Les propriétaires franciliens gardent leur logement de plus en plus longtemps, surtout si c’est une passoire thermique. Selon la chambre des notaires de Paris, ce phénomène révèle « l’impact croissant des diagnostics y compris en dehors du marché locatif et des critères de décence ». L’interdiction progressive de louer les biens énergivores ne suffit donc pas à expliquer le phénomène.
Allongement de la durée de détention des biens
Les notaires du Grand Paris étudient le marché immobilier au 3e trimestre 2023 et ses perspectives. Leur dossier de presse du 30 novembre comporte un focus sur la durée de détention des logements anciens. En effet, celle-ci s’allonge depuis 20 ans. On ne parle ici que des logements mutés à titre onéreux. Les ventes après une succession, par exemple, ne sont pas prises en compte. Il y a différentes manières d’expliquer cette volonté de garder son bien immobilier plus longtemps :
- le vieillissement de la population française,
- la décélération de la mobilité des ménages (essor du télétravail, etc.),
- la recherche de logements plus qualitatifs,
- l’envie de bénéficier de taux d’intérêts attractifs,
- les contraintes financières,
- la fiscalité moins favorable à l’investissement locatif,
- l’allongement du délai pour l’exonération totale de plus-value…
Cependant, le phénomène concerne particulièrement les passoires thermiques (DPE F ou G).
DPE et détention des passoires thermiques
La quantité d’appartements notés F ou G au DPE représentait 10 % des transactions immobilières en 2019 contre 18 % en début d’année 2023. La durée de détention de ces logements-là a aussi atteint un record. Les appartements en G vendus en 2023 étaient détenus depuis 13,3 ans, alors que la durée de détention était de 11,9 ans en 2022. Pour les classes F, on passe de 10,7 ans en 2022 à 11,4 ans en 2023. En revanche, la situation n’évolue guère pour les étiquettes A, B ou C, et l’écart est moins remarquable pour les classes D et E. Il en va de même pour les maisons individuelles.
En 2021, les propriétaires détenaient leur maison classée DPE G depuis 10,9 années avant la mutation. En 2023, ils avaient gardé leur maison individuelle notée G pendant 17,1 années. Or « ces maisons demeurent marginales dans les ventes (5 %) en 2023 et le mouvement observé n’a pas d’impact global sur la durée de détention des maisons. Il reste cependant très révélateur de la volonté de se défaire de maisons très énergivores et de l’impact croissant des diagnostics y compris en dehors du marché locatif et des critères de décence », écrivent les notaires du Grand Paris.
Méthode de calcul DPE et crise immobilière
Y a-t-il plus de logements énergivores sur le marché ou plus de bien classés F et G ? En effet, l’évolution de la méthode de calcul du DPE pourrait partiellement expliquer la situation. Le mode de calcul est susceptible de faire basculer davantage de biens dans la catégorie des passoires thermiques. On pense notamment aux appartements de petites surfaces, nombreux en région Île-de-France. Cette situation peut fausser l’analyse de la base de données, car tel bien classé G était peut-être noté E avant juillet 2021.
L’état actuel du marché immobilier constitue également une cause assez évidente d’allongement de la durée de détention. Les ménages accèdent plus difficilement à un crédit immobilier, donc ils conservent leur bien plus longtemps. Ils attendent de sortir de la crise ou, au moins, d’avoir accès à un financement avant d’acquérir un nouveau bien. D’autres études statistiques montrent d’ailleurs que les Français et les Françaises épargnent davantage ces derniers mois. Ils préféreraient donc reporter leur projet immobilier. Malheureusement, la baisse du pouvoir d’achat des ménages devrait se poursuivre au cours des prochains mois. D’après les économistes, l’inflation va rester élevée.
« L’ensemble de la chaîne du logement semble s’être figée. Du locataire qui ne peut réaliser sa première acquisition au secondo-accédant qui renonce à son projet de crainte de ne pas arriver à conclure sa vente et à trouver un financement pour son nouveau projet. Dans le neuf, à la crise de l’offre et à la difficulté de mettre en vente de nouveaux logements s’est ajoutée une rupture des demandes. Pourtant, les Franciliens ont toujours envie de devenir propriétaires »… concluent les notaires.
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