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Refus de réaliser un audit énergétique obligatoire

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Des auditeurs appliquent une règle simple : pas de DPE réalisés par nos soins, pas d’audit énergétique obligatoire. Ils y voient notamment un moyen de fiabiliser l’audit réglementaire. Mais ont-ils le droit d’agir ainsi vis-à-vis du propriétaire du logement ? D’ailleurs, qu’est-ce qui rend légitime le refus d’une prestation de service par un diagnostiqueur ou par un auditeur ?

Audit réglementaire conditionné par le DPE

Depuis l’entrée en vigueur de l’audit obligatoire, le DPE du confrère pose fréquemment des problèmes aux diagnostiqueurs auditeurs. Ils craignent de récupérer des erreurs de saisie et de faire face à des incohérences de contenu. En prime, le diagnostiqueur qui réalise des audits est parfois déjà submergé par une demande importante. Devoir vérifier l’intégralité du récapitulatif standardisé du DPE prend du temps. Parfois, à l’arrivée, la classe énergétique a changé et il faut expliquer ce curieux phénomène au client.

En effet, chacun sait qu’un même bien peut obtenir une note différente, même en respectant la méthode 3CL-DPE 2021 (utilisation ou non des valeurs par défaut, etc.). Comme l’auditeur engage sa responsabilité sur un audit opposable, il ne peut pas utiliser le XML sans le contrôler. Plutôt que de repasser derrière un diagnostiqueur non-auditeur, autant collecter soi-même les données et faire son DPE, suivi d’un audit si la classe énergétique l’impose. Cela semble finalement assez logique. Bref, la démarche se comprend, mais sa légalité est plus discutable.

Refus de vente ou de prestation de service illégal

D’après l’article L.121-11 du code de la consommation, « est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime. Est également interdit le fait de […] subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service. ». Qu’est-ce qu’un motif légitime ? Eh bien, précisément, il n’existe aucune définition de cette notion. Les tribunaux apprécient, au cas par cas, la légitimité du refus. La jurisprudence a tout de même établi quelques motifs valables.

Ainsi, le caractère anormal de la demande, le comportement insultant du client ou encore l’interdiction légale constituent des exceptions. Cependant, aucune d’entre elles ne s’applique dans le cas du refus de réaliser un audit obligatoire sans avoir établi le DPE. Même le fait de subordonner la réalisation de l’audit à celle d’un DPE, alors qu’un diagnostic encore valable existe, semble douteux. Or le refus de vente / service est une infraction sanctionnée pénalement.

DPE, audit énergétique et textes réglementaires

L’arrêté du 4 mai 2022 définissant le contenu de l’audit énergétique réglementaire n’oblige pas l’auditeur à réaliser le DPE. D’ailleurs, si tel était le cas, les bureaux d’étude ne pourraient pas réaliser l’audit. En effet, ils ne sont généralement pas titulaires d’une certification DPE. Par conséquent, ils ne peuvent qu’intégrer les fichiers XML pour établir l’audit, sans modifier le DPE existant. Bref, cet arrêté, mentionne trois points essentiels, auxquels l’arrêté modificatif du 29 décembre 2023 ne change rien.

Primo, le propriétaire « remet à l’auditeur le récapitulatif standardisé » du dernier DPE du logement. Secundo, ce récapitulatif a le même format que celui « transmis par le professionnel chargé d’élaborer le diagnostic de performance énergétique ». Tertio, « l’auditeur peut reprendre l’état des lieux du bâtiment figurant dans le diagnostic de performance énergétique, après avoir vérifié préalablement lors de sa visite sur site que les éléments du récapitulatif standardisé de ce diagnostic sont ceux effectivement mis en œuvre dans le bâtiment et les avoir corrigés si nécessaire ».

Qu’en déduire ? D’abord, le propriétaire du logement respecte ses obligations s’il fournit un DPE existant à l’auditeur. Ensuite, l’auditeur a la possibilité d’utiliser ce DPE, alors que rien ne l’oblige à élaborer un nouveau DPE pour établir son rapport de synthèse. Enfin, la correction des données d’entrée du DPE, lorsqu’elle s’impose, fait partie de sa mission. Le fait que le DPE soit réalisé par un confrère n’apparaît donc pas comme un motif légitime pour refuser de réaliser l’audit.

un refus de diagnostic / audit peut-il être légal ?

L’interdiction de refuser une vente ou un service vise à protéger les consommateurs. Toutefois, on peut se demander si l’objectif est atteint dans ce contexte. Si le but était d’empêcher le diagnostiqueur d’attribuer une classe F ou G pour facturer un audit, cela se comprendrait… Mais il a le droit d’établir le DPE et l’audit énergétique d’un même bien. À l’opposé, dissocier les deux prestations augmente le risque d’élaborer un audit à partir d’un DPE erroné.

Fort heureusement, le diagnostiqueur ou l’auditeur peut parfois refuser d’assurer une prestation de service. Le motif ne doit jamais être discriminatoire (article 225-1/225-2 du code pénal). Cependant, la jurisprudence a déjà jugé le motif légitime en cas de mauvaise foi du consommateur ou de demande émanant d’un client à l’insolvabilité notoire. Par le passé, un assureur a opposé un refus à un consommateur incapable de lui fournir les renseignements requis pour établir le contrat, motif aussi jugé légitime. Les raisons de sécurité justifient également un refus.

Sanctions pour refus de vente / service

En définitive, le caractère légitime du motif relève toujours de l’appréciation souveraine des tribunaux. S’il y a abus avéré, la sanction applicable est une contravention de 5e classe (article R.132-1 du code de la consommation). En cas de discrimination, l’infraction devient un délit puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Enfin, tout cela ne concerne que la relation B2C. Entre professionnels, la loi autorise le refus de vente, sauf dans certains cas où il s’appréhende comme une pratique concurrentielle, notamment s’il fausse le jeu de la concurrence sur le marché.

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5 Commentaires

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  1. J
    Jérôme 17 janvier 2024 - 12h33

    certaines agences immobilières le font sur les dpe et personnes ne s’offusquent.

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  2. M
    Maxime 17 janvier 2024 - 16h50

    Une raison qui peut pousser à refaire le DPE est l’existence de différents logiciels d’une entreprise à l’autre. Les données d’entrées peuvent être assez différentes de l’un à l’autre. Ce qui est d’ailleurs pour moi un des problème du DPE, les logiciels devraient être identique pour la saisie de données.

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 17 janvier 2024 - 16h56

      Effectivement. C’est un problème que nous abordions dans l’un des liens intégrés dans cet article (« Quel est le problème avec le DPE format XML »). Entre autres exemples, certains logiciels contiennent des champs préremplis pour faciliter le travail du diagnostiqueur, d’autres non.

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  3. F
    François-Eric de la société DIAG 33 22 janvier 2024 - 16h16

    L’audit c’est quoi ? Une évaluation des performances énergétiques (c’est à dire un DPE) et en plus des préconisations de travaux plus précises, chiffrées, et selon plusieurs scénarios. Donc entendre dire que certains ne veulent pas faire cette mission si ils n’ont pas fait le DPE avant, ça n’a pas de sens.

    L’auditeur n’est pas obligé de reprendre le DPE réalisé avant l’audit. Il doit de toute façon réaliser une évaluation des performances énergétiques, soit il le fait directement, soit il reprend le DPE et vérifie qu’il est bon. Dans les deux cas, ça revient au même.

    Si l’auditeur est l’auteur du DPE, son audit sera plus rapide à faire. Donc là, je vois juste une différence de tarif quand l’auditeur est l’auteur du DPE initial. SI c’est pas le cas, il vendra son audit plus cher, parce que son boulot sera plus long.

    Reste le cas où l’auditeur n’arrivera pas au même classement que l’auteur du DPE. Je sais que pour pas mal de confrères et moi, c’est une des raisons de pas s’être lancé dans l’audit, pas envie de gérer les à-côtés prise de tête. Ceux qui ont décidé de faire les audits, ils le savaient depuis le départ.

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  4. S
    Stéphane 24 janvier 2024 - 23h18

    Bonsoir, intéressant débat vraiment très bien argumenté.
    De mon côté je ne me pose même pas la question, car tous les audits énergétiques auxquels j’ai été missionné sont à la base des DPE fait par d’autres diagnostiqueurs.
    Je tiens à signaler au passage, qu’après 15 audits effectués, je suis quasiment tombé sur les mêmes valeurs (avec la même lettre systématiquement) que mes confrères, en ayant contrôlé et refait en intégralité le DPE. Les écarts étaient minimes après un recontrôle général.

    J’en conclus donc et je tiens à faire remarquer, que les 15 diagnostiqueurs différents ayant fait le DPE ont travaillé avec sérieux (jusqu’au jour ou forcément, un écart de lettre arrivera après beaucoup d’audits réalisés).
    En fait je pense que nous ne devrions même pas nous demander si on doit ou pas faire l’audit si on n’a pas fait le DPE, mais cet avis venant de la part de certains diagnostiqueurs me permet d’avoir davantage de missions.

    Donc en refusant de faire les audits si le DPE vient d’un autre diagnostiqueur, j’y trouve mon compte vu que je privilégie désormais cette prestation, par rapport aux autres diagnostics. Vu les enjeux que cela représente, beaucoup de professionnels de l’immobilier et particuliers m’ont confié souhaiter, faire faire l’audit énergétique par un diagnostiqueur différent de celui qui a fait le DPE (et sans forcément espérer avoir une meilleure note comme on pourrait le penser).
    C’est d’ailleurs l’un des arguments que je mets bien en avant, lors de chaque prospection, de recontrôler en totalité le DPE lors de la visite de l’audit.

    Après il est vrai que commercialement parlant, je me verrai mal refuser de faire un audit énergétique avec le DPE fait par un autre. Je pense que cette position nous décrédibilise encore un peu plus nous les diagnostiqueurs, au niveau du grand public (déjà que nous n’avons pas trop la côte hélas).

    Pour conclure je trouve également plutôt cohérent et très important de recontrôler en totalité le DPE de quelqu’un d’autre, vu l’importance de celui-ci désormais à tous les niveaux.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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