D’après une récente étude publiée dans la revue Nature Sustainability, les réglementations mondiales ne sont pas respectées. Le commerce de produits chimiques dangereux, dont l’amiante, se poursuit malgré la convention de Rotterdam et le règlement PIC (Prior Informed Consent). Ce phénomène, mondial, sape les efforts déployés pour protéger la population et l’environnement.
commerce illégal de produits chimiques
En français, l’étude s’intitulerait : « Poursuite du commerce mondial à grande échelle et du commerce illégal de produits chimiques hautement dangereux ». Les auteurs ont analysé 66 156 enregistrements commerciaux de la base de données Comtrade de l’ONU. Pour 46 des 54 produits chimiques inscrits à l’Annexe III de la Convention de Rotterdam, au moins 65,4 mégatonnes ont été échangées entre 2004 et 2019.
Ce sont des pesticides et des produits chimiques industriels interdits ou strictement réglementés en raison des risques sanitaires et environnementaux. Dans le top des substances illégalement commercialisées au niveau mondial figurent le dichlorure d’éthylène (solvant cancérigène) et le dioxide d’éthylène (réactif toxique, désinfectant et pesticide). Viennent ensuite différents pesticides, le plomb (tétraéthyle et tétraméthyle surtout) et l’amiante.
Les importations illégales sont pratiquées en Europe occidentale, en Europe centrale, en Asie du Sud et du Sud-Est, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Amérique latine. En ce qui concerne les États-Unis, ils ont exporté 4 millions de tonnes de produits chimiques vers des pays qui « refusent » de les importer. Cependant, comme ils n’ont pas ratifié la Convention de Rotterdam, cela reste légal.
Absence de l’amiante chrysotile dans la liste
L’amiante chrysotile – 90 % à 95 % de la production mondiale d’amiante – ne figure pas dans la liste de la Convention de Rotterdam, malgré son interdiction par l’Union européenne. Son inscription fait l’objet d’un débat depuis 2008. À l’époque, le Canada était parvenu à convaincre ses clients (l’Inde, le Pakistan, les Philippines, le Vietnam) de ne pas l’inclure dans la liste PIC.
En 2017, la Russie, le Kazakhstan, le Zimbabwe, l’Inde, le Kirghizistan, la Biélorussie et la Syrie avaient fait barrage. Etc. Bref, année après année, son inscription a constamment été repoussée. C’est toujours l’un des produits chimiques recommandés, par le CRC (Chemicals Review Comittee ou Comité d’étude des produits chimiques), pour inscription à l’Annexe III. Néanmoins, la Conférence des Parties n’aboutit pas à un consensus.
Commerce d’amiante au niveau mondial
Sans surprise, le commerce d’amiante chrysotile est donc le plus important, mais on retrouve aussi 5 autres types d’amiante :
- actinolite,
- anthophyllite,
- amosite,
- trémolite,
- crocidolite
« Bonne » nouvelle malgré tout, le commerce de la crocidolite tend à baisser (0,3 kilotonne en 2019). En revanche, pour les autre formes d’amiante, les données sont à peu près constantes depuis 10 ans (environ 1 mégatonne/an).
Par ailleurs, ces données sont incomplètes puisqu’elles ne tiennent pas compte de la contrebande ni du marché noir. Peut-être est-ce d’ailleurs le constat le plus perturbant de cette étude : toutes ces informations sont publiques. C’est un commerce illégal et néanmoins assez transparent.
Lutte contre le commerce de produits dangereux
Le comité de conformité, chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention de Rotterdam, n’a été instauré qu’en 2020. La Convention a pourtant été signée le 10 septembre 1998 pour prendre effet à compter du 24 février 2004. La création de ce comité constitue déjà un premier pas positif quoique tardif. Pour les chercheurs, il faut aussi impérativement renforcer les actions nationales et internationales visant à lutter contre ce commerce.
Ils plaident également pour l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste des produits très dangereux. En effet, si cette mesure n’a pas mis fin au commerce global d’amiante, les quantités de minéraux silicatés fibreux importés et exportés, pour les 5 types d’amiante répertoriés dans la Convention, ont diminué depuis 2004.
Pour lire l’étude en anglais et en libre accès : Continuing large-scale global trade and illegal trade of highly hazardous chemicals, Nature Sustainability.
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