Un nombre grandissant de diagnostiqueurs souhaite réglementer les tarifs des diagnostics immobiliers en instaurant un prix plancher. Les arguments en faveur de cette mesure sont assez évidents. D’une part, ce serait un moyen de mettre fin aux diagnostics discount bâclés. D’autre part, cela permettrait aux techniciens de réaliser des diagnostics de qualité et d’en vivre. Mais cette solution est-elle possible aujourd’hui ?
Voyage dans le passé du diagnostic immobilier
Rappelez-vous de la question écrite n°07143 de Mme Béatrice Descamps (Nord – UMP) publiée au JO Sénat du 22 janvier 2009. La députée attire l’attention de Mme la ministre du Logement d’alors, Christine Boutin, sur « les dérives que peut connaître le secteur du diagnostic immobilier ». Elle cite notamment « la tarification pratiquée » ainsi que « certaines pratiques déloyales ».
Le ministère chargé du Logement lui répond le 13 mars 2009. D’après sa représentante, cette profession est régie par le Code du commerce et les prix pratiqués par ses membres doivent donc être libres. Dans la foulée, la ministre insiste sur l’impossibilité d’interdire la pratique du commissionnement. Et pourtant, le versement des commissions a été interdit par décret en 2010. Plus de 13 ans après, la tarification des diagnostics peut-elle aussi évoluer ?
Paradoxe de la liberté des prix et de la concurrence
En 2009, les pouvoirs publics comptaient sur le nouveau dispositif de certification et de surveillance pour assainir une filière encore jeune. La situation est différente aujourd’hui. Il paraît tout à fait envisageable, en 2023, de revenir sur ce principe de liberté tarifaire. Certes, en théorie, le consommateur peut ainsi mettre en concurrence les techniciens et bénéficier de prix compétitifs. Mais ce jeu concurrentiel encourage la réalisation de diagnostics réalisés à la va-vite et payés au lance-pierre.
Il en résulte des risques sanitaires (amiante non détecté, installation de gaz dangereuse, etc.), et des litiges coûteux. En outre, des diagnostiqueurs consciencieux en arrivent à fermer boutique faute de rentabilité économique. Avec le nouveau DPE opposable, l’incohérence entre les tarifs pratiqués et l’étendue de la mission devient encore plus évidente. Le diagnostiqueur doit passer davantage de temps sur place pour recueillir toutes les données nécessaires. Sa responsabilité est accrue. En outre, la loi Climat et Résilience oblige les ODI à faire preuve de pédagogie.
Qui casse les tarifs des diagnostics ?
Les responsables des tarifs cassés se résument essentiellement à deux catégories d’acteurs. D’un côté, des plateformes de commandes en ligne proposent « les meilleurs prix pour vos diagnostics immobiliers ». Leurs tarifs dérisoires séduisent des particuliers qui méconnaissent l’importance des enjeux sanitaires et environnementaux du DDT. Il existe même de véritables réseaux de diagnostics low cost, qui profitent de l’ignorance de leurs clients.
De l’autre, des diagnostiqueurs débutants essaient de se faire connaître avec des prix bas. Tel diagnostiqueur solo, doté de très peu d’expérience pratique, tient malgré tout à se trouver une clientèle. Le dumping lui permet alors de faire face à la concurrence. Il prévoit parfois d’augmenter ses prix ultérieurement, quand il aura assez de volume… Mais souvent en vain. Le raisonnement est limpide : « si j’augmente les tarifs, le client ira voir ailleurs ». Quoi qu’il en soit, ce cercle vicieux tire la filière vers le bas. Cette conséquence-là est incontestable.
Est-il possible d’encadrer les prix des diagnostics ?
L’article L.420-4 du Code du commerce permet d’échapper aux prix fixés par le libre jeu du marché en cas de comportements dits abusifs. Les prix trop bas, notamment par rapport aux coûts de production (prix prédateurs), sont interdits quand la pratique est anticoncurrentielle. De manière générale, les pouvoirs publics sont susceptibles d’accepter l’instauration d’un prix plancher. En effet :
- Les diagnostics immobiliers, avec le DPE, n’ont jamais eu autant d’importance,
- La filière du diagnostic s’est professionnalisée et a gagné en maturité,
- Des associations de consommateurs souhaitent réglementer le prix du DPE.
Dans le cadre de l’éventuelle carte D, la CDI FNAIM a d’ailleurs défendu la solution du prix plancher. La fédération Fed Experts réclame aussi la mise en place de tarifs planchers.
Mais comment l’établir, ce tarif plancher ?
L’une des difficultés consiste à trouver un tarif minimum qui fait consensus. Il faut envisager de prendre en compte divers éléments :
- La typologie du bâtiment, ses caractéristiques, sa surface ;
- La prestation (DPE, amiante, plomb…):
- Le temps de transport, le carburant, etc. ;
- Le périmètre géographique ;
- L’importance du travail administratif après la mission.
La variabilité actuelle du tarif horaire en dit déjà long sur les difficultés à établir un prix plancher satisfaisant. Au fait, et le propriétaire, comment réagirait-il ? À dire vrai, les propriétaires, surtout vendeurs et bailleurs, sont déjà de plus en plus sensibles au DPE. Bientôt, l’audit énergétique réglementaire va également les préoccuper. Ils sont donc peut-être prêts, désormais, à payer plus cher pour un diagnostic assurément fiable.
Prix plancher et conscience professionnelle
Est-ce que le prix réglementé suffira pour distinguer les professionnels les plus consciencieux des autres ? Ce n’est pas certain puisque la marge tarifaire des opérateurs les moins sérieux pourrait aussi augmenter. Mais c’est une action possible en complément d’autres mesures déjà envisagées, voire plébiscitées (formation pratique augmentée, surveillance accrue, etc.).
La mise en place des diagnostics immobiliers périodiques pourrait aussi changer la donne. Les rapports seraient alors réédités et payés à date fixe. Le client ne serait plus uniquement animé par la crainte de ne pas pouvoir vendre ou louer au meilleur prix. La mission du diagnostiqueur aurait davantage de sens pour lui. En général, la relation de confiance entre le particulier et l’opérateur pourrait jouer sur la rentabilité des missions de diagnostic.
J’ai lu avec attention chacun des arguments développés plaidant pour un prix plancher, mais aucun ne me convient, car :
– Les mauvais diagnostiqueurs contrevenant aux textes, règlements et loi dans l’exercice actuel de leur professionnel s’arrêteraient-ils à une interdiction de diminuer leur tarif ou de pratiquer une « remise » pour passer sous le prix plancher ? Non, certainement pas, car la DGCCRF n’arrive pas à contrôler suffisamment la profession en quantité et en fréquence.
– Si les mauvais diagnostiqueurs s’alignaient quand même sur le prix plancher, celà modifierait-il leur pratique quotidienne et bâclée des diagnostics ? Peu probable, ils ne gagneraient qu’en rentabilité. Or, précisément ils bâclent leur travail par appât du gain. Cette solution de prix plancher reviendrait à demander à un alcoolique d’arrêter de boire en lui prescrivant une dose minimale égale ou supérieure à sa consommation actuelle … Dès lors, comment espérer une amélioration de la situation ?
– Des prix planchers aboutiraient à la dissociation du prix et de la qualité du service pour les clients qui y accordent une valeur dans leur décision, et qui aujourd’hui ne choisissent pas le moins cher.
– Les prix planchers attireraient immanquablement toutes les entreprises vers ces prix définis, aboutissant à un nivellement tarifaire de la concurrence vers des prix plutôt bas et donc en mettant en péril les cabinets qui ont des grilles tarifaires supérieures car ils se verront systématiquement disqualifiés par les clients désormais informés des prix planchers par la presse, les agents immobiliers et les notaires.
– La presse, les notaires et surtout les agents immobiliers auront beau jeu de dénigrer les cabinets pratiquant des tarifs supérieurs au plancher, celà revenant en définitive comme aujourd’hui à une course au moins disant.
– Ils ne faut pas oublier que l’immense majorité des prix réglementés ne disposent pas d’un système de révision annuelle, mais demeurent figés pendant une durée variable en fonction de l’intervalle entre des décrets de révision. Regardez à quel point les médecins ou kiné galèrent régulièrement pour obtenir une hausse de leurs tarifs qui soit cohérente avec le coût de la vie ou l’inflation. Celà fini invariablement en en grèves, en bras de fer politique et en crise médiatique. Des prix réglementés ou plancher pourraient donc finalement mettre en danger les entreprises les plus sérieuses.
– Pourrait-on faire confiance aux syndicats qui ont déjà du mal à défendre la profession pour aller négocier une hausse ou un ajustement des prix plancher ? Chaque année ? En ayant gain de cause à chaque fois ? Sans que la presse ne s’en mêle ou dénigre encore les diagnostiqueurs « ces voleurs qui voient à nouveau leurs tarifs augmenter » ?
– Comment intégrer dans un prix plancher le coût horaire d’un cabinet n’ayant qu’un technicien, de celui d’un cabinet qui emploie une assistante, de celui dont le dirigeant réalise les diagnostics et perçoit un salaire supérieur au technicien, ou de celui qui doit verser des royalties à une franchise, ou encore qui a des charges de structures élevées ?
– Si la profession a des prix planchers pour ses prestations, alors pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la démarche en réglementant aussi les tarifs des formations et certification ? Des analyseurs de plomb ? Et de tout le reste des investissements et du matériel ?
– Pour les jeunes créateurs d’entreprise, quelle solution leur resteraient-ils pour se faire connaitre sur le marché ?
– Quel avantage resterait-il au client fidèle d’un cabinet, s’il peut trouver le même tarif partout sans pouvoir distinguer à priori la qualité des prestations ?
En somme, lorsque je fais l’examen factuel et objectif de cette proposition, et sans être en mesure de pouvoir lire l’avenir, je trouve tout de même que ça ressemble plus à une mauvaise idée qu’à la solution miracle que l’on essaie de vendre.
Très belle analyse !
Dans notre cas précis, nous sommes un cabinet composé de deux techniciens, une assistante
et de moi-même, homme à tout faire, dans une ville moyenne, ce qui nous oblige d’intervenir sur 50 kms à la ronde.
Nous avons donc des frais de structures (bureaux), d’importants frais de déplacement (voiture, essence, entretien, …).
Comment pouvons nous avoir un tarif similaire à un solo (je précise que je n’ai absolument rien contre les diagnostiqueurs solo, je l’ai été pendant près de 7 ans !!), qui n’a pas de local et qui intervient sur 5 kms à la ronde ???
Comme tu le dis, nous serions obligés d’être bien au-dessus des prix planchers (bien souvent plutôt tirés vers le bas) et donc mis sous le feu des critiques !
je partage l’analyse très juste de Denis quant au prix plancher et je m’évertue depuis près de 15 ans ( en tant que solo en Eurl et envisageant de cesser définitivement l’activité après des années de réflexion) à tenter de justifier de mes tarifs généralement en limite supérieure aux tarifs moyens pratiqués.
Attention cependant le prix plancher indique selon moi un minimum , sans indiquer un maximum et laissant à ceux en mesure de justifier des tarifs plus élevés aux clients près à payer plus cher un opérateur pour son niveau de qualification, sa réputation, sa prestation reconnue etc…
Le discours qualité/prix est cependant généralement peu audible par 80% des vendeurs en effet par méconnaissance du sujet et des temps théoriquement nécessaires pour réaliser des diagnostics complets et de qualité.
La plupart des vendeurs n’ont pas généralement la vision du travail à accomplir ou des enjeux suite à un diagnostic calamiteux, il n’y a qu’à voir les sinistres en augmentation et il est même étonnant à lire certains rapports qu’il n’y en ait pas davantage et que certains opérateurs (connus localement) pour leurs insuffisances chroniques exercent toujours sans être inquiété dans leur activité.
Ils est vrai que les rapports ne sont pas toujours bien lu, compris ou mis en cause et que le certificateur quant à lui ne voit que quelques rapports pouvant être bien ‘revisités’ lors de la ‘surveillance’ et sans pouvoir juger du fond et de la réalité du bien expertisé …
Certains rétorquent qu’à ‘certification égale’, le travail doit être certainement fait de manière équivalente’ et que de toute façon c’est la responsabilité du diagnostiqueur qui sera engagée et pas la leur (ce qui qui n’est pas totalement exact en premier niveau), pourquoi alors payer plus cher un rapport de diagnostic réputé identique ? !
C’est bien mal connaître hélas la profession et certaines pratiques qui font tant couler d’encre.
(En revanche, et au passage,… il y a généralement moins de difficulté à admettre une confortable commission d’agent de plusieurs milliers d’euros , c’est étonnant. Mais il est vrai que cette commission est aussi souvent payée par l’acquéreur…ca change tout)
Je donne souvent l’idée (avec le sourire) que pour réduire et relativiser le douloureux investissement dans des diagnostics qu’il suffit mentalement de les faire payer en les ajoutant dans le prix de vente , donnant la sensation que c’est l’acquéreur qui va financer le bénéfice de’ bons diagnostics ‘ utiles pour son achat.
Je ne manque pas non plus de pointer l’idée qu’il ne faut surtout pas tergiverser pour quelques dizaines d’euros un pack de diagnostics correctement établi quant il s’agit de vendre un bien de dizaines (ou centaines..) de milliers d’euros , avec des conséquences pouvant être bien plus douloureuses (pour tous) en cas de recours suite à de graves négligences.
Bref, le sujet n’est pas simple et il manque cruellement de transparence et d’explication.
-Pas de prix plancher en effet pour nos tarifs, mais une bien meilleure communication par tous moyens (presse, associations, fédérations) donnant des fourchettes tarifaires suffisamment larges pour tous (selon en effet les différentes structures), permettant ensuite d’expliquer les écarts ( trajets, matériels, temps passés, suivi et réponses aux questions, rapidité d’exécution des rapports, frais de structure, expérience et pérennité de l’opérateur en diagnostics , etc etc..),
-une communication pointant du doigts les risques d’un tarif low cost annonciateur de diagnostics bâclés (on veut bien croire que certains sont plus efficaces, organisés, productifs que d’autres mais il y a des limites ..)
-Une communication mettant en lumière des tâches à accomplir et des temps moyens nécessaires pour réaliser un diagnostic (ou plusieurs diagnostics) correctement et protecteur tant pour le vendeur que pour l’acquéreur.
Le problème de prix serait vu différemment si c’est l’acquéreur du bien qui devait payer une expertise utile et éclairante pour son achat. Toute la difficulté étant le besoin de diagnostics en amont (à commencer par le DPE obligatoire) et de trouver le moyen de facturer le futur propriétaire dans ses frais d’acquisition au même titre que les frais d’actes par exemple.
Une idée alors (pour la vente) pourrait être celle d’un organisme (indépendant du vendeur et de l’acquéreur) ‘payeur’ des diagnostics à établir en amont de la vente (l’état à su payer des DPE à refaire..)
dont le prix serait ensuite automatiquement inclus à l’acte de vente , collecté facilement par le notaire pour rembourser l’organisme qui en en aurait fait l’avance pour payer le diagnostiqueur sans délai après la mission.
Cela permettrait de conserver la liberté de missionner un opérateur , au prix raisonnable du marché, que ce dernier soit payé rapidement et en toute indépendance, et c’est l’acquéreur final qui paierait le juste prix d’une expertise l’informant sur son achat.
Pour la location c’est différent dans la mesure ou le bien reste la propriété du bailleur et que la qualité de l’expertise reste pour son intérêt propre.
En tout cas le sujet est plus que jamais d’actualité avec l’impact des diagnostics immobiliers au niveau des ventes.
Bonjour quotidiag, des nouvelles sur le sujet? y a t’il eu des avancées ? les tarifs sont tirer vers le bas avec de plus en plus de responsabilités, c’est incompréhensible. comment faire pour amener le problème aux oreilles du gouvernement ?
j’en es marre de voir des agents immobiliers se goinfrer et ne jamais faire d’effort pour nous faciliter la tâche, mais tout faire pour nous gratter des prix bas voir plus..