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Le DPE sur factures n’est pas la solution

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Des sénateurs au G7 patrimoine, l’idée de revenir au DPE sur factures était étrangement présente ces dernières semaines. Il convient de rappeler que ce n’est pas la solution, malgré les défauts de la méthode 3CL actuelle. Le diagnostic basé sur les factures d’énergie était encore moins fiable. Y revenir ne serait pas souhaitable.

Arguments en faveur du DPE sur factures

Reprenons l’ensemble des arguments récemment énoncés pour justifier la réalisation d’un DPE sur présentation des factures d’énergie :

  • Résultats du DPE trop éloignés de la consommation effective ;
  • Disparités entre les DPE d’un même bien immobilier ;
  • Risque de pénurie de logements proposés à la location ;
  • Logements de petites surfaces pénalisés et impossibles à rénover ;
  • DPE 3CL qui aggrave la crise du logement ;
  • DPE actuel inadapté aux immeubles anciens (d’avant 1948).

Dans ce dernier cas, la méthode sur facture serait transitoire jusqu’à la création d’un DPE bâti ancien. Mais personne ne semble capable de détailler sa méthode de calcul. De toute manière, « aucune évolution de la méthode du DPE pour le bâti ancien n’est envisagée à court terme » a répondu le Gouvernement (JO Sénat du 14 avril 2023, page 3834).

Quel est le problème de la méthode sur factures ?

Évaluer le niveau de performance énergétique à partir des factures du précédent occupant est une mauvaise idée. D’abord, on se chauffe en fonction de son porte-monnaie. Ainsi, les locataires les plus défavorisés évitent de mettre le chauffage, par peur du montant de la facture. Dans le contexte actuel de hausse des prix de l’énergie, ce n’est pas un détail.

À l’inverse, les ménages aisés consomment souvent plus que ce que le DPE indique. Ils privilégient leur confort thermique aux économies d’énergie parce qu’ils en ont les moyens. Les études à ce sujet sont légion et aboutissent aux mêmes conclusions. De plus, certains propriétaires ne vivent que 6 mois par an dans leur logement. Enfin, 20 % des DPE étaient vierges (sans factures) avant le 1er juillet 2021.

Inconvénients individuels et collectifs

Le DPE sur factures dépend de la situation sociale des occupants et de leurs comportements. Cette méthode n’est donc pas fiable pour :

  • connaître l’état du parc immobilier (consommation d’énergie et GES) ;
  • comparer des logements sur ces critères avant l’achat ou la location ;
  • réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le parc de logements ;
  • agir face au réchauffement climatique ;
  • identifier les situations de précarité énergétique.

Par ailleurs, le DPE était critiqué avant la réforme de 2021. Le 21 février 2011, UFC-Que Choisir dénonçait les résultats « effarants » des DPE. L’association appelait alors les pouvoirs publics à « rendre opposable le DPE entre l’acheteur et le vendeur pour que la responsabilité du diagnostiqueur puisse être engagée en cas de diagnostic erroné ». Elle a été entendue. En général, elle l’est toujours, d’où le chantier de fiabilisation du DPE en 2022-2023.

Intérêt de la méthode 3CL DPE 2021

La méthode 3CL-2021 permet de comparer les étiquettes énergie et carbone en s’appuyant sur les caractéristiques physiques du logement. Elle prend aussi en compte d’autres postes comme l’éclairage pour déterminer la consommation d’énergie. Même s’il n’est pas parfait, ce diagnostic de performance énergétique reste le plus fiable à ce jour. Et il est opposable.

Il faut rénover les logements énergivores et le DPE sert à les repérer. S’il y a moins d’étiquettes F et G, mais autant de passoires thermiques, ce but n’est pas atteint. Puisque la note dépend de la plus mauvaise étiquette (énergie ou climat), il y a plus de classes F et G. Mais l’enjeu écologique explique l’importance du critère carbone. En revanche, les petites surfaces posent effectivement un problème dénoncé par la filière. Les factures fourniraient-elles un résultat plus juste ? C’est peu probable.

Attaque-t-on le DPE ou ses conséquences ?

En août 2007, en pleine inflation immobilière, un sondage de l’Ademe montrait que le DPE n’avait aucune importance pour 93 % des notaires et pour 63 % des agents immobiliers. Aujourd’hui, l’acronyme déchaîne les passions à cause de ses conséquences sur le marché immobilier. Pourtant, les objectifs de réduction des émissions de GES ne datent pas de la loi Climat Résilience. Il suffit de relire le Grenelle de l’environnement.

Bref, oui le DPE est contraignant pour vendre ou louer, mais soyons raisonnables. Ce n’était pas mieux avant. La méthode sur facture ne permettrait pas de répondre au défi climatique ni de lutter contre le mal-logement. Mieux vaut améliorer le DPE actuel et impliquer les propriétaires. C’est à eux de transmettre tous les documents et d’être transparents. Il faut aussi renforcer l’accompagnement à la rénovation. Sinon, ce ne sera pas mieux après.

Développer les deux outils de suivi

De toute façon, c’est apparemment peine perdue. Olivier Klein juge « utile de ne plus le faire évoluer à ce stade » (le DPE) car « maintenant il faut de la stabilité », a-t-il déclaré le 13 juin à la CE Rénovation énergétique. Mais cela n’empêche pas de développer des outils de suivi de la consommation réelle d’énergie.  Idéalement, la consommation conventionnelle et la consommation réelle devraient être prises en compte. L’une permet d’analyser l’état énergétique du parc et son évolution ; l’autre aide à mieux tenir compte du comportement des usagers. Ce sont des informations complémentaires pour accroître l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.

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6 Commentaires

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  1. E
    Eric 16 juin 2023 - 13h13

    je suis d’accord avec vous sauf pour le chauffage collectif sans compteur individuel, la consommation représente la réalité, qu’il y ait un occupant ou pas, la consommation énergétique reste ma même et pris sur les charges trimestrielles.
    Les occupants ont pas ou peu d’influence sur ma consommation.

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 16 juin 2023 - 13h43

      Il me semble qu’il y aura de moins en moins de logements concernés. Au niveau réglementaire, ce type d’installation semble amené à disparaître (loi relative à la transition énergétique, loi ELAN, modification du code de l’énergie, impératif de sobriété énergétique…).

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      • X
        Xavier 21 juin 2023 - 9h51

        Je ne suis pas forcément d’accord avec votre impression de la disparition du chauffage en collectif. Il fait son retour en force, avec le redéployer des réseaux de chaleur urbains. Des nouveaux quartiers entiers sont construit avec obligation de raccordement.
        Après effectivement, il y a une consommation individuelle par appartement au moyen de compteurs aux départs vers chaque appartement. Et c’est une bonne chose à mon sens, surtout que lors de la crise que nous connaissons, les immeubles bénéficiant d’un raccordement de chaleur n ont sur très rarement vu leur facture augmenter. Il s’est même passé l’inverse, le battage médiatique a permis de revenir à des périodes de chauffe plus raisonnable et appliquer le 15 octobre/ 15 avril dans les copropriétés, et les eco-gestes recommandés ont peut-être été suivants par certains. Il faut parfois avoir foi en l’humain!

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        • Cécile, le moteur de Quotidiag 21 juin 2023 - 14h47

          Vous êtes certainement mieux placé que moi pour en juger. Je vois les discours et l’évolution de la réglementation quand vous constatez aussi ce qu’il se passe sur le terrain.
          Pour le reste, je suis d’accord avec vous et c’est pour cette raison qu’il me semble nécessaire de tenir compte de la consommation réelle, de l’évolution des comportements, etc. Je crois simplement que cela doit être fait avec d’autres outils que le DPE.

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  2. G
    Gilbert 14 mars 2024 - 10h29

    Quand j’ai acheté ce studio que je mets en location, les factures de rénovation et d’isolation ne m’ont pas été fournies. Mon studio est donc classé en G, qui évoluera bientôt en F en raison de la nouvelle réforme. Mais ce studio est correctement isolé. Comment le prouver ???

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 14 mars 2024 - 10h32

      À défaut de factures de travaux, vous pouvez autoriser le diagnostiqueur à faire des sondages destructifs. Comme précisé dans la FAQ de l’Observatoire DPE-AUDIT de l’ADEME : « vous pouvez aussi autoriser votre diagnostiqueur à procéder à un sondage dit destructif. Pour cela, un perçage dans la paroi est réalisé. Il sera ensuite rebouché. Cela permettra de décrire plus finement cette performance et d’éviter de recourir à des valeurs par défaut pénalisantes. »

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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