La révision du DPE « est refusée par le ministère de la transition écologique » (MTE), constate, avec déception, la sénatrice du Haut-Rhin. Cependant, le gouvernement recevra bientôt un rapport avec des pistes pour fiabiliser le diagnostic de performance énergétique. En effet, le Conseil national de l’habitat (CNH) lui proposera plusieurs modifications. Elles visent à fiabiliser le DPE, à restaurer la confiance des ménages et à mobiliser les acteurs du secteur.
DPE et patrimoine bâti : des avancées notoires
Le 23 novembre 2023, Mme Sabine Drexler a donné son avis sur le PLF 2024 (projet de loi de finances) pour la culture et les patrimoines. La sénatrice relève « des avancées, tempérées par le refus de réviser les modalités de calcul du diagnostic de performance énergétique ». Entre autres progrès relatifs au DPE appliqué au bâti ancien, elle mentionne :
- l’amélioration de la formation des diagnostiqueurs (arrêté du 20 juillet 2023),
- la publication des règles à venir sur la formation des auditeurs,
- la révision en cours des guides DPE, audits et prescriptions de travaux,
- le développement de formations spécifiques pour les architectes et les urbanistes,
- la future création d’un portail internet conjoint aux deux ministères, MTE et culture.
La sénatrice avait déjà évoqué ces évolutions dans sa réponse à la question écrite n°07774. En revanche, dans l’avis n°133, elle insiste sur un enjeu en suspens, à savoir la révision du DPE.
Référencement des matériaux anciens dans le DPE
La rapporteure du rapport d’information sur le patrimoine et la transition écologique, qui a également participé au rapport de la CE rénovation énergétique, fait part de sa « réelle déception ». En effet, le MTE s’opposerait à une révision du DPE, jugeant la réforme de 2021 satisfaisante. Pour Mme Drexler, les mauvaises performances énergétiques du bâti ancien s’expliquent surtout par la feuille de calcul. Le diagnostiqueur utilise des valeurs par défaut pour les matériaux dans le bâti ancien, « faute de pouvoir les identifier dans le corpus de matériaux préenregistrés ».
Elle insiste donc sur l’enjeu du référencement exhaustif des matériaux anciens… mais uniquement « dans le cadre d’un DPE spécifique qui ne concernerait que les bâtiments à intérêt patrimonial préalablement identifiés dans le cadre d’un inventaire intégré dans les documents d’urbanisme ». Cet inventaire s’effectuerait grâce à l’expertise du CREBA (Centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien), de l’ADEME (Agence de la transition écologique) et des associations de protection du patrimoine.
En réalité, ce sujet lui tient à cœur depuis plus d’un an. Elle proposait déjà d’instaurer un DPE spécifique au bâti ancien dans le cadre du PLF 2023. Le Conseil national de l’habitat défend plutôt l’idée de créer une filière de diagnostiqueurs spécialisés dans les bâtiments anciens.
Fiabilisation du DPE et de l’audit pour le CNH
Le CNH remettra un rapport au ministre du Logement d’ici janvier 2024. Le magazine Capital, y a eu accès et a partiellement dévoilé son contenu. En dehors de la problématique DPE et patrimoine, ses préconisations concernent les habituels sujets qui fâchent :
- pénalisation des petites surfaces par le DPE,
- rénovation des appartements énergivores en copropriété,
- consommation standardisée vs consommation réelle du logement,
- formation des diagnostiqueurs et des auditeurs énergétiques.
On sait déjà, puisque M. Patrice Vergriete l’a répété plusieurs fois, que la méthode de calcul pour les petites surfaces évoluera. À ce sujet, le CNH souhaite créer des coefficients de pondération pour les logements de moins de 30 m². Les fédérations FIDI et CDI FNAIM avaient déjà proposé cette solution. Concernant les copropriétés, le Conseil propose d’acter « la primauté du DPE collectif » opposable sur le DPE individuel. Il reprend ici une ancienne proposition de la FNAIM.
Supprimer certains indicateurs du DPE
Le CNH veut supprimer l’estimation de la facture d’énergie dans les rapports du DPE. Cet indicateur susciterait l’incompréhension des occupants. Elle leur donne la fausse impression que le DPE doit refléter la consommation réelle. Or les factures dont ils s’acquittent sont souvent fort différentes. C’est normal, puisque le DPE montre une consommation standardisée pour faciliter la comparaison des logements indépendamment des usages. Le fait d’enlever cet indicateur rendrait donc le DPE plus compréhensible pour les ménages.
Le Conseil prône aussi le retrait de la colonne des travaux essentiels et des travaux à envisager (p.5 des modèles de DPE dans l’existant). Ces recommandations ne seraient pas assez précises, réalistes voire réalisables. D’ailleurs, elles n’ont pas un caractère opposable. À la place, le Conseil suggère d’orienter les ménages vers un audit énergétique. Après tout, les audits énergétiques servent précisément à établir des scénarios de travaux.
Montée en compétences des diagnostiqueurs
Enfin, le CNH a « des interrogations centrales sur les certifications des organismes et les contrôles sur certains membres aux pratiques peu professionnelles ». L’augmentation des exigences de formation, lui semble insuffisante, en particulier pour les diagnostics dans des bâtiments anciens. Les formations à l’audit énergétique sont également critiquées, notamment en raison de leur durée aléatoire selon l’organisme de formation (OF). En réponse, il émet deux suggestions. L’une consiste à développer un diplôme certifiant de type BTS. L’autre est de renforcer les contrôles des OF.
Au cours des derniers mois, le ministère du Logement a annoncé que la modification du DPE se cantonnerait aux petites surfaces. Il l’a encore répété début novembre face à la Commission des affaires économiques. Pour lui, « il n’est pas souhaitable de changer la règle du jeu, d’autant plus à l’approche des dates limites ». Et pourtant, c’est précisément l’approche des dates limites qui rend ces changements urgents pour de nombreuses personnalités politiques. Au 1er janvier 2025, l’interdiction de louer concernerait 673 000 logements classés DPE G.
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