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Limites du repérage amiante vente

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Le diagnostiqueur a signalé la présence d’amiante en toiture du bâtiment annexe, mais il a omis de la mentionner pour la maison principale. Cependant, à la date de son intervention, il n’avait pas à rechercher la présence d’amiante dans les couvertures. Peut-on alors lui reprocher d’avoir établi un diagnostic non conforme aux règles de l’art et erroné ?

Présence d’ardoises composites amiantées

À l’été 2011, M. et Mme R. achètent un ensemble immobilier qui comprend une maison d’habitation et un bâtiment annexe. Le diagnostic amiante, établi en mars 2011, mentionne la présence d’ardoises composites amiantées en couverture du bâtiment annexe. Après l’achat, les acquéreurs constatent qu’il y en a aussi en couverture de la maison principale.

En février 2016, les époux R. sollicitent la désignation d’un expert judiciaire, qui dépose son rapport en mars 2017. Pour l’expert, le coût des travaux s’élève à 16 652,36 €. La somme inclut le désamiantage, le bâchage de la maison après dépose de la couverture, etc. Les acquéreurs demandent donc réparation de leur préjudice.

En novembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Rennes condamne le diagnostiqueur à leur verser 16 692,32 € TTC, plus l’intérêt légal, à titre de dommages et intérêts, et 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Il interjette appel.

Liste non limitative à l’annexe 13-9 du CSP

Pour se défendre, le diagnostiqueur se réfère à la réglementation. L’arrêté du 22 août 2002 l’obligeait à rechercher et constater de visu la présence de matériaux et produits qui correspondent à la liste définie en annexe 96-97 du 7 février 1996 modifié.

La liste définie en annexe 13-9 du programme de repérage, insérée au code de la santé publique, était limitée à la structure intérieure de l’immeuble. D’ailleurs, dans son rapport, il indique : « les couvertures ne font pas partie des points de contrôle systématiques listés dans l’annexe 13-9. »

Certes, l’arrêté du 22 août 2002 indique que s’il a connaissance d’autres matériaux, l’opérateur les repère. Pour autant, cela ne signifie pas que le programme de repérage est sans limite. De plus, il affirme avoir pu signaler la présence d’amiante en couverture parce que c’était visible à hauteur d’homme et accessible depuis l’intérieur du bâtiment.

Diagnostic amiante incomplet

Les acquéreurs rétorquent qu’à partir du moment où il a recherché la présence d’amiante sur la couverture de l’annexe, il aurait dû faire de même avec l’habitation principale. Dans le cas contraire, son diagnostic est incomplet. La cour d’appel leur donne raison.

« Si la liste précitée applicable au moment de la réalisation du diagnostic ne mentionne pas que l’examen doit porter sur la couverture, il n’en demeure pas moins que cette liste ne peut être considérée comme limitative, comme l’a relevé à juste titre le jugement entrepris, dans la mesure où l’annexe I de l’arrêté précité mentionne que si l’opérateur de repérage a connaissance d’autres produits ou matériaux réputés contenir de l’amiante, il les repère également ».

Et puis, en réalité, le technicien a procédé à des points de contrôle au niveau de la couverture dans l’annexe et dans le bâtiment principal. Dans son rapport, il a systématiquement écrit « charpente + toiture ». Bref, la société de diagnostics succombe en appel.

Arrêt de la Cour de cassation en décembre 2023

Le cabinet de diagnostics forme un pourvoi  en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes. Il affirme que la cour d’appel « a violé les articles L.1334-13, R.1334-24 et l’annexe 13-9 de l’article R.1334-26 du code de la santé publique, ensemble l’annexe à l’arrêté du 22 août 2002 ».

On ne peut indemniser qu’un préjudice en lien de causalité avec la faute source de responsabilité. Or, son rapport précise que les couvertures ne font pas partie des points de contrôle systématiques. On ne peut donc pas lui imputer la responsabilité du surcoût de désamiantage. La Cour de cassation ne partage pas son point de vue.

En résumé, le diagnostiqueur a pris l’initiative d’un contrôle portant sur des éléments ne figurant pas dans la liste des points de contrôle obligatoires. Personne ne le nie. Mais dans ce cas, il devait également signaler la présence d’amiante au niveau de la couverture du bâtiment principal. Sa composition était similaire à celle du bâtiment annexe. La Cour rejette donc le pourvoi et condamne la société de diagnostics aux dépens.

Examen de la toiture et réglementation amiante

L’an dernier, un diagnostiqueur s’était vu reprocher de ne pas avoir inspecté la toiture lors d’un diagnostic amiante. Le repérage avait aussi été réalisé avant l’obligation de rechercher la présence d’amiante dans les couvertures. La cour d’appel d’Aix-en-Provence considérait alors que le diagnostiqueur n’avait commis aucune erreur.

La situation était effectivement différente. D’une part, le technicien n’avait examiné aucune couverture. D’autre part, la présence d’amiante aurait été indécelable sans les travaux entrepris par les acquéreurs. Ici, au contraire, le technicien a visité les couvertures de la maison individuelle et du bâtiment annexe, même si la réglementation ne le lui imposait pas. Il a donc commis une faute en livrant un diagnostic incomplet et erroné.

Cour de cassation, Pourvoi n°22-19.369, 21 décembre 2023.

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6 Commentaires

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  1. P
    Pascal 9 janvier 2024 - 12h16

    content de me prononcer sur les toits dans mes rapports amiante depuis 2007 !

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  2. S
    STEPHANE 9 janvier 2024 - 12h55

    Tout à fait logique et juste.
    A compter du moment où il dit avoir inspecter les toitures, normal de le juger fautif sur cette omission.
    S’il voulait s’exonérer de responsabilité sur cette partie, il lui fallait l’indiquer expressément « je n’ai pas pu inspecter les toitures pour telle raison » ou « les toitures n’ont pas été inspectées car exclues du programme de repérage ».
    On voit bien ici, la bêtise qui s’est installée depuis plusieurs années concernant la rédaction des rapport amiante vente et consistant à lister les revêtements en place comme dans un état des lieux, qui n’a aucun intérêt (sauf à démontrer qu’il y a eu changement de revêtement alors que des photos conservées suffisent en cas de litiges) et qui est pratiqué dans le but caché de s’exonérer des sondages (par poinçonnement) pourtant nécessaires à la détection d’un MPSCA .
    Dans son cas, cela l’a amener à donner le bâton pour se faire battre …
    Voilà ce que donne du diag à pas cher, du travail bâclé, soit en pratique, soit en rédactionnel, qui, pourtant, est essentiel à une bonne défense lors de litiges.

    Le diag amiante çà prend du temps dans la recherche et dans la collecte des informations permettant de justifier, lors de la rédaction du rapport par des notes spécifiques la/les raisons pour lesquelles on n’a pas pu déceler le MPCA dans les conditions fournies par le propriétaire.
    Démarche ne tenant la route que si on fait signer un ordre de mission au propriétaire qui lui permet de prendre conscience (à l’avance) de ce qu’il doit préparer pour permettre au diagnostiqueur d’effectuer ses recherches dans les meilleures conditions réalisables (documents, accès en hauteur, encombrement des lieux, végétations, etc).

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  3. A
    ANTOINE 9 janvier 2024 - 17h19

    Parfait.

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  4. C
    Christophe 11 janvier 2024 - 0h13

    Belle littérature…
    Premièrement on ne s’exonère pas en excluant les toitures du repérage ou tout autres éléments du bâtit d’ailleurs.
    Deuxièmement, faire signer un ordre de mission a l’avance a un propriétaire, respecter les délais de rétractation, avoir TOUS les moyens de réaliser sa mission y compris parfois sans accompagnateur c’est un monde idéal qui n’existe pas
    D’accord sur les revêtements qui ne servent a rien dans un rapport, OK avec les commentaires justifiant les éléments non inspectés.
    Un diagnostiqueur depuis 2003…

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  5. L
    Laetitia 14 juillet 2024 - 14h30

    Bonjour,
    j’ai signé une promesse de vente à laquelle a été annexé un diagnostic amiante mentionnant la présence d’amiante sur un toit du bucher, sur un cabanon et posées au sol dans le jardin mais aucune analyse, visuelle ou prélèvement n’a été effectuée sur le toit même de la maison, toiture parfaitement accessible.
    Nous avons fait passé des charpentiers pour devis car le toit fuyait et ils nous ont tous dit que la toiture était en Fibrociment, à 99,99% sur en amiante (date de construction avant 1997). La toiture est parfaitement accessible par un escalier qui donne sous le toit directement et on se retrouve quasiment en contact avec l’amiante, des plaques ondulées en Fibrociment identiques à celles du bucher et du cabanon.

    Dans quelle mesure pouvons-nous contester le diagnostic et engager la responsabilité du diagnostiqueur peu consciencieux et de l’agence immobilière qui nous a assuré qu’il n’y avait pas d’amiante dans le toit ?
    Très naïvement, nous l’avons crue (primo accédant non renseigné sur ce qu’était le Fibrociment et la liste B à ce moment là).

    Nous vous remercions de toute l’aide qui pourrait nous être apportée. Nous adorons cette maison mais ne pouvons engager des frais inouïs de désamiantage.

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 14 juillet 2024 - 17h25

      Bonjour,
      Vous pouvez saisir le tribunal judiciaire le plus proche de chez vous. Le juge ordonnera une expertise pour vérifier la présence d’amiante sur le toit. Si celle-ci est confirmée, vous ensuite essayer de régler le litige à l’amiable en proposant aux concernés (diagnostiqueur, agent immobilier) de payer pour les travaux de désamiantage. Vous pouvez aussi demander immédiatement leur convocation au tribunal.
      La situation à laquelle vous faites face semble assez proche de cette affaire juridique : https://www.quotidiag.fr/ardoises-amiantees-et-partage-de-responsabilites/ en dehors du rôle du propriétaire vendeur, impossible à déterminer à ce stade.
      Dans tous les cas, le diagnostic amiante est opposable et vous pouvez engager la responsabilité du diagnostiqueur s’il n’a pas réalisé un diagnostic dans les règles de l’art, et celle de l’agence immobilière si elle a manqué à son devoir d’information et de conseil.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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