revenir à l'Accueil
Toute l'actualitéEntretiens

La mérule m’a tout pris

Partager cet article sur

Un couple achète une maison ancienne et joliment rénovée en Bretagne. Dans le dossier de diagnostic technique, tout est normal. Quelques mois plus tard, l’infestation de mérule se déclare et leur fera tout perdre. Depuis 7 ans, les expertises s’enchaînent et la procédure n’en finit pas pour établir les responsabilités de chacun (diagnostiqueur, vendeur, agent immobilier…). L’acquéreuse, Nathalie Havard, apporte son témoignage pour éviter à d’autres personnes d’être aussi sinistrées.

Coup de cœur pour une maison à Saint-Brieuc

J’habitais Saint-Brieuc dans les Côtes-d’Armor (22), en Bretagne. Avec mon ex-conjoint, nous avons acheté une maison en passant par une agence immobilière. Au départ, nous ne souhaitions pas du tout acheter un bien dans ce quartier-là. C’est amusant quand on y repense. Et puis, l’agence nous a dit : « vous allez voir, vous allez tomber sous le charme… ». D’ailleurs, je me rappellerai toujours l’annonce. Elle décrivait un phare. Nous pensions donc que ce serait en bord de mer.

En réalité, c’était dans le centre-ville de Saint-Brieuc. Le quartier ne nous plaisait pas trop et de l’extérieur, le bâtiment non plus. Mais lorsque nous sommes entrés, nous avons eu un coup de foudre. Le vendeur avait tout rénové. C’était très joli et cosy. Il y avait un parquet chauffant, une cheminée… Dès la visite, nous avons eu un coup de cœur pour cette maison, que nous avons achetée en avril 2016. Bizarrement, l’agence nous interdisait totalement de prendre contact avec les propriétaires. Cela m’a paru curieux, mais c’est peut-être normal quand on passe par une agence.

De toute façon, nous avions déjà signé le compromis de vente, donc j’ignore ce que ça aurait changé. Disons qu’après coup, des souvenirs vous reviennent et vous vous posez beaucoup de questions. À ce moment-là, nous faisions totalement confiance aux professionnels. Le diagnostic était nickel. Zéro humidité, aucune trace de quoi que ce soit, sauf de la petite vrillette dans le garage. L’achat se concrétise et nous commençons à vivre dans cette maison.

Retour de vacances et poussière orange

C’était une maison très ancienne de 1950 ou 1960, que les anciens propriétaires avaient achetée 3 ans auparavant, suite au décès de la dame qui l’occupait. L’habitation était donc restée fermée longtemps. Tout cela, nous ne le savions pas trop au moment de la signature chez le notaire. Après l’achat, le vendeur nous a remis une enveloppe. Il nous a dit : « vous trouverez les plans, les factures, tous les documents, car j’ai tout refait moi-même : la décoration, le plancher chauffant… ». Je précise qu’il n’avait aucune connaissance en matière de menuiserie ou autre. C’était ce que l’on appelle un bricoleur du dimanche. Sur le moment, nous n’avons pas regardé le contenu de l’enveloppe.

Après la signature, cet ancien propriétaire est venu à plusieurs reprises. Il disait qu’il voulait voir si on se plaisait, comment nous décorions la maison, etc. Cela me paraissait bizarre. Par la suite, j’ai pensé qu’il voulait peut-être savoir si nous avions remarqué quoi que ce soit d’anormal. En tout cas, nous avons continué à vivre dans cette maison jusqu’en août 2017. Nous rentrions de vacances et là, je constate qu’il y a de la poussière orange sur le parquet. C’était un parquet en bois que le vendeur avait mis dans la salle, par-dessus le plancher chauffant qu’il avait posé lui-même.

Cette poussière m’a interpellée. Mon compagnon m’a dit que ce n’était sans doute rien, mais j’ai eu un mauvais pressentiment. En fait, j’avais un ami, dans cette même commune, qui avait un hôtel et où il avait découvert de la mérule. Cette fameuse poussière orange me disait donc quelque chose. Il y avait aussi ce plancher qui m’intriguait, car mon fils m’avait déjà fait remarquer que ça s’affaissait curieusement sous nos pas. Comme c’était un vieux plancher, je n’y avait pas trop prêté attention. Je vais au fond de la salle et derrière le meuble TV, je découvre un affaissement de quelques centimètres. C’est de là que provenait cette poussière orange très volatile.

Constater la présence de mérule dans la maison

J’ai commencé par appeler le propriétaire. Je n’aurais peut-être pas dû, mais comme il s’intéressait à notre devenir dans sa maison, cela m’a paru normal. Je lui ai demandé s’il était au courant de quoi que ce soit et si cela pouvait être de la mérule. Il me répond : « ah, mais non ! De toute façon, vous aviez vu votre diagnostic, il était parfait ». Et puis, deux secondes après avoir raccroché, il m’envoie une vidéo intitulée « Comment éradiquer la mérule ». C’était étrangement rapide comme réaction. Je décide de faire venir quelqu’un, car tout cela semblait bizarre.

Ensuite, je suis allée dans le jardin où le propriétaire avait bouché toutes les petites aérations. Il nous en avait déjà parlé : « avant j’habitais dans la région parisienne et il y avait des rats alors maintenant j’ai peur. Nous avons calfeutré toutes les aérations ». En marchant dans le jardin, je vois que sur l’ensemble de ces aérations, il y a des espèces de grandes toiles d’araignée. Incroyable. En réalité, c’étaient des filaments, mais je ne le savais pas. J’étais paniquée, car j’avais quand même pris un prêt de 25 ans. Je cherche dans l’annuaire et j’appelle un diagnostiqueur.

Il m’a dit immédiatement : « nous allons faire une analyse de ce que vous avez trouvé. Pour moi, c’est quelque chose de très grave. Je ne vais pas vous faire payer, car si c’est vraiment ce que je pense, ça va vous coûter tellement cher après… ». L’angoisse. Il a envoyé l’analyse dans les Vosges, dans un laboratoire spécial. Le couperet est tombé. C’est mon fils qui m’a appelée pour m’annoncer les résultats. C’était de la mérule pleureuse, la pire. Nous étions en août 2017. D’août à octobre 2017, nous avons dû quitter la maison, car nous étions passés à travers les planchers.

Responsabilité du vendeur et du diagnostiqueur

Le technicien venu faire les prélèvements m’avait demandé : « avez-vous le diagnostic du vendeur ? » Je lui ai montré le diagnostic que j’avais reçu, où il n’y avait aucun défaut. Mais le diagnostiqueur avait noté qu’il n’avait pas pu vérifier certaines choses à cause des meubles. Comme j’avais trouvé la maison tellement belle, j’avais pris beaucoup de photos de l’intérieur. Sincèrement, le diagnostiqueur aurait pu tester l’humidité et faire des vérifications qu’il n’a pas faites. Dans le même temps, comme le vendeur avait posé de doubles cloisons, tout aurait été faussé de toute façon.

J’ai alors l’idée de regarder dans l’enveloppe que le propriétaire m’avait remise. J’y trouve un diagnostic catastrophique : 80 % d’humidité dans les murs, urgence à faire des travaux de déshumidification, car développement de champignons lignivores. Je fais convoquer le couple de vendeurs (très gentil à l’époque, mais beaucoup moins maintenant), chez le notaire, pour demander une annulation de vente. Ils me disent textuellement : « ah, mais non, ce n’est pas possible, vous nous mettez dans la m… De toute façon, nous n’avons plus l’argent de la vente. »

Je leur demande quand même : « le diagnostic que vous aviez pour votre achat, vous l’aviez transmis au nouveau diagnostiqueur ? » Le monsieur baisse les yeux, en tournant les pages de mon dossier, et il répond : « oui, mais il l’a regardé vite fait ». À mon avis, il ne l’a pas transmis, mais bon, je n’en sais rien. En tout cas, il n’avait fait aucun des travaux de déshumidification préconisés. Je ne vois donc pas comment le diagnostic effectué 3 ans après a pu être aussi positif. À l’heure actuelle, je ne sais pas encore qui est responsable. Quoi qu’il en soit, la solution amiable n’était pas possible, donc nous sommes partis en justice et ça fait 7 ans que ça dure.

Procédure et préjudices

J’ai pris un avocat très rapidement. Heureusement, mon ami avait une protection juridique. Maintenant, je conseille toujours aux gens de la prendre. C’est une petite assurance qui ne coûte pas très cher tous les mois et qui est indispensable. C’est vraiment très important. Sans cela, je n’aurais jamais pu aller en justice. Après 7 ans de procédure, on en est à 4 ou 5 expertises à 5 000 euros l’expertise. Il faut ajouter les huissiers, l’avocat, etc. C’est de la folie, car il faut avancer tous les frais. Pendant ce temps, on continue à payer le prêt. Mon compagnon et moi, nous nous sommes séparés donc nous payons chacun notre loyer.

En ce moment, nous en sommes à la dernière expertise où il est demandé de faire des devis de travaux. Selon la première évaluation, qui date déjà de quelques années, il y en a pour plus de 100 000 euros. Tout le rez-de-chaussée est impacté et ça va très vite. D’ailleurs, les expertises sont accablantes. Elles montrent des infiltrations d’eau et plein d’autres choses qui nous ont été cachées lors de l’achat de cette maison.

Le propriétaire se défend en disant : « vous l’avez achetée en l’état ». Mais lui, il l’avait achetée à 70 000 euros et nous, 3 ans après, on a payé 170 000 euros, parce qu’il y avait le plancher chauffant, les doubles cloisons, la belle tapisserie… Toutes ces bricoles pour enjoliver la misère. Et puis, qu’est-ce que ça veut dire « en l’état » alors que le diagnostic était impeccable ? Je n’ai pas voulu acheter une maison en l’état de mérule. En réalité, ce monsieur voulait probablement faire des travaux pour y vivre à la retraite. Il n’a pas dû se rendre compte de l’ampleur de la situation.

Pour moi, son diagnostic était catastrophique. Lui a dû se dire qu’en enlevant quelques mauvaises planches et en bricolant un peu, ça irait. On nous a dit qu’en posant son plancher, il avait enlevé de mauvaises solives, mais qu’il en avait laissé quelques-unes avec de la pourriture cubique. S’il avait posé un plancher en béton, nous n’aurions peut-être pas eu ces problèmes. À la place, il a mis un plancher en bois, sans isolant, sauf un isolant fin entre le plancher et le plancher chauffant. Quand nous avons commencé à chauffer l’hiver, nous avons fait flamber la mérule qui était en dessous, dans le vide sanitaire.

La mauvaise réalisation de ses travaux a été constatée. Elle a accentué le développement de la mérule : pas d’isolant, aérations bouchées, isolation par les murs qui a dévié l’étanchéité, etc. Je ne sais pas non plus comment ça va se passer pour le diagnostiqueur. Si j’avais eu, entre les mains, le même diagnostic que le précédent propriétaire, je n’aurais jamais acheté la maison 170 000 euros. Ce diagnostiqueur nous dit : « on n’a aucune visibilité sur rien », sous prétexte que des meubles le dérangeaient. Mais alors à quoi sert ce diagnostic ?

Dans l’attente de la condamnation

Maintenant, ma maison, c’est une ruine. Dans la salle, le plancher est béant. Mon ami a eu des problèmes cardiaques car en plus, les spores de la mérule, lorsqu’elle est en floraison, vous attaquent les bronches. Mon fils avait des allergies cutanées. En prime, il n’y a aucune assurance qui fonctionne. Vous n’avez que vos yeux pour pleurer. J’ai vraiment tout perdu. J’ai dû tout laisser sur place, même les meubles. Tout était pris et s’effondrait. Je suis partie en dépression. C’est un coup dur, personne ne vous aide. Quand vous vous battez, vous avez l’impression de donner des coups d’épée dans l’eau.

Par exemple, j’ai fait une déclaration en mairie. J’ai déclaré ma mérule puisque c’est obligatoire. Le dossier arrive ensuite chez le préfet. Le préfet m’a envoyé un courrier pour me dire que c’était un problème d’ordre privé. La mérule, il n’y en avait pas dans son département. Or les journalistes, les avocats, etc., m’ont confirmé qu’il y en avait plein dans le 22. Simplement, tout le monde ferme les yeux. Quand les gens le découvrent, ils font des travaux et ils revendent derrière. C’est catastrophique. Comme j’ai participé à un article dans le quotidien Ouest-France et dans Le Télégramme, deux départements bretons ont mis un arrêté préfectoral mérule.

Nous avons également appris ensuite que la maison était sur des marécages. J’étais très contente parce que j’avais de belles fleurs, de beaux arbres, c’était très vert. Mais les marécages n’ont pas dû arranger la situation non plus. De nombreuses maisons sont bâties sur des marécages dans la région.

Là, l’expert a présenté des devis. Je suppose qu’il va y avoir une demande de réparation. Je m’inquiète donc aussi de la solvabilité des personnes qui seront condamnées. Par exemple, le propriétaire a fait tous ses travaux sans assurance dommage ouvrage. En plus, comme ils connaissent les enjeux financiers, ils se renvoient tous la balle. Je ne sais pas qui est fautif, mais je crois que plusieurs personnes doivent se sentir concernées. À leur place, je dormirais difficilement la nuit.

Partager cet article sur

2 Commentaires

Commenter
  1. L
    Laurent 15 juillet 2023 - 12h14

    De mauvaise foi: le vendeur et l’agent immobilier, et le diagnostiqueur n’a pas été assez curieux ou professionnel. D’autre part quel notaire a effectué la première vente ? S’il s’agit du même ce n’est pas pareil car le premier diagnostic révélait une obligation de travaux importants car l’humidité était très importante donc s’il s’agit du même notaire il aurait dû interpeller les acquéreurs. L’agent immobilier et le vendeur étaient au courant de la situation. Le vendeur a même aggravé la situation. Sept ans de procédure c’est scandaleux et inadmissible.

    Répondre
    • V
      Virginie 1 novembre 2023 - 11h22

      Bonjour , je suis dans la même situation que vous , j’ai acheté une maison en juin 2016 à Rouen , au niveau des Docks 76 et c’est en Mai 2018, que la poudre orangée est apparue, depuis je suis toujours en procédure judiciaire,j’ai été expulsée avec mes 2 enfants , ayant le crédit de maison à rembourser, je ne pouvais pas réinvestir , j’ai tout perdu et personne ne vous aide . Par bêtise, j’avais stoppé mon assurance juridique après l’achat de la maison pensant que je n’aurais pas de problème. S’il vous plaît , aidez moi à sortir de l’ombre et à pouvoir raconter mon histoire.

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

.
Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

Amiante : guide FD X46-038 en juillet 2023

Previous article

Airbnb : un DPE et 60 jours de location ?

Next article