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DPE et PMR : isolant mince, grosse escroquerie ?

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Pour améliorer la performance énergétique de votre logement, vous avez fait poser des isolants minces réfléchissants. Le diagnostiqueur réalise le DPE et là, tous vos espoirs s’effondrent. En effet, le technicien refuse d’intégrer la résistance thermique (R), sous prétexte qu’il n’y aurait pas d’ACERMI. Il ne prend que l’épaisseur de l’isolant (e), ce qui ne vous aidera aucunement à avoir un bon DPE. Pourtant, votre produit est éligible aux aides à la rénovation énergétique. Comment peut-il ne pas être pris en considération dans le diagnostic de performance énergétique ?

PMR et DPE, le début des ennuis

Lors de la réalisation d’un DPE, le diagnostiqueur entre la résistance thermique de l’isolant (en m².K/W) et l’épaisseur (exprimée en mètres). Pour évaluer la performance d’un isolant, on applique la formule R = e / λ. Le lambda correspond à la conductivité thermique du matériau et le e à l’épaisseur. Il faut un R élevé pour avoir une bonne isolation. Cependant, la faible épaisseur n’est pas le fond du problème. Le technicien doit surtout justifier les données d’entrée.

Or, de la formation à la recertification, on apprend aux diagnostiqueurs qu’en l’absence de R certifié par un laboratoire indépendant, ils ne doivent prendre que l’épaisseur. L’organisme de référence, c’est l’ACERMI (Association pour la CERtification des Matériaux Isolants). Elle guide le choix de l’isolant thermique en fonction de son emploi dans le bâtiment. À ce jour, il n’y a que 4 produits minces réfléchissants (PMR est le nom utilisé par les fabricants) certifiés ACERMI.

Pourtant, certains de ces PMR, souvent validés par la norme NF EN 16012+A1, sont éligibles à MaPrimeRénov’, aux certificats d’économie d’énergie (CEE), etc. Leur résistance thermique est donc réputée suffisante pour obtenir des aides. Des architectes, des bureaux d’études qualifiés et des artisans RGE (reconnus garants de l’environnement) posent ces isolants minces. D’où l’incompréhension du propriétaire d’un logement rénové avec des PMR. La présence de normes et l’éligibilité aux aides de ces produits ne sont-elles pas la preuve de leur efficacité ?

Produits minces réfléchissants et controverses

Depuis leur apparition dans les années 1970, les PMR, isolants minces réfléchissants, multi-réflecteurs ou encore IMMR (isolants minces multicouches réfléchissants) suscitent des controverses. D’abord, ils ont la particularité de reposer sur un principe différent des isolants thermiques classiques, à savoir la réduction des échanges thermiques par rayonnement entre deux parois. Ce sont des couches de fibres, bulles, mousse, etc., avec au moins un film protecteur revêtu d’aluminium. Ce dernier joue le rôle de réflecteur.

Ensuite, plusieurs avis techniques mettent en évidence des résultats contradictoire entre les essais en laboratoire et l’efficacité in situ. Enfin, par le passé, l’Ademe et le CSTB recommandaient de ne les utiliser qu’en complément d’isolation thermique. Ces débats ont entraîné des procès, une décision de non-lieu de la part de l’Autorité de la concurrence, bref. Cependant, il n’y avait alors ni norme, ni agrément technique européen. Les fabricants étaient exclus des dispositifs d’aides à la rénovation.

Désormais, il existe des avis techniques et des normes européennes. De plus, la certification ACERMI n’est pas obligatoire pour bénéficier des aides (CEE et prime pour la rénovation énergétique). Aujourd’hui, qu’est-ce qui empêche le diagnostiqueur d’intégrer le R du fabricant au DPE ?

Installation des PMR et efficacité thermique

Dans son livret « Rénovation : isoler sa maison », publié l’an dernier, l’Ademe ne mentionne qu’une fois les PMR. C’est un encadré avec deux points de vigilance. « Vérifiez bien sa résistance thermique R déterminée dans le cadre d’un avis technique ou d’un agrément technique européen. Veillez à ce qu’il dispose du marquage CE si vous souhaitez utiliser ce produit comme écran sous toiture ».

Il manque un élément sur lequel l’Ademe avait pourtant insisté dans son avis sur les PMR de 2012 : l’installation. En effet, « les performances des PMR dépendent fortement de la qualité de leur pose ». Le fabricant indique un R obtenu avec des conditions spécifiques. Le produit s’insère entre des lames d’air qui ne doivent pas communiquer entre elles. Les procès-verbaux attestant de la performance thermique du produit peuvent mentionner plusieurs centimètres d’épaisseur, etc.

Si la pose ne respecte pas les conditions du PV, le R indiqué n’est pas atteint. En général, le diagnostiqueur ne peut pas vérifier la mise en œuvre. Avec d’autres isolants, il peut avoir une preuve visuelle, impossible à obtenir ici. Or il engage sa responsabilité lorsqu’il indique ce fameux R.

Isolants minces sur le marché et DHUP

Les produits minces réfléchissants sont très présents sur le marché de l’isolation thermique. Le dispositif « isolation à 1 € » a contribué à leur succès. Rappelons que cette offre a pris fin en raison de nombreuses arnaques. Cela dit, les PMR ont des atouts incontestables : bonne résistance au feu et à l’humidité, confort d’été, souplesse, légèreté… et, bien sûr, faible épaisseur. C’est pratique pour améliorer l’isolation d’un logement sans perdre trop de surface. Leur succès devrait donc perdurer.

Diagnostiqueur, enquiquiné par un PMR lors du DPE, vous cherchez un texte réglementaire sur lequel vous appuyer ? Il n’en existe pas, ni pour interdire la prise en compte du R sans ACERMI, ni pour l’autoriser. La seule solution consiste à expliquer la situation au client : l’absence de preuve quant à leur performance thermique réelle empêche de les utiliser pour un DPE opposable.

Non, il n’est pas possible de se fier simplement à la déclaration du vendeur ou du fabricant. Chacun apprécierait un avis officiel, par exemple de la DHUP, à propos de ces isolants minces réfléchissants. À défaut ou d’ici là, nous recommandons aux propriétaires de logements de choisir des isolants certifiés ACERMI, avec avis technique du CSTB, et posés par des professionnels formés.

Sources et références
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7 Commentaires

Commenter
  1. P
    Patrick 9 novembre 2023 - 13h38

    alors comment peut on expliquer qu une ITE avec de polystyrène permet d obtenir ma prime renov
    en respectant le R , bien que ces produits sont a base de pétrole !!
    trouvez l erreur

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 10 novembre 2023 - 20h25

      Des députés et des sénateurs soulignent régulièrement cette contradiction. La situation pourrait évoluer, peut-être, avec la révision de la DPEB (directive sur la performance énergétique des bâtiments). En effet, la question d’obliger à utiliser, lors d’une rénovation, des produits satisfaisants d’un point de vue environnemental est actuellement débattue.

      Répondre
  2. P
    Pascal MORIN 9 novembre 2023 - 16h54

    Merci pour cet article.

    Les PMR affichent un R qui prend en compte 2 lames d’air : devant et derrière le matériau réfléchissant. S’il est bien tendu entre 2 lames d’air, les lames d’air étant non ventilées, le produit étant donc non visible, le R mentionné est crédible.

    Ceci dit, les fabricants de PMR ne vendent donc pas un isolant mince, mais une feuille réfléchissante étanche et… de l’air ! Pour ne pas du dire du vent 🥹

    Aussi, c’est la qualité de pose qui fait l’isolation : création de 2 lames d’air étanches (exemple : entre HPV et placo).

    Mais de fait, il n’y a plus rien de « mince » vu qu’il faut 2 lames d’air épaisses.

    Évidemment, posé sans doublage et sans lames d’air, le produit ne vaut plus grand chose. Car balayé par les mouvements d’air, il va « conduire » l’énergie vers l’extérieur.

    Répondre
  3. M
    Maxime 10 novembre 2023 - 7h53

    Bonjour ,

    Sauf erreur de ma part un fabricant d’isolant mince a gagné son procès contre un organisme officiel et un fabricant d’isolant avec épaisseur ? 😉

    cordialement

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 10 novembre 2023 - 20h29

      Bonjour,

      Il me semblait qu’en appel, la situation avait évolué, mais je n’arrive pas à retrouver le texte. Je compléterai ce commentaire lorsque j’aurais remis la main dessus… En attendant, si jamais vous l’avez, je suis preneuse !

      Cordialement,

      Répondre
  4. 20 novembre 2023 - 9h33

    « …des atouts incontestables : bonne résistance au feu et à l’humidité, confort d’été, souplesse, légèreté… et, bien sûr, faible épaisseur.  »
    Ce n’est pas tout à fait vrai concernant l’épaisseur, car quand on regarde de près les recommandations de pose des fabricants, càd avec les lames d’air et sans compression de l’isolant, on est à +/- 2cm égal à un isolant classique !

    Répondre

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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