L’incendie des immeubles désaffectés à Rouen rappelle les dangers liés à la présence d’amiante dans des bâtiments abandonnés. Cette situation est loin de ne concerner que la capitale de la Normandie. De plus, l’incendie n’est pas l’unique risque à craindre. Pour autant, l’inquiétude est inutile si elle ne débouche pas sur un véritable plan d’actions pour anéantir ces risques d’exposition à l’amiante. L’État pourrait déjà proposer davantage d’aides aux travaux de désamiantage, y compris hors projet de rénovation énergétique.
Risques amiante dans les bâtiments abandonnés
D’après les derniers résultats des analyses, il n’y aurait pas de trace significative d’amiante dans l’air après l’incendie des Verre et Acier à Rouen. Des analyses complémentaires sont en cours, espérons-les rassurantes. Dans tous les cas, cet événement invite à prendre des mesures pour éviter une catastrophe sanitaire future. En France, les immeubles désaffectés sont fréquemment construits avec des matériaux ou produits contenant de l’amiante (MPCA). Plusieurs dangers menacent ces bâtiments abandonnés :
- La présence de squatteurs ignorant le risque d’exposition à l’amiante ;
- Un acte criminel débouchant sur un incendie ou des dégradations ;
- Une catastrophe naturelle ou technologique, des aléas climatiques…
Les personnes qui squattent peuvent, par ignorance, endommager des MPCA. Les autres phénomènes évoqués sont susceptibles d’altérer l’état de conservation. Il en résulte toujours un risque d’inhalation de fibres d’amiante. Bien sûr, il peut aussi ne rien se passer pendant des décennies. Néanmoins, le principe de précaution justifie l’action.
Démolitions et coûts de désamiantage élevés
On ne sait pas combien d’immeubles anciens et désaffectés existent en France. Les données de l’Insee permettent seulement d’évaluer la quantité de logements vacants, en forte augmentation depuis une quinzaine d’années. À ces habitations vacantes, s’ajoutent les immeubles de bureaux, les bâtiments publics, bref, des lieux variés. En témoignent d’ailleurs les images des différents types d’urbex. Ces endroits sont abandonnés pour des raisons tout aussi hétérogènes.
En revanche, s’ils ne sont pas démolis, c’est souvent à cause du coût de la dépollution. La présence d’amiante retarde les chantiers. D’ailleurs, aux Pépinières Saint-Julien, le projet de démolition attendait depuis 6 ans. En effet, le coût d’un désamiantage sur des tours d’immeubles et autres bâtiments à plusieurs étages est très élevé. Il faut généralement trouver un acquéreur avec un projet de réhabilitation, d’aménagement ou de construction afin de partager les frais. La réglementation amiante est conséquente, mais son application est onéreuse.
Déficit flagrant d’aides au désamiantage
Les communes peuvent bénéficier d’aides pour la déconstruction de bâtiments agricoles, pour des toitures amiantées, ou pour des rénovations énergétiques. Les bailleurs sociaux ont aussi droit à des aides à la rénovation thermique. Certaines incluent en bonus en cas de présence d’amiante (éco-prêt logement social ou éco-PLS). Néanmoins, l’aide versée au propriétaire est généralement loin d’être à la hauteur du coût. En prime, il faut avoir un projet de rénovation énergétique pour y avoir droit.
Bref, lorsqu’un immeuble est abandonné depuis plusieurs années, parfois des décennies, la situation stagne dangereusement. Actuellement, des acteurs publics souhaitent résoudre le manque de logements grâce à la reconversion de bureaux et de bâtiments d’activité. C’est un objectif affiché en Île-de-France, par exemple. Mais là encore, la présence d’amiante peut contribuer à rendre l’opération infaisable, même si elle s’ajoute à d’autres difficultés techniques. Quant au propriétaire privé, il n’a droit à rien pour son logement bourré d’amiante et vacant.
Minimisation du risque amiante
« Nous ne sommes pas dans le cadre d’un incendie comme Lubrizol où il y avait un risque chimique, nous sommes sur un risque de fibre d’amiante, ce n’est pas le même niveau de dangerosité. » Ces propos de l’ajointe au logement à la mairie de Rouen, avant même la réalisation des analyses, ont provoqué l’indignation de particuliers et de professionnels. Il n’y avait là, sans doute, qu’une volonté de rassurer la population. Cependant, le Collectif Lubrizol constate qu’encore une fois « les pouvoirs publics minimisent le risque lié à l’amiante ».
La priorité donnée à l’amélioration de la performance énergétique et le peu d’aides destinées aux travaux de désamiantage lui donne raison. Il semble y avoir, de la part des pouvoirs publics, une tendance à minorer systématiquement ce risque. Pourtant, on constate trop régulièrement que le problème est loin d’être derrière nous. Comme pour la rénovation énergétique, il y a tout un travail d’information, d’accompagnement et de soutien financier aux travaux à réaliser urgemment. L’éradication de l’amiante dans les bâtiments est aussi, à l’instar de la rénovation thermique, le « chantier du siècle ».
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