Pour la Cour des comptes, la résorption des passoires thermiques passe par une harmonisation des dispositifs CCE / MaPrimeRénov’. Dans son récent rapport, elle insiste aussi sur les limites du dispositif d’aide publique, non calibré pour faire sortir les logements du statut de passoires thermiques. Enfin, elle se montre dubitative quant à l’efficacité de la future MaPrimeAdapt’, prévue en 2024.
logements, climat et démographie
Le réchauffement climatique et le vieillissement de la population constituent deux urgences qui nécessitent d’agir sur les logements. Les pouvoirs publics y répondent en mettant en place des subventions pour faciliter les travaux. MaPrimeRénov’ (MPR) sert à résorber les passoires thermiques en accélérant les rénovations globales.
En 2024, naîtra MaPrimeAdapt’ pour adapter les logements aux personnes âgées et leur permettre ainsi de vivre à domicile. La Cour des comptes a été chargée d’évaluer ces aides pour les parlementaires du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) à l’Assemblée nationale. Le 26 octobre 2023, elle a publié son rapport : Le soutien aux logements face aux évolutions climatiques et au vieillissement de la population.
Des défis majeurs pour MaPrimeRénov’
Au cours des prochaines années, le dispositif MPR devra :
- aboutir à 700 000 rénovations énergétiques par an en moyenne,
- permettre une augmentation drastique des rénovations globales,
- cibler les passoires thermiques,
- soutenir les propriétaires les plus modestes.
D’où la réforme de MaPrimeRénov’ en 2024 et l’augmentation de son enveloppe dans le projet de loi de finances (PLF 2024). Ces objectifs ne peuvent pas être atteints sans des dispositifs bancaires appropriés et davantage de main d’œuvre qualifiée. Ce ne sont pas les seuls obstacles à surmonter.
Aides et résorption des passoires thermiques
Il n’y a actuellement pas de facteur de corrélation confirmé entre passoires thermiques et faibles revenus. Les ménages les plus modestes vivent dans un parc social globalement plus performant que le parc privé. Or la prime s’adresse en priorité à eux. De plus, les données de programmes de l’Anah conditionnés par la réalisation d’un DPE avant travaux montrent les limites du dispositif. Concernant MPR Sérénité :
- 20 % des logements étaient toujours classés DPE F ou G après travaux ;
- 41 % des F et G atteignaient l’étiquette E après rénovation ;
- 1,5 % des logements seulement ont atteint le niveau BBC (classe A ou B).
« Depuis juillet 2022, le recours à l’aide est toutefois conditionné par l’exigence d’une sortie théorique de l’état de passoire thermique, évaluée sur la base du DPE préalablement fourni et de l’impact estimé des travaux prévus ». Quant à MPR Copropriétés, où moins de 12 % des dossiers concernaient des passoires thermiques :
- 8 % avaient toujours une note F ou G après travaux ;
- 55 % atteignaient la classe D du DPE.
« Le niveau de performance de ces deux programmes – qui recherchent une amélioration de 35 % de l’efficacité énergétique ex ante – n’est ainsi pas suffisant pour faire sortir les logements qui en bénéficient du statut de passoires thermiques ». Les jalons calendaires de la loi Climat et Résilience – interdiction de louer et audit énergétique obligatoires – rendent ce constat d’autant plus inquiétant.
Rénovations globales et reste à charge
Le gouvernement a annoncé son intention de réformer MaPrimeRénov’ en 2024 pour massifier les rénovations globales. En revanche, la répartition des moyens entre les deux piliers – terme abandonné depuis, car il y a désormais un parcours accompagné (ex-pilier performance) et l’autre non – est inconnue à ce jour.
Dans tous les cas, cela ne résout pas le problème du reste à charge. D’après le simulateur de rentabilité économique des rénovations de l’institut I4CE, PanelRénov’, la rentabilité des opérations dépend des paramètres suivants :
- existence de voies de financements ;
- bénéfice tangible, notamment sur les factures d’énergie ;
- solvabilité (pas de surendettement).
Actuellement, avec toutes les aides, les rénovations globales ne sont pas viables pour les ménages. Les aides directes couvrent 20 à 40 % des travaux. Même avec un éco-prêt, le temps de retour sur investissement des rénovations excède 10 ans. Par ailleurs, le secteur bancaire reste aujourd’hui peu mobilisé. Quant au prêt avance mutation (PAM), il n’a été utilisé que 42 fois l’an dernier. Bref, il faut travailler sur ce volet consacré au financement.
Capacité de la filière à répondre à la demande
Il ne peut y avoir d’intensification des rénovations globales sans entreprises qualifiées pour réaliser des travaux. « L’accélération attendue des volumes des rénovations globales peut représenter un choc de demande pour la filière ». D’une part, le BTP peine à recruter. D’autre part, le système de certification RGE « n’est en rien satisfaisant ». Les associations de consommateurs et les fédérations professionnelles le critiquent pour :
- sa lourdeur, d’où le peu d’entreprises certifiées,
- les fraudes, malfaçons et infractions constatées malgré le label RGE.
La Cour des comptes déplore également la quasi-absence d’accompagnement des ménages, même si Mon Accompagnateur Rénov’ doit y remédier. De manière plus générale, il manque une filière structurée et performante proportionnelle aux besoins.
Simplifier le parcours utilisateur : CEE et MPR
Actuellement, d’un côté, nous avons un ensemble d’aides publiques directes : MPR. De l’autre, il y a un marché de droits valorisés entre acteurs privés : les CEE (certificats d’économies d’énergie). Les deux systèmes manquent de cohérence.
« Les deux dispositifs diffèrent également dans leurs finalités (les CEE sont conçues comme des outils de la politique énergétique, là où MaPrimeRénov’ est un outil de la politique du logement), leurs modes de diffusion, leurs gouvernances, leurs calendriers financiers […], leurs unités de compte, leurs calendriers de remontée d’information ou les modalités de leur contrôle. »
Ces dissemblances sont incompréhensibles pour les ménages, d’autant qu’ils peuvent cumuler CEE et prime à la rénovation énergétique. Elles sont aussi problématiques pour les professionnels. En effet, ils subissent deux contrôles de chantiers, au titre du PNCEE (Pôle national des certificats d’économie d’énergie) puis de l’Anah, avec des modalités de contrôle différentes. Bref, la C. Comptes appelle de ses vœux l’unification déjà préconisée par le Haut Conseil pour le Climat.
MaPrimeAdapt’ dans une politique d’ensemble
Aucun texte réglementaire ou législatif n’encadre encore le dispositif MaPrimeAdapt’. Néanmoins, la Cour des comptes constate déjà un certain nombre d’anomalies. D’abord, la prime d’adaptation semble s’inspirer de MPR alors que les situations n’ont rien à voir. Le volume de logements à adapter n’est pas comparable au volume de logements à rénover.
Ensuite, les besoins à satisfaire, c’est-à-dire le nombre de ménages et de logements prioritaires, seraient mal évalués. A priori, seuls les ménages modestes ou très modestes de plus de 70 ans en bénéficieront, y compris les locataires du parc privé. Or, les ménages prioritaires sont des propriétaires occupants une résidence principale, indépendamment de leurs revenus.
De plus, la vulnérabilité à la chaleur n’a apparemment pas été étudiée. « L’absence de prise en compte des travaux de confort d’été […] reste difficilement explicable au regard des enjeux de santé publique que suscite le réchauffement climatique, notamment pour les personnes âgées ». Il serait possible d’intégrer des dispositifs de protection solaire, des mesures de la ventilation, etc. dans une aide commune à MaPrimeRénov’ et à MaPrimeAdapt’.
Enfin, il faudrait individualiser l’aide pour tenir compte de la situation sociale et de l’état de dépendance de la personne âgée. « En conclusion, le vieillissement à domicile ne saurait se résumer à l’aménagement interne de chaque résidence principale. […] De même, il semble illusoire d’engager une politique d’adaptation des logements au vieillissement sans développer une politique autour des grands enjeux de l’urbanisme adapté et des mobilités ».
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