Depuis le printemps 2023, la rumeur enfle : les passoires thermiques seront prochainement interdites à la vente. Aucun texte réglementaire ne le prévoit. Cependant, pour atteindre les objectifs de rénovation énergétique des logements, il faudra rénover tous les biens classés F ou G, occupés, vendus ou loués. Le gouvernement étudie encore les solutions pour y parvenir. Dans tous les cas, l’interdiction de vendre des logements très énergivores semble impossible à mettre à œuvre.
pourquoi interdire la vente de passoires thermiques ?
À l’origine de cette rumeur, il y a la refonte de la directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) adoptée par le Parlement européen en mars 2023. Celle-ci impose une classe DPE E au 1er janvier 2030 au plus tard, et une classe DPE D à partir du 1er janvier 2033. Mais en réalité, la loi Climat de 2019 est déjà plus audacieuse : tous les logements doivent atteindre la classe E dès 2028. Cette obligation ne s’applique pas qu’aux bailleurs, même si la loi Climat Résilience peut laisser croire le contraire.
La rumeur relative à l’interdiction de vente des passoires thermiques a de nouveau pris de l’ampleur à compter du 4 septembre 2023. Ce jour-là, M. Emmanuel Macron déclare, au micro de la chaîne YouTube Hugo Décrypte, vouloir contraindre certains propriétaires « au moment où ils vendent, ou ils changent leur locataire, à devoir faire des travaux ». Des médias en ont déduit que la vente des passoires thermiques serait conditionnée à la réalisation de travaux. D’où des ventes interdites sauf rénovation, à l’instar des logements énergivores mis en location.
peut-on interdire de vendre des biens DPE F ou g ?
Dans ce scénario, l’interdiction de louer une passoire thermique, instaurée par la loi Climat Résilience, serait étendue à la vente. Le dispositif prendrait une forme similaire, avec un calendrier échelonné selon le niveau de performance énergétique. Cette hypothèse est cependant peu probable parce qu’elle conduirait à des impasses inacceptables.
Parfois, malgré les aides financières, la rénovation coûte trop cher. De plus, surtout dans certaines régions, il n’y a pas assez de professionnels RGE* pour réaliser des travaux de rénovation aidés. Enfin, dans un contexte d’inflation, de crise du logement et de hausse du sans-abrisme, une telle mesure susciterait un tollé. Il paraît aussi difficile de rendre ce dispositif compatible avec le droit de propriété, constitutionnel en France.
Finalement, le ministre du Logement a démenti catégoriquement cette interprétation des propos du président de la République. « Non, il n’y aura absolument pas d’interdiction de vendre les passoires thermiques », a insisté M. Patrice Vergriete, contacté par Capital. Emmanuel Macron fera probablement des annonces aujourd’hui, lors de sa prise de parole à l’issue du conseil de planification écologique (CPE).
Contraindre vendeurs ou acquéreurs à rénover
L’exécutif pourrait mettre en œuvre d’autres dispositifs :
- Obliger le vendeur à réaliser des travaux avec somme séquestrée chez le notaire ;
- Obtenir de l’acquéreur qu’il s’engage à réaliser des travaux ;
- Augmenter la taxe foncière si le logement est une passoire thermique ;
- Appliquer une décote légale sur le prix de vente si classe F ou G…
D’ores et déjà, la note DPE joue sur le prix de vente, et l’obtention d’un crédit pour les acheteurs de passoires thermiques se complique. Mais à ce jour, les dispositions listées ci-dessus restent des bruits de couloir, propagés aux journalistes par des sources anonymes proches des ministères. L’exécutif dit seulement vouloir augmenter les rénovations lors de mutations.
Les principales annonces officielles concernent l’augmentation des aides (MaPrimeRénov’) et le déploiement de Mon Accompagnateur Rénov’. Dimanche 24 septembre 2023, nous avons aussi appris que le gouvernement envisageait d’assouplir les conditions de crédit. Cette mesure doit permettre « de donner un nouveau souffle bienvenu aux constructions ou aux rénovations de logements ». Dans tous les cas, avant chaque chantier, il y aura un DPE, puis un audit au format réglementaire.
DPE, mauvais pilier de la rénovation ?
À sa création, le DPE servait principalement à comparer la performance énergétique des biens mis en vente ou en location. Cette vocation n’a certes pas disparu. Les problèmes récurrents d’affichage du DPE dans les annonces immobilières en témoignent. Néanmoins, de plus en plus, le DPE s’adressera aussi au propriétaire occupant pour lui permettre :
- De savoir s’il est ou non nécessaire de réaliser un audit énergétique ;
- D’anticiper le niveau de performance énergétique après travaux ;
- D’augmenter la valeur verte de son patrimoine ;
- D’obtenir un prêt auprès des banques, etc.
Quel que soit le moyen mis en œuvre pour déclencher des rénovations globales et performantes, le DPE servira de repère. D’où la tribune publiée dans Les Echos et relayée par l’Institut Veblen. Les auteurs, acteurs engagés pour le climat, exhortent M. Macron à changer de stratégie. Extrait :
« Le DPE – à supposer qu’il soit bien renseigné, ce qui est rarement le cas – ne donne qu’une indication relative sur la performance énergétique d’un logement. […] Cet outil n’est pas conçu pour préconiser les travaux adéquats. En fondant une politique publique sur le seul saut des classes DPE, nous ne réduirons pas la consommation d’énergie des logements, nous ne combattrons pas le réchauffement climatique et nous ne protégerons pas des millions de ménages contre la précarité énergétique ».
dpe avant audit énergétique et rénovation
Nous pourrions rétorquer aux auteurs de cette lettre que le DPE n’est qu’un diagnostic, amené à précéder la réalisation d’un audit énergétique. En outre, il paraît impossible de ne pas se fonder sur les classes du DPE alors que tous les textes européens se basent déjà sur les diagnostics de performance énergétique.
Certains diagnostiqueurs pensent aussi que ce n’est pas leur rôle d’intervenir avant un projet de travaux. Il faudrait, selon eux, laisser cette mission aux BET. D’une part, c’est oublier que la méthode 3CL va être généralisée à tous les audits énergétiques. Or qui la maîtrise mieux que les diagnostiqueurs ? D’autre part, les bureaux d’études thermiques ont également été étrillés par la presse consumériste.
Le DPE servira à prouver l’état du logement avant et après rénovation énergétique. Aucun retour en arrière ne semble envisageable. En revanche, l’amélioration de la méthode de calcul est encore possible. D’ailleurs, ce sera sans doute nécessaire pour embarquer tous les propriétaires dans la rénovation énergétique. Quoi qu’il en soit, actuellement, aucune mesure réglementaire coercitive ne s’applique aux vendeurs de passoires thermiques.
* Lire à ce sujet les notes d’analyse n°126 et n°127 de septembre 2023 par France Stratégie.
Je ne trouve pas cela forcément négatif car celui qui va acheté un logement classé F ou G a forcément pris en compte qu’il faudra le rénover avant d’occuper ou de louer l’habitation et ses personnes la on souvent les moyens financiers pour faire les travaux.
Non, ce n’est pas négatif. L’interdiction de vendre des passoires thermiques aurait d’ailleurs des conséquences catastrophiques. Le titre était plutôt un moyen de réagir à tous ces articles de presse qui annonçaient une potentielle interdiction de vente de ces logements, dans le sens où cette situation semble assez irréaliste.
Oui ça n’aurait aucun sens d’interdire la vente des passoires thermiques.
Quant à la question du DPE pilier de la rénovation énergétique, là c’est plus complexe. Le problème c’est que ça nous place en première ligne parce qu’on est les principaux utilisateurs de l’algo 3CL. Cela donne des situations où des clients vont voir un archi qui leur répond de plutôt voir avec le diagnostiqueur parce qu’il n’a pas le logiciel et ne sait pas comment les travaux sortiront sur le DPE. Déjà il faudrait donc que tous les acteurs de la rénovation énergétique utilisent l’algo 3CL. Que le premier réflexe soit de consulter le DPE et d’importer le fichier xml.
Parce que le diagnostiqueur, il a une vue biaisée. Le but c’est de passer à un meilleur classement, je pense que la rénovation énergétique c’est plus complexe que ça.
Je pense que tous les acteurs de la rénovation énergétique vont devoir utiliser l’algo 3CL. D’ores et déjà, l’arrêté du 21 septembre 2023 publié ce matin l’impose pour tous les audits incitatifs pour l’obtention des aides à la rénovation globale. L’objectif affiché du ministère est de simplifier la rénovation énergétique pour les ménages en harmonisant les dispositifs existants. Plusieurs professionnels doivent pouvoir intervenir dans le cadre d’un projet de rénovation, ce qui sera aussi un moyen de massifier les rénovations de logements.