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Chauffage mobile, logement indécent ?

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La dernière mode consiste à retirer le chauffage fixe pour échapper au DPE et à l’interdiction d’augmenter le loyer voire de louer. Comme un logement ne peut pas être décent sans chauffage, certains bailleurs installent des radiateurs mobiles. Mais ces installations de chauffage répondent-elles aux normes de décence des logements mis en location ?

Pas de chauffage fixe, pas de DPE

Les logements sans équipements fixes de chauffage ne sont pas soumis au diagnostic de performance énergétique. Nombre de propriétaires l’ont bien compris. Certains n’hésitent donc pas à démonter leur radiateur avant la visite du diagnostiqueur. D’ailleurs, les notaires réclament de plus en plus souvent une attestation mentionnant l’absence de système de chauffage.*

Nous reviendrons après sur l’absurdité de ce comportement dans le cadre d’une vente. Intéressons-nous d’abord au bailleur. Pour ne pas louer un bien classé DPE F ou G, il enlève le chauffage. Pas de DPE, pas de gel des loyers ni d’interdiction future de louer. Toutefois, dans un logement décent, le locataire doit pouvoir se chauffer, d’où l’idée de recourir aux radiateurs mobiles. Est-ce une stratégie autorisée ?

Qu’est-ce qu’un chauffage normal en location ?

La réglementation n’interdit pas formellement l’utilisation de radiateurs mobiles puisqu’il n’y a aucune mention de ces derniers. En matière de chauffage, le décret n°2023-695 du 31 juillet 2023 ne change rien à l’article 3 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002.

Le logement comporte « une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adapté aux caractéristiques du logement ».  De plus, la température, mesurée à 1,50 mètres au-dessus du sol, doit atteindre 18 degrés au centre de chaque pièce. En cas de sous-chauffe ou de surchauffe, le locataire peut saisir le juge des contentieux de la protection.

Radiateur mobile ou chauffage d’appoint ?

La difficulté consiste à établir ce qu’est un chauffage normal et adapté. A priori, si un radiateur mobile respecte les critères ci-dessus, alors il ne rend pas le logement indécent. Toutefois, selon la jurisprudence, un chauffage d’appoint, sans chauffage fixe, est un facteur d’indécence. Comme son nom l’indique, le chauffage d’appoint s’utilise de manière occasionnelle en complément d’une solution de chauffage principale.

Or les chauffages mobiles entrent généralement dans la catégorie des chauffages d’appoint. On désigne ainsi les radiateurs à bain d’huile, les convecteurs mobiles, les radiateurs soufflants, les panneaux rayonnants mobiles, etc. Soit dit en passant, les systèmes à effet joule, par exemple un sèche-serviette dans la salle de bains, obligent à réaliser un DPE.

Un logement sans DPE est-il décent ?

Il convient aussi de se demander jusqu’à quel point l’exemption de DPE n’est pas synonyme d’indécence (future) du logement. En effet, selon l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, modifié par la loi Énergie et Climat, le bailleur est « tenu de remettre au locataire un logement décent […] répondant à un critère de performance énergétique minimal, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an ».

En l’absence d’information sur la consommation d’énergie finale, comment établir que le logement est décent ? Avec l’entrée en vigueur des échéances de la loi Climat Résilience, un bien non soumis au DPE pourrait subir une interdiction de location. En tout cas, un bailleur qui loue sans DPE devient de plus en plus suspect.

Pas de chauffage, pas d’audit énergétique ?

Des diagnostiqueurs témoignent aussi d’un retrait des radiateurs fixes dans le cadre d’une vente pour échapper à l’audit réglementaire. Pourtant, le propriétaire vendeur ne peut qu’être perdant. D’une part, il devra certainement baisser le prix de vente en l’absence de DPE. D’autre part, les banques scrutent le DPE pour l’attribution de prêts et de crédits.

La directrice d’une banque en témoignait déjà dans nos pages en juillet 2022. Une étude du courtier Vousfinancer, parue cette semaine, confirme que la performance énergétique devient un critère d’octroi d’un crédit. Sans DPE ni audit énergétique, vous n’avez quasiment aucune chance de trouver un acquéreur. Il suffit de comparer le prix d’un bien et celui d’un audit pour comprendre que c’est une idée grotesque.

Démonter les radiateurs, c’est frauder

Induire le locataire ou l’acheteur en erreur s’apparente à une tentative de fraude, punie par la loi. En démontant des radiateurs pour cacher sciemment la performance énergétique du logement, vous pouvez écoper d’une amende et d’une peine de prison. S’il y a eu du chauffage dans l’appartement ou la maison par le passé, il reste certainement des factures d’énergie.

En prime, avec le DPE et l’audit réglementaire opposables, le propriétaire engage sa responsabilité en annonçant qu’un bien n’est pas soumis au DPE. Enfin, soyons sérieux, le DPE et l’audit sont des aides légitimes à la décision d’achat immobilier ou de location. Bref, quel que soit l’angle sous lequel on analyse la situation – conscience écologique, obligations légales, bénéfices, risques encourus – cette attitude est insensée.

Prouver un manquement du propriétaire

Interrogée, l’ANIL nous répond qu’un radiateur mobile n’est généralement pas conforme aux normes de décence. Elle invite les locataires concernés à envoyer une photo à l’Agence départementale d’information sur le logement (ADIL) dont ils dépendent. Les juristes pourront alors établir si le logement est décent et fournir des conseils appropriés. L’idéal est de contacter l’ADIL avant de signer le bail.

D’ailleurs, certains diagnostiqueurs prennent aussi des photos quand des vestiges de l’ancien système de chauffage subsistent. Ils conservent ainsi une preuve de l’état du logement lors de leur visite pour se protéger en cas de litige. Bien entendu, cet article ne concerne pas les biens n’ayant jamais été chauffés, notamment les habitations qui servaient de résidences secondaires l’été.

* Diagnostiqueurs, rien ne vous oblige à remplir une attestation concernant l’absence de système de chauffage. Libre à vous de le faire, mais vous n’avez pas à dégager la responsabilité du notaire ni celle du donneur d’ordre. À chacun ses obligations.
Sources et références réglementaires
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4 Commentaires

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  1. H
    HELENE 22 septembre 2023 - 12h13

    Bonjour,
    Merci pour la clarté de cet article!
    A nous d’être vigilants sur les conseils… J’imagine que nous avons tous rencontré cette problèmatique.

    Répondre
  2. M
    Michel 22 septembre 2023 - 13h06

    Bonjour,
    le guide du DPE du Ministère de la transition écologique indique clairement, en page 14 en encadré rouge que les « convecteurs sur prise » ne sont pas considérés dans le DPE. En ce cas, si on a calculé avec de tels équipements, même accrochés au mur, qu’en serait-t-il en cas de litige? Cas que j’ai plusieurs fois rencontré dans de vieilles maisons de village délabrées, et dans ce cas, je fais une attestation « Hors champ d’application du DPE » … à moins que le propriétaire ne fasse des modifications et me demande une contre-visite.

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 22 septembre 2023 - 14h12

      Bonjour,
      Les convecteurs sur prise sont des équipements mobiles de chauffage donc en effet, ils ne sont pas pris en compte. Le diagnostiqueur ne doit pas inclure ces équipements dans le calcul. La mission ne serait pas conforme aux règles de l’art, d’où un risque de litige. S’il n’y a que ce système de chauffage, le bien est non soumis au DPE. Il me semble que vous avez alors la bonne attitude. En revanche, s’il y a une boîte de raccordement, ce n’est plus un appareil de chauffage mobile, qu’il soit fixé au mur ou non.

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  3. P
    Pascal 25 septembre 2023 - 10h03

    Super d’avoir les sources juridiques

    Répondre

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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