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Litige amiante entre voisins

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M. A. nettoie la toiture en fibrociment de son habitation, située entre deux maisons de village, avec un jet à haute pression. Il projette ainsi des poussières et eaux de lavages chez ses voisins. Ces derniers, les consorts R. / D., dénoncent la présence d’amiante dans leurs propriétés. Ils réclament la condamnation de M. A. et sa prise en charge des travaux de décontamination.

Litiges amiante, constats et expertises

En 2016, à deux reprises, M. A. nettoie, à haute pression, la toiture en fibrociment de sa maison qui contenait de l’amiante. Ce faisant, il contamine les propriétés des consorts R. / D., ses voisins. Ces derniers s’appuient sur :

  • des constats par huissier de justice (devenu commissaire de justice) ;
  • les prélèvements sur place réalisés par M. N., diagnostiqueur certifié ;
  • les prélèvements complémentaires d’une entreprise de désamiantage ;
  • les opérations d’expertise amiables diligentées par leurs assurances.

Par conséquent, ils veulent contraindre juridiquement les époux A. à faire réaliser les travaux de confinement et de décontamination. Ils réclament aussi une indemnisation et la désignation d’un expert spécialisé en dépollution et désamiantage.

Trouble anormal du voisinage et conséquences

Le juge ordonne une expertise judiciaire qui débouche sur la remise d’un rapport en juin 2021. Le 6 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Valence dit que M. et Mme A ont causé un trouble du voisinage à R. / D. Il les condamne, in solidum avec l’assurance, à payer plus de 88.800 euros à M. et Mme R., et plus de 86.400 € à M. et Mme D.  

La somme tient compte des opérations de dépollution, du préjudice d’anxiété, du nettoyage du jardin, des frais d’intervention des sociétés de diagnostic, du prorata des taxes d’habitation de 2016 à 2020, des frais d’huissier et d’investigation amiante, des courriers recommandés, etc. Bref, en résumé, la facture est très élevée. L’assurance et ses assurés relèvent appel.

diagnostic amiante et expertises non conformes

Pour eux, il n’y a pas de preuve d’un trouble du voisinage de contamination à l’amiante résultant du nettoyage de la toiture. En effet, les quantités d’amiante prélevées étaient faibles. Les indemnisations doivent se cantonner à la prise en charge des frais de désamiantage sur les zones de contamination mises en évidence par l’expertise judiciaire.

La cour d’appel de Grenoble reconnaît les limites de certaines expertises. L’expert judiciaire critique clairement le modus operandi du diagnostiqueur. Il insiste sur la « traçabilité incertaine des prélèvements, et [les] conditions de recueil des échantillons en manquement total avec les dispositions réglementaires ou normatives applicables ». Quant à la société de désamiantage, ses rapports « ne sont pas associés à des cartographies permettant une localisation précise des prélèvements in situ ». 

origine de la contamination à l’amiante

Certes, l’expert met en évidence des traces d’amiante dans les propriétés des consorts. Cependant, il conclut « à l’existence d’une contamination résiduelle très localement présente ». Or, en 2014, la cheminée des époux A s’était écroulée sur le toit de leurs voisins. Ils avaient alors remplacé leur toiture en fibrociment. D’où la nécessaire intervention d’une entreprise de désamiantage. La présence d’amiante dans les propriétés des voisins pourrait donc s’expliquer par ces travaux.

La cour relève toutefois deux éléments qui contredisent cette hypothèse. D’abord, le désordre de 2014 avait donné lieu à des prélèvements négatifs. Ensuite, les travaux de 2014 ne permettent pas d’expliquer la découverte d’amiante dans la propriété des voisins D.. En effet, celle-ci n’est pas mitoyenne de la propriété R. Finalement, le juge retient le lien de causalité entre le nettoyage de la toiture et la contamination.

Exposition non consentie à un risque de dommage

« Le trouble anormal du voisinage est caractérisé dès lors qu’il y a une exposition non consentie à un risque de dommage, et pas seulement dans le fait de subir un trouble ou un dommage avéré et actuel. Or il est scientifiquement certain que l’amiante est un produit dangereux ». Même si le risque d’exposition à l’amiante était quasi-nul, les consorts auraient été exposés contre leur gré à un matériau nocif. Le jugement déféré est donc confirmé sur ce point.

En revanche, les voisins des époux A. réclamaient d’autres indemnités, refusées. Les unes ne sont pas attestées par des analyses non-contradictoires et fiables. Les autres sont sans rapport. Malgré tout, l’actualisation du préjudice de jouissance s’ajoute aux sommes à régler. Au bout du compte, il y en a pour plus de 260.000 euros. Nettoyer le toit de sa maison sans tenir compte de la présence d’amiante peut coûter très cher au propriétaire.

Cour d’appel de Grenoble, RG n°22/04599, 23 octobre 2023.

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1 Commentaire

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  1. A
    André 23 janvier 2024 - 17h14

    Article très pertinent signé Mme Cécile sur la question !
    Des incertitudes en la matière :
    1. travaux amiante par particulier lui-même : vide juridique même si la construction désamiantée, étant antérieure à 1997 nécessite ou justifie un diagnostic préventif ; quasiment pas traité en jurisprudence civile sauf peut-être ici dans l’espèce CA Grenoble en partie seulement ; ne reste alors au voisin que l’action civile délictuelle, à condition d’avoir su ou pu réunir quelques preuves en temps utile, et être aussi bien conseillé/défendu.
    2. travaux amiante par un professionnel : c’est un peu plus clair, car il est soumis (le donneur d’ordre aussi dans certains cas) à la réglementation spécifique qui impose le diagnostic préalable et le respect d’un plan de retrait à présenter aux autorités administratives de santé et de contrôle, dont les mesures de protection prévues s’étendent aux salariés du chantier, aux voisins, et à l’environnement ! Là, en cas de manquement quelconque, et même si un plan de retrait a existé sans être toutefois respecté, peut s’ajouter à la sanction civile, la sanction pénale avec constitution de partie civile, pour mise en danger d’autrui, directe, immédiate et certaine, au sens de Cour Cassation 19 avril 2017. Les plaignants en l’espèce n’auraient donc pas épuisé toutes les actions liées aux risques de santé qu’ils ont pu approcher !

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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