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Conséquences du rétropédalage MaPrimeRénov’ / DPE

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Le 8 mars 2024, nos ministres s’engagent à augmenter massivement la part de bâtiments quasi nuls en émissions de gaz à effet de serre (Déclaration de Chaillot). Le même jour, ils encouragent les gestes simples, même dans les passoires thermiques. L’obligation de DPE avant tout parcours de travaux disparaît, alors qu’elle venait d’être créée. On comprend l’intérêt de ce rétropédalage MaPrimeRénov’ pour la filière du bâtiment, mais les ménages et la planète risquent d’être les grands perdants.

ÉCHEC DU NOUVEAU DISPOSITIF MAPRIMERÉNOV’ ?

Le 6 mars, le journal Les Échos révélait l’effondrement des demandes de prime de transition énergétique. Elles auraient chuté de 40 % par rapport à la même période en 2023. La journaliste accuse la réforme du dispositif MaPrimeRénov’, en s’appuyant sur les déclarations de la FFB et de la CAPEB. Pourtant, ladite réforme n’avait même pas encore été réellement mise en place ! Jusqu’au 1er juillet 2024, la classe du DPE ne conditionnait pas les travaux éligibles à MPR.

En outre, le baromètre Opinonway pour Qualit’EnR, publié le 7 mars 2024, éclaire les comportements des ménages vis-à-vis de MPR. On y apprend que pour 60 % des Français, faire appel à MaPrimeRénov’ augmente le risque d’être arnaqué. Le sondage révèle également un gros déficit de confiance envers les installateurs de système de chauffage. La chute de 16 points, par rapport à 2023, a forcément un lien avec la diminution du recours aux aides.

En effet, les alertes à la fraude sont à double tranchant. D’un côté, il faut médiatiser les fraudeurs pour réduire le nombre de victimes. De l’autre, si on ne montre que les brebis galeuses, le grand public finit par s’imaginer que le troupeau n’est constitué que de brebis galeuses. Enfin, la procédure kafkaïenne et changeante de MPR, couplée aux tensions sur le pouvoir d’achat, pousse à l’attentisme. Comment faire confiance à un dispositif obscur et instable ?

LA CAPEB, LA FFB ET LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE

Nous n’en voulons pas aux syndicats des artisans et des entreprises du bâtiment. Avec l’effondrement de la construction neuve, le secteur est en crise. Pour redresser la barre, il ne peut miser que sur la rénovation énergétique. La chute du nombre de dossiers MPR augmente donc les défaillances d’entreprises. Bref, la CAPEB et la FFB jouent leur rôle de syndicat en défendant les intérêts du secteur.

Mais ces intérêts individuels ne coïncident pas nécessairement avec l’intérêt collectif. Ainsi, tous les spécialistes de la rénovation énergétique s’accordent sur la nécessité d’encourager les rénovations d’ampleur, globales. Par exemple, on sait que l’installation d’une pompe à chaleur dans une passoire thermique est inutile sans rénovation performante préalable. Avec ce revirement, les ménages seront aidés pour installer une PAC dans un logement très énergivore. Quel artisan refuserait, surtout dans le difficile contexte actuel ?

Miser sur les gestes simples signifie partir du principe que ce n’est qu’un début. Progressivement, les ménages concernés s’attaqueront à d’autres postes de travaux. In fine, ils rendront leur logement économe en énergie. Cependant, les années précédentes témoignent des failles de ce raisonnement. En prime, il reste très peu de temps. Le réchauffement climatique s’accélère, tandis que le volume de rénovations est insuffisant pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris. De plus, cette mesure survient après l’annonce de la baisse du budget alloué à MaPrimeRénov’. Tout cela envoie un message incohérent avec la Déclaration de Chaillot.

Enfin, cette énième réforme de MaPrimeRénov’ ne transformera pas la défiance des ménages en confiance, au contraire. Durant ces deux derniers mois, l’Anah a publié de nombreux guides pour expliquer aux usagers un parcours de rénovation déjà caduque. Comment voulez-vous que le consommateur s’y retrouve ? En guise de simplification, il n’y a que de l’imprécision.

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DPE AVANT TRAVAUX ET AUDIT ÉNERGÉTIQUE

Il n’y a pas eu un seul mot, de la part de la FFB, de la CAPEB et du ministère de la Transition écologique, à propos de l’audit énergétique. On peut donc supposer que si le DPE avant travaux disparaît, l’audit énergétique reste. Or d’abord cet audit suivra la méthode 3CL du DPE, qu’il complète, dès le 1er avril 2024. Supprimer l’un et garder l’autre est un non-sens. Ensuite, il y a beaucoup plus de diagnostiqueurs certifiés sur le territoire que d’auditeurs RGE. Ne risque-t-on pas de ralentir les démarches, tout en les rendant plus onéreuses, au lieu de les accélérer ?

Par ailleurs, la cartographie faite par Effy montre le nombre de MAR (Mon Accompagnateur Rénov’) sur le territoire. La progression est encourageante, mais insuffisante. L’État s’engage à homologuer plus de 600 structures d’ici juin. Toutefois, nous avons déjà pu constater le fréquent contraste entre les engagements de l’État et la réalité du terrain. Nous savons aussi que volume et qualité ne vont pas toujours de pair. D’ores et déjà, les tarifs des MAR font le grand écart. Ce problème se pose également avec l’assouplissement de l’accès au label RGE.

CONSIDÉRATION DU DIAGNOSTIQUEUR

Le décret entérinant la révision de MaPrimeRénov’ est annoncé pour cette semaine. Il se contentera peut-être de reporter le dispositif à 2025. En attendant, ces changements auront une conséquence concrète immédiate. Les diagnostiqueurs feront face à des demandes d’annulation. Leurs clients ne feront pas établir un DPE s’ils peuvent s’en passer. Car oui, quand on leur demande de réaliser des DPE avant travaux pour MaPrimeRénov’, les professionnels s’organisent. De plus, c’est un nouveau marché quand sévit la crise immobilière.

Au fil de ses interventions télévisées et radiophoniques, l’exécutif a dévoilé ses pistes d’amélioration de MPR. Aucune d’entre elles ne laissait prévoir la suppression de l’obligation de fournir un DPE. Le ministère de la Transition écologique ferme donc brutalement une porte qu’il venait d’entrouvrir.  Au passage, il laisse penser aux propriétaires qu’au bout du compte, le DPE avant rénovation est inutile. En général, nous constatons que si le gouvernement est à l’écoute des artisans — et heureusement — il n’en va pas de même pour la filière du diagnostic.

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8 Commentaires

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  1. S
    Sylvain 13 mars 2024 - 23h52

    Faire des travaux, c’est bien.., mais faire les bons travaux c’est mieux. Pour satisfaire l’ensemble de la filière et les citoyens qui paient, rien de mieux que de ne pas prendre les propriétaires pour des « cons ».., et pour cela les DPE doivent êtres bien faits et appropriés au descriptif des surfaces,…. , ce qui n’est pas le cas. L’Etat a aussi sa part de responsabilité dans cette méfiance, à cause des inepties de constructions dans le DPE, la lenteurs des corrections à apporter, qui ne sont pas si nombreuses, mais qui dégrade fortement la qualité de l’enveloppe des logements, sans parler du coef de 2.3, un absurdité qui dégrade les logements et qui n’apporte rien d’autres que déceptions et découragement des propriétaires …

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  2. M
    Maxime 14 mars 2024 - 7h31

    Quid de la mise en œuvre d’une PAC avant les travaux d’isolation ? La PAC sera donc surdimensionnée à la fin, et le client aura une consommation qui explosera. Au final, la PAC sera critiquée alors que c’est l’artisan qui a vendu la machine avant l’isolation. Et à contrario, aucun recours ne sera possible contre l’artisan qui a dimensionné une PAC avant isolation. Le DPE pouvait être un garde-fou et un outils pour un recours contre un artisan qui travaille à l’encontre de la charte RGE. C’est pas fini de décrédibiliser les PaC et les artisans, à force de nous ignorer avec nos conseils

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  3. B
    Bruno 14 mars 2024 - 8h29

    Tout cela n’est que du business où la qualité de vie des habitants n’est meme pas secondaire. Pour nos décideurs, il faut que les collecteurs de TVA aient des chantiers!
    Effectivement, s’ il y avait de la cohérence au niveau de ceux qui nous gouvernent, on ferait un état des lieux des logements (Dpe?) puis on accepterait que le système de chauffage soit décidé après isolation de l’enveloppe réalisées par des entreprises locales. Aidons ces entreprises à embaucher et former du personnel en defiscalisant, supprimant la TVA etc…
    Les habitants des campagnes ne veulent pas de Pac qui gèle en hiver avec une durée de vie de 10ans.. pendant qu’une chaudière fuel ou gaz fonctionnent pendant au moins 20 ans et deux ou trois fois moins chère à l’achat, et des maintenances annuelles moins onéreuses, en ajoutant le remplacement des pièces électroniques etc…! Sans argent les habitants de la france Rurale ne vont pas mourir du réchauffement climatique !
    L’avenir de la planète ? Tous s’en moquent dans les faits! Le réchauffement climatique est utilisé comme un outil de culpabilisation du peuple et certainement pas pour le résoudre …et ceci on peut le constater chaque jour dans tous les domaines depuis 30ans.
    Bruno Muzard
    M3Diag

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    • S
      Sylvain 16 mars 2024 - 1h24

      Bruno, de belles et sages lignes de quelqu’un qui entrevoit la réalité « économique » du DPE, et pas celle présenté du soi-disant sauvetage de la planète…

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  4. F
    Florian 14 mars 2024 - 10h00

    Franchement, un DPE n’apporte pas grand chose à un client qui souhaite faire une rénovation. La méthode 3CL n’est thermiquement pas adaptée. Elle ne permet même pas de valoriser l’amélioration des ponts thermiques ou encore l’amélioration d’une régulation d’un système de chauffage quand on fait des préconisations. L’audit réglementaire ne permet pas de faire de véritable analyse financière et ne permet pas l’analyse des factures réelles ce qui empêche d’avoir une étude vraiment représentative d’un logement. Pas d’étude de dimensionnement non plus par le calcul des déperditions. En gros les diagnostiqueurs auront l’impression de faire un audit énergétique mais ne feront que délivrer un papier pour des clients qui ne cherchent que des aides. Ceux qui voudront un véritable audit ne pourront même pas s’en servir pour obtenir des aides. Bravo à cette réforme…

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 14 mars 2024 - 10h10

      Dans le contexte de MaPrimeRénov’, le DPE permet de savoir quels sont les logements qui doivent faire l’objet d’une rénovation performante. En réalité, cela semble avoir été efficace. En effet, depuis, nous avons appris que si le nombre de demandes avait effectivement baissé de 40 %, le nombre de demandes de parcours accompagné pour les passoires thermiques avait au contraire très fortement augmenté, de quasiment 80 % dans certaines régions et en seulement 2 mois. C’est Mon Accompagnateur Rénov’ qui se charge ensuite d’aider à réaliser des travaux efficaces en tenant compte de la situation du propriétaire.

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      • F
        Florian 14 mars 2024 - 10h27

        Il me tarde d’avoir les premières études d’ici quelques mois sur l’efficacité du dispositif. Je vois déjà les gros titres : Accompagnateurs mal formés, préconisations incohérentes, dossiers bloqués, pas mal non ? C’est français.

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    • O
      Olivier 17 mars 2024 - 9h54

      Je ne suis pas un fervent défense de la méthode 3CL (je suis les travaux sur la méthode CIBLE et cela paraît très prometteur, mais pas avant fin 2025 si on est optimiste).
      Il est vrai que des raccourcis ont été produits sur les ponts thermiques au sein de la 3CL-DPE 2021 (négliger tous les ponts verticaux à l’exception des murs de refend, les parois légères, les ponctuels et structurels) mais on peut tout de même utiliser des valeurs plus précises que celles de la méthode si on le souhaite : « Si les valeurs des ponts thermiques sont connues et justifiées, les saisir directement pour le calcul, à l’exception des ponts thermiques négligés dans les valeurs par défaut. Sinon les valeurs par défaut proposées dans la suite peuvent être utilisées.  »
      En thermique,.nous avons des outils logiciels pour calculer les ponts et des bibles que sont les règles TH-BAT (les fascicules sont gratuits et en ligne sur le site rt-re-batiment).
      On passe de 4 pages sur les ponts thermiques à des documents de plusieurs centaines de pages avec des valeurs potentiellement reprenables dans un calcul 3CL, pouvant valoriser ou dévaloriser une rénovation au niveau de la simulation.
      Certaines régions avec subvention à la clés demande un audit supplémentaire au réglementaire, avec des options comme calcul de dimensionnement, STD, etc.
      Bien sûr le coût n’est pas le même qu’un simple audit réglementaire…

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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