« Le GT “Punaises de lit” recommande d’évaluer la possibilité d’instaurer un diagnostic obligatoire par un agent formé et habilité (diagnostiqueur, bailleur, agent d’entretien, etc.), au moment de l’arrivée d’un nouvel occupant dans un logement… » Cette phrase est extraite du volumineux rapport de l’Anses relatif aux punaises de lit, publié le 19 juillet 2023. Certes, par le passé, des députés et des sénateurs avaient déjà proposé la mise en place d’un tel diagnostic, en vain. L’idée pourrait cependant se concrétiser à cause de l’ampleur de l’infestation et, surtout, du coût associé.
Punaises de lit en quelques chiffres
L’Agence nationale de sécurité sanitaire avait été saisie par la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction générale de la prévention des risques (DGPR). L’expertise – demande d’avis relatif aux punaises de lit : impacts, prévention et lutte – vient de paraître. Petit bilan chiffré :
- 11 % des foyers infestés entre 2017 et 2022 ;
- 230 millions d’euros par an, en moyenne, pour les ménages ;
- Plus de 83 millions d’euros en dépenses de santé ;
- 74 509 euros (désinsectisation) pour les bailleurs sociaux en 2021 ;
- 700 000 euros en 2021 de coût total pour les logements étudiants gérés par le CROUS.
« Considérant les taux d’infestation observés, qui semblent en augmentation, les impacts de ces infestations sur la santé humaine et en particulier les conséquences émotionnelles et psychologiques, ainsi que le risque de dissémination […] la présente expertise souligne la nécessité de considérer les punaises de lit comme un risque pour la santé publique (et pas seulement de salubrité). »
Il semble important de préciser que toute la population est concernée. Le niveau socio-économique n’exerce aucune influence apparente sur le risque d’infestation. En revanche, il contribue à sa persistance, puisque le traitement peut s’avérer très coûteux (866 euros en moyenne par foyer).
Détection et diagnostic des punaises de lit
Le diagnostic est plus ou moins complexe selon les lieux et le degré d’infestation. La gestion intégrée complète comporte jusqu’à 6 étapes, sachant que l’inspection visuelle peut ne pas suffire :
- Diagnostic de certitude de la présence de punaises de lit ;
- Détermination du niveau d’infestation ;
- Mise en place d’une lutte mécanique et thermique ;
- Évaluation de l’efficacité de cette lutte ;
- Lutte chimique par un professionnel si persistance de l’infestation ;
- Mise en place d’outils de prévention pour éviter des infestations ultérieures.
C’est dans ce contexte que le groupe de travail (GT) recommande « d’évaluer la possibilité d’instaurer un diagnostic obligatoire », par exemple par un diagnostiqueur formé et habilité, au moment de l’arrivée d’un nouvel occupant dans le logement ou le lieu de séjour. Plusieurs élus l’ont déjà réclamé au ministère. À titre d’exemple, en avril 2022, M. Guillaume Vuilletet réclamait la mise en place de « diagnostics de non-présence des punaises de lit » dans les locations de type Airbnb. En effet, ces dernières sont accusées de contribuer à la propagation de ces parasites en France.
Méthodes de lutte contre ces nuisibles
Les méthodes, leurs risques (pour la santé humaine et pour l’environnement) et leurs limites sont recensés dans le rapport. Aucune d’entre elles ne semble efficace à elle seule pour éliminer ces nuisibles. C’est un panel d’outils à adapter à la situation. Globalement, le GT recommande de ne faire appel à des professionnels de la désinsectisation qu’en cas de persistance de l’infestation.
Des protocoles types d’intervention devraient être conçus pour les particuliers, les bailleurs, les Agences régionales de santé… Enfin, il faudrait « permettre par voie réglementaire à un agent formé et habilité “punaises” d’accéder aux logements attenants lors d’une intervention en immeuble ».
Sensibiliser le public aux punaises de lit
En matière de prévention, il faut obtenir l’adhésion et la coopération active de tous les acteurs, éduquer les victimes d’infestation, et former les professionnels concernés. Le groupe de travail « Punaises de lit » recommande donc de mettre en œuvre :
- des campagnes d’information générale auprès du grand public pour le sensibiliser ;
- des campagnes spécifiques pour les particuliers et les professionnels concernés ;
- des formations à destination des professionnels et de tous les acteurs de terrain.
Il invite aussi à référencer les agréments existants sur le site gouvernemental et à réduire leur nombre. Cela permettra aux particuliers de juger de leur fiabilité et de leur efficacité. Actuellement, les certifications et les labels ne sont pas assez lisibles et identifiables.
Prise en charge et surveillance de l’infestation
Le GT recommande d’abord d’inscrire les punaises de lit sur la liste réglementaire des « espèces végétales et animales dont la prolifération est nuisible à la santé humaine ». Outre cette inscription dans le code de la santé publique, les experts proposent de mieux considérer les conséquences médico-psychologiques des infestations. Il leur semble aussi nécessaire de proposer un accompagnement aux particuliers, avec une prise en charge financière pour les ménages modestes.
Enfin, pour mieux connaître la répartition des infestations au niveau national, le GT recommande la mise en place d’un observatoire des infestations. Chacun pourrait effectuer une déclaration en ligne sur une application avec géolocalisation et référencement précis. Ce dispositif de déclaration doit être ouvert aux particuliers et à tous les professionnels. D’ailleurs, en réalité, le ministère de la Transition écologique avait annoncé l’ouverture d’un tel observatoire pour… septembre 2022.
les ministères s’appuieront sur cette expertise
« Conformément au Plan d’action interministériel de lutte contre les punaises de lit, les ministères de la Transition écologique, des Solidarités et de la Santé et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation mettront en place, dès 2023, en s’appuyant sur la présente expertise, des actions de recherche et d’innovation afin de compléter les connaissances biologiques et comportementales de la punaise de lit et de progresser sur les moyens de détection et d’élimination ».
Le chemin semble encore très long au vu de l’étendue des recommandations de l’Anses. Cependant, « toute politique visant à faire cesser la prolifération de l’infestation en France, aussi coûteuse soit-elle, doit être jugée à l’aune des bénéfices qui pourront en être retirés à terme », rappelle l’Agence. Or ceux-ci sont incontestablement importants.
Anses, Les punaises de lit : impacts, prévention et lutte, juillet 2023.
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