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Gestion du risque amiante chez les sapeurs-pompiers

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Les sapeurs-pompiers sont susceptibles d’être exposés à l’amiante lors de leurs interventions dans des bâtiments. Nous avons demandé à Sylvain Denègre, lieutenant hors classe, chef de centre adjoint au centre d’incendie et de secours d’Hendaye (SDIS 64 – Pyrénées-Atlantiques), de nous parler des procédures et de la gestion du risque amiante dans les casernes.

Avez-vous une information sur la présence d’amiante avant une intervention ?

Non. Dans nos procédures, nous n’avons pas inclus la question de savoir, en amont, s’il y aura de l’amiante ou pas dans le bâtiment. Ce serait trop compliqué, car nous n’avons pas accès à cette information. Nous ne disposons d’aucune ressource pour anticiper la présence d’amiante dans tel bâtiment à telle adresse. En revanche, il y a quelques mois, nous avons été informés de la possibilité et des risques qu’il y ait de l’amiante dans les bâtiments. On nous a expliqué que l’incident et/ou que notre action, quel que soit le contexte – extinction d’un incendie, effondrement ou autre accident – pouvait libérer des fibres. Il y avait alors un risque d’ingestion et d’inhalation. En interne, nous essayons surtout d’agir sur là-dessus.

Si jamais le propriétaire ou l’exploitant est présent, qu’il peut nous dire qu’un diagnostic amiante a été fait et qu’il y a un risque, alors nous en tiendrons compte. Si visuellement, nous remarquons une isolation susceptible de contenir de l’amiante, de faux plafonds, de l’amiante-ciment sur les couvertures, etc., nous savons que nos équipes risquent d’avaler ou respirer des fibres d’amiante. Dans ce cas, ou quand un propriétaire ou exploitant a un diagnostic amiante, nous essaierons de limiter au maximum l’exposition à l’amiante.

Quelle est la procédure pour limiter au maximum le risque d’exposition à l’amiante ?

On va d’abord limiter au maximum le personnel engagé. Cela permet de réduire le nombre de personnes exposées. Ensuite, nous allons faire ce que nous appelons un zonage opérationnel. D’ailleurs, ce zonage ne concerne pas que l’amiante. Concrètement, on crée trois zones. La première est la zone dite d’exclusion où on n’entre qu’avec des équipements de protection individuelle (EPI), avec appareil respiratoire, tenue adaptée… Seule une petite catégorie de personnel peut y entrer. La deuxième est la zone contrôlée, dans laquelle on se prépare à partir, où on va sortir de la zone d’exclusion. La troisième est une zone de soutien ou zone verte, où il y a notamment les véhicules de soutien. Dans cette zone-là, nous avons pouvons potentiellement parler avec les élus et les exploitants.

Outre ce zonage opérationnel, nous agissons pour limiter la poussière (d’amiante ou d’autre chose), après l’extinction, au moment du déblai. Le déblai consiste à sortir tous les éléments qui pourraient entraîner une reprise du feu. En fait, nous déblayons la zone. Juste avant, nous allons arroser au maximum, voire avec des produits spécifiques, pour éviter les particules en suspension. Nous allons aussi essayer de ne pas scier ou déplacer inutilement des éléments, justement pour éviter les projections d’autres particules.

Enfin, il y a les SAS de décontamination. C’est assez nouveau, mais chez nous, on y travaille. Nos équipements, utilisés sur le feu et dans la zone d’exclusion, sont enlevés dans la zone contrôlée, mis dans des sacs, et décontaminés avec des machines lavantes, ionisantes et séchantes. Il y en a de plus en plus dans les casernes. Cela nous permet de prendre un maximum de précautions. Mais pour être honnête, je n’ai pas d’information sur l’efficacité de ces mesures vis-à-vis de l’amiante.

Est-ce que les sapeurs-pompiers ont conscience du risque d’exposition à l’amiante ?

Le risque numéro 1 pour nous, celui présent dans toutes les discussions de sapeurs-pompiers, c’est le risque lié aux fumées : la toxicité des fumées, les maladies qu’elles peuvent engendrer… Un gros travail a été fait, ces dernières années, pour sensibiliser sur ce risque-là. L’amiante, on commence tout juste à en parler. Je sais que c’est interdit dans les constructions depuis 1997, mais nous ne sommes pas encore tellement informés à ce sujet.

La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), qui est notre maison-mère d’un point de vue doctrine et réglementaire, nous a partagé des informations liées à l’amiante. Elle voulait précisément nous donner de grands principes de gestion opérationnelle, et permettre aux commandants de l’opération de secours d’avoir quelques bons réflexes. Pour autant, nous n’en sommes pas encore à une procédure aboutie de A à Z.

Il n’y a aucune formation amiante de type SS4 (sous-section 4) pour les pompiers ?

Non, ou si elle existe je ne la connais pas. Il faut savoir qu’étant officier, je n’interviens que si un sinistre dépasse les capacités de plusieurs engins. À partir de 3-4 engins sur une intervention, il faut coordonner et je me déplace. C’est déjà une intervention d’ampleur. À mon niveau de chef de groupe, je n’ai jamais eu de formation spécifique à l’amiante ou de module dédié. Aujourd’hui, ce que je sais de l’amiante vient du partage d’informations de la DGSCGC.

Par ailleurs, même si la doctrine arrive de manière nationale, les pompiers sont départementalisés. Chaque département gère ses pompiers et décline la doctrine au regard de ses moyens et de ses risques particuliers. Je me souviens que le SDIS 44 avait travaillé sur l’amiante et commencé à faire un gros effort de prévention. Ils avaient voulu mettre des procédures en place en interne, notamment du matériel et des prélèvements par badge.* Mais je n’en sais vraiment pas plus.

Pourtant, le risque d’exposition professionnelle à l’amiante des pompiers a fait l’objet d’études **

Peut-être, mais pour être franc, on débute avec ce risque. Je suis pompier depuis vingt ans. Je me forme régulièrement. Malgré tout, au regard de nos grades, nous avons tous différents niveaux de formation. Alors, depuis que j’ai appris qu’il y aurait une interview, j’en parle volontairement autour de moi. J’ai demandé à des personnes qui sont hiérarchiquement au-dessus, mais surtout en dessous car les primo-intervenants sont les plus concernés, comment eux géraient ce risque. Bon, j’ai eu assez peu de réponses. Ce n’est pas un risque qui est totalement reconnu ni largement envisagé.

Actuellement, nous en sommes surtout au risque lié aux fumées. Je souhaite que la prise en compte du risque amiante vienne. Je vois bien l’ampleur que ça déjà a pris et que ça pourrait prendre. Aujourd’hui, ce n’est pas le cœur de notre lutte en prévention. Évidemment, ce sujet nous interpelle puisque la sécurité, c’est notre maître-mot, notre priorité. Quand je mène des hommes sur une opération, leur sécurité est mon premier souci. Il faudra donc aller aussi sur le risque amiante.

* Référence probable à l’étude : Le risque « Amiante » et les Sapeurs-Pompiers SDIS 44 // août 2019.

** Exemple : Amiante : exposition professionnelle des pompiers classée cancérogène (2022).

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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