’agace du « retard pris par le Gouvernement dans l’adaptation du DPE aux outre-mer ». En effet, les Ultramarins se retrouvent exclus du dispositif MaPrimeRénov’ Sérénité. D’où sa 4e recommandation : « permettre un plein accès au dispositif MRP des territoires ultramarins ».
On peut d’ailleurs également s’interroger sur l’avenir de l’audit énergétique avant-vente dans les DROM. Officiellement, il entre toujours en vigueur au 1er juillet 2024 pour les classes F et G. C’est ce qu’indique le ministère de l’Économie dans une publication datée du 27 novembre 2023. Or, sans DPE, il ne peut pas y avoir d’audit énergétique obligatoire. La France d’outre-mer ne bénéficie pas non plus de l’intervention de Mon Accompagnateur Rénov’. Difficile, alors, d’envisager une rénovation globale. En prime, la grande pauvreté y est cinq à dix fois plus élevée qu’en métropole.
OÙ EN EST LE DPE DES OUTRE-MER ?
Tout le monde s’accorde sur l’impossibilité d’appliquer les critères du DPE hexagonal aux outre-mer. Certes, la Guadeloupe dispose d’un DPE-G et la Martinique d’un DPE-M, mais ils ne sont pas opposables. La mise en œuvre du calendrier de la loi Climat Résilience est impossible dans ce contexte. Pourtant, dès janvier 2023, le ministère de l’Écologie publiait un appel d’offres relatif à la mise en place du DPE dans les DROM. En avril 2023, la DHUP (direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages) et la DGOM (Direction générale des outre-mer) lançaient une étude en deux phases :
- Analyse comparative des outils existants ;
- Modélisation du parc résidentiel ultramarin.
L’analyse comparative devait déboucher sur un livrable en septembre 2023. La modélisation, qui vise à avoir des données sur la performance énergétique de chaque DROM, doit s’achever début 2024. Mais à ce jour, rien n’a été rendu public et on ignore l’étendue du retard. On peut toutefois la supposer importante, puisque l’échéance pour l’entrée en vigueur du DPE opposable a été repoussée de 4 ans (de juillet 2024 à 2028) voire 6 ans pour Mayotte (2030).
En général, l’adaptation des normes aux DROM constitue un obstacle central dans le domaine de la construction. Le rapport d’information sur les normes en matière de construction et d’équipements publics dans les outre-mer de 2017 le mettait déjà en évidence et il semble perdurer. « Un effort majeur d’adaptation des normes demeure indispensable », écrit ainsi la Commission des affaires économiques fin 2023.
BATAILLE DU LOGEMENT ULTRAMARIN ET AMIANTE
Le PLF 2024 augmente de 20 % les crédits en autorisations d’engagement (AE) dédiés au logement. Cependant, cette hausse ne suffira pas à résoudre les difficultés structurelles. Mme Micheline Jacques insiste sur trois enjeux majeurs, aux résultats invariablement insatisfaisants au fil des années :
- La construction: il faudrait 290 000 logements sociaux ;
- La réhabilitation: quartiers déqualifiés, logements inadaptés ;
- L’habitat indigne : 3 habitants ultramarins sur 10 seraient concernés.
Le faible niveau de vie, le réchauffement climatique – donc les besoins en confort d’été – et le vieillissement de la population aggravent ces constats. De plus, il y a le problème du traitement de l’amiante. Les dépenses liées au désamiantage peuvent représenter 85 % du coût total d’une opération de démolition. En définitive, la rapporteure annonce son intention de proposer deux amendements en son nom.
Le premier permettra de bénéficier d’une aide au désamiantage des logements. Cependant, les divers rapports existants montrent qu’il y a très peu d’entreprises certifiées en sous-section 3 ou en sous-section 4. L’Outre-mer manque également d’organismes accrédités pour l’analyse et le prélèvement. Les propriétaires pourraient donc se retrouver bloqués dans leur projet de travaux, malgré cette aide financière.
Le second amendement vise à « corriger cette inégalité d’accès aux dispositifs MPR ». Concrètement, il prévoit de subventionner les travaux de rénovation au titre de la LBU (ligne budgétaire unique). Quant au DPE dans les outre-mer, nul ne sait quand il adviendra.
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