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La faute du diagnostiqueur réside dans l’absence de réserve

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La faute du diagnostiqueur « réside non dans le fait de ne pas avoir décelé la présence d’amiante mais dans l’absence de réserve mettant précisément en exergue les limites de ses investigations ». Cette récente décision de la Cour d’appel de Paris démontre, une fois de plus, l’importance des réserves dans le rapport.

État d’amiante et repérage avant travaux

M. O. et Mme S. achètent une maison en juin 2017. Un diagnostic amiante, réalisé par la société F., est annexé à l’acte de vente. Les acquéreurs souhaitent faire des travaux de réhabilitation. Ils font donc réaliser un repérage amiante avant travaux par la société A. Celle-ci relève la présence de revêtements durs en amiante ciment. Les acheteurs sollicitent la désignation d’un expert judiciaire. Il dépose son rapport en décembre 2018.

Le couple d’acquéreurs fait alors assigner le diagnostiqueur et les assureurs devant le tribunal de grande instance de Paris. Le TGI les condamne à verser 16 899,76 euros TTC, au titre des travaux nécessaires avec intérêts au taux légal. En effet, il y a préjudice matériel. La présence d’amiante impose des travaux de retrait des plaques et une remise en état des lieux. Ils doivent aussi prendre en charge le coût de l’expertise judiciaire et payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Accessibilité des plaques d’amiante

Le diagnostiqueur et l’assureur interjettent appel du jugement en août 2020. Selon eux, aucune faute n’a été commise, car on ne peut pas comparer un état d’amiante et un repérage amiante avant travaux. « Dans le cadre d’un diagnostic avant vente qui doit être réalisé par constat visuel, il n’est pas question de porter atteinte à l’intégrité du bien pour détecter tous les matériaux qui pourraient être cachés derrière les revêtements collés… »

Pour résumer leur position, les matériaux visibles et accessibles ont bien été inspectés. Les revêtements durs ne pouvaient simplement pas être vérifiés ou sondés dans ce contexte. « L’expert a en effet reconnu qu’il était totalement impossible d’affirmer que la [société F.] pouvait déceler la présence de plaques d’amiante litigieuses, sauf à procéder à des sondages destructifs lourds ». Il aurait ensuite mystérieusement changé d’avis et se serait contredit plusieurs fois. Peu importe, le problème est ailleurs.

Obligation d’émettre des réserves

« Les prescriptions mêmes de l’arrêté du 12 décembre 2012 imposent au diagnostiqueur d’émettre des réserves lorsque certaines parties de l’immeuble bâti ne sont pas accessibles. » En l’occurrence, la société F. s’est contentée d’indiquer que tous les murs du rez-de-chaussée de la maison avaient pour composition « Plâtre et peinture », y compris quand la paroi était inaccessible.

Les investigations destructives n’entraient effectivement pas dans les limites de sa mission. Certes, l’expert judiciaire affirme que certaines plaques de fibre-ciment auraient pu être identifiées par tapotage ou poinçonnage. Néanmoins, la réalisation des sondages était plus difficile dans d’autres parties de l’immeuble bâti à cause de l’encombrement du mur.

De toute façon, selon les juges, « en n’émettant aucune réserve dans son diagnostic, malgré la nature des murs et leur inaccessibilité, la société [F] a commis une faute dans la mise en œuvre de sa mission ». Cela suffit à retenir la responsabilité du diagnostiqueur et à justifier une condamnation.

La décision du TGI de Paris est confirmée. S’y ajoutent la somme de 2 000 € (article 700 du C.pr.civ.) et les dépens. La société F. et l’assureur échappent cependant à l’indemnisation au titre du préjudice moral (10 000 euros). Cette demande, formulée en seconde instance, est déclarée recevable, mais les acquéreurs sont déboutés faute de l’avoir justifiée.

Cour d’appel de Paris, RG n°20/11567, 29 juin 2023

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6 Commentaires

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  1. L
    Luc 12 juillet 2023 - 12h23

    Déposons un maximum de réserves, le constat amiante ne sera plus qu ‘indicatif et seulement visuel et nous, diagnostiqueurs seront dégagés de toutes responsabilités parce que l’on ne peut pas faire un bon repérage sans sondages destructifs, le « sonore » s’avérant hypothétique bien souvent

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  2. J
    Jehan 12 juillet 2023 - 21h11

    Qu’apporterait l’usage d’un spectromètre ?

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  3. E
    E 16 juillet 2023 - 21h46

    Comme son nom l’indique, un spectromètre analyse le spectre de la lumière émise ou réfléchie par un matériau.
    Sachant celà deux obstacles se présentent dans nos investigations en matière de repérage amiante :
    – l’amiante sert est le plus souvent adjuvant ou de charge dans les matériaux (exemple : les plaques amiante-ciment de l’article ci-dessus sont constituées en immense majorité de ciment, les fibres d’amiante sont principalement là agent de charge mécanique pour permettre les moulages en faible épaisseurs) ; dans d’autres produits ils servent d’agents chimique ou retardateurs de flamme en fonction des usages ; Conclusion la part d’amiante est très minoritaire et mélangée à tout un tas d’autres matériaux. La base de donnée d’identification devrait donc contenir tous les matériaux ayant un jour contenu de l’amiante, dans tous les mélanges, à toutes les concentrations, avec tous les types de substrats et de revêtements … Dans la pratique une exhaustivité impossible à obtenir pour un repérage fiable.
    – il faudrait avoir accès au produits susceptibles de contenir de l’amiante directement avec l’appareil de mesure, or sur le terrain nous ne sommes pas dans les conditions du laboratoire où les spectroscope et spectromètres sont maîtres. En diagnostics les matériaux susceptibles de contenir de l’amiante sont le plus souvent recouverts de plâtre, de peinture, de vernis, de tapisserie, de carton, de poussières, de mousses ou de lichens, etc. Les mesures fiables sont donc quasi impossibles ; Avec la norme de repérage en avant-vente, pas de sondage destructifs comme il est rappelé dans l’article, il est donc impossible dans l’immense majorité des cas au diagnostiqueur de faire des mesures directement sur l’amiante.

    Conclusion, même en laboratoire lorsque l’analyse d’un échantillon est réalisé, il est broyé, attaqué à l’acide ou calciné pour éliminer les matières organiques et ne laisser que du minéral, avant d’être identifier visuellement au microscope électronique. Et c’est l’oeil humain du technicien de laboratoire qui reconnait des fibres d’amiante parmi les résidus. Même après toute cette préparation, la spectrométrie ne donne pas des résultats satisfaisants et reproductibles pour être opposables juridiquement parlant.
    Raison pour laquelle depuis 1997 nombre d’entreprises ont fait du lobbying pour imposer leur appareil de mesure dans la norme de repérage amiante arguant de l’immédiateté des résultats, de l’absence de coût de laboratoire, etc. , mais sans succès jusqu’à présent, et ce à juste titre, car aucun appareil n’a passé le cap de la reproductibilité et de la fiabilité de la reconnaissance de l’amiante dans les milliers matériaux vendus.

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 19 juillet 2023 - 16h26

      Merci infiniment pour ces informations précises et détaillées !
      Je m’interrogeais justement au sujet de ces appareils dont on parlait énormément il y a quelques années seulement, et qui ne semblaient pas avoir eu le succès commercial escompté.

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  4. S
    STEPHANE 24 août 2023 - 10h11

    On s’étonne de ça ? Bien entendu que cela fait partie du b-a-ba des compétences et cela fait longtemps que je rigole de voir ces repérages fait selon méthode du rapport Liciel, reprise par les OF ET OC, c’est à dire de s’imaginer que de décrire les revêtements en place suffit, perso, je n’ai jamais compris l’intérêt de dire qu’il y a du plâtre sur un mur, s’il y en a, c’est qu’il n’y a pas de mpca de la liste B détectables, il vaut mieux prendre le temps de décrire précisément les parties n’ayant pu être sondés parce que innaccessible faute de revêtement les cachants ou tout simplement d’accès à cause de lieux encombrés. Mais ça, c’est du travail et ça se paie, mais pas avec des prestations vendus des clopinettes …
    Pour comprendre, mettez vous juste deux minutes dans la peau de l’acquéreur qui lit un rapport dont il doit comprendre les résultats et les limites de recherche qu’il ne peut deviner puisque non présent lors des investigations, comment peut il savoir que vous n’avez pas pu sonder telle partie de mur parce qu’il y avait une bibliothèque ou que le sol des combles n’était pas visible en totalité car très encombrés. S’il n’en prend pas conscience , il prend le résultat comme une conclusion absolue.
    Experience vécu suite à litige pour cause d’encombrement qui ne m’avait pas permis de voir un bac en fibro dans des combles dont l’encombrement cachait celui ci et pour lequel je n’avais pas pris de photo ni émis de réserves spécifiques (et non juste générales ), cela m’a forgé l’expérience dès le début de mon exercice, depuis plus aucune tentative de litige subie …

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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