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Du diagnostic sanction au diagnostic prévention

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Guillaume Exbrayat, président de Diagamter et vice-président de SIDIANE, s’exprime sur des sujets importants pour la filière et portés par SIDIANE. Il nous explique notamment pourquoi il défend l’instauration du diagnostic immobilier périodique et la mise en place d’un indice de complétude du DPE. Nous avons aussi abordé la question de la fiabilité et du tarif de l’audit énergétique réglementaire.

VOUS AVEZ DIT ÊTRE FAVORABLE AU DPE DE BIENS NON SOUMIS À UNE TRANSACTION ?

Comme Pierre-Yves Sachot, auteur d’une pétition sur Change.org, nous proposons ce que nous appelons, au sein de SIDIANE, le diagnostic immobilier périodique (DIP). Il existe aujourd’hui des DPE nécessaires dans le cadre des transactions et, avec la loi Climat et résilience, des DPE à l’immeuble qui vont être effectués dans le cadre des copropriétés. Mais tous les biens qui ne sont pas soumis à vente ou location pendant une période assez longue, ou même certains appartements du parc privé, ne sont pas nécessairement visités par un diagnostiqueur.

Nous proposons de soumettre à un diagnostic immobilier périodique de 10 ans tous les biens qui ont plus de 10 ans. Bien sûr, cela n’a pas d’intérêt pour les logements neufs, qui respectent les normes de construction. En revanche, au bout de dix années, le logement aura pu faire l’objet soit de dégradations, soit de travaux. Et c’est particulièrement important pour le DPE. En effet, la loi Climat et résilience stipule que tous les biens à usage d’habitation doivent disposer d’un classement énergétique. Comment y parvient-on ? Si on veut que tous les biens à usage d’habitation disposent d’un DPE, il faut diagnostiquer également ceux qui ne sont ni vendus ni loués.

Ce serait également essentiel si le gouvernement voulait mettre en place, d’ici 4-5 ans, une fiscalité verte sur les logements. Pour les voitures, c’était facile, puisqu’il y a la carte grise. Mais pour les logements… ? Aujourd’hui, nous avons un parc de 36 millions de logements, et il y a environ 1 million ou 1,5 million de diagnostics par an. Avec un diagnostic tous les 10 ans, ce serait de l’ordre de 3 millions à 3,5 millions de diagnostics par an. Le contrôle technique automobile, qui a fêté ses 30 ans en janvier 2022, s’est imposé avec difficulté au début. Et puis finalement, tout le monde a bien vu que l’état du parc automobile français s’était amélioré. Cet enjeu est au cœur du DIP.

CE DIP S’APPLIQUERAIT DONC AUSSI AUX AUTRES DIAGNOSTICS IMMOBILIERS ?

Oui, c’est valable également pour les autres diagnostics : gaz, électricité, recherche d’amiante dans les parties privées (on sait que le DAPP ne s’intéresse qu’à la liste A)… Une partie significative du parc immobilier français n’est jamais soumise à un diagnostic immobilier en général. Nous pensons que de manière définitive, le vrai client du diagnostiqueur n’est pas le vendeur ni l’acquéreur, mais l’occupant. Nous travaillons au service des gens qui occupent le logement. C’est particulièrement vrai quand on s’intéresse à la santé et à la sécurité, par exemple aux anomalies de gaz et d’électricité.

Pourquoi certains auraient-ils le droit d’être informés des risques électriques dans un logement et pas d’autres ? Il en va de même pour le gaz, la présence d’amiante ou de plomb, et même les états parasitaires. C’est donc d’abord une question d’équité républicaine. Alors bien évidemment, en cas de vente ou de location, nous pourrions avoir une actualisation des diagnostics de moins de 3 ans, de moins de 6 mois… C’est à discuter avec le législateur. Cette actualisation aurait un coût assez marginal, car ce serait une mise à jour d’un dossier déjà connu.

QUELLES SONT LES AUTRES RAISONS D’ENTRER DANS CETTE DÉMARCHE ?

Quand on s’intéresse à l’occupant, le diagnostic prend tout son sens. Aujourd’hui, il est déclenché par la vente ou à la location. Or, hormis le DPE, le reste est peu regardé. Le dossier de diagnostic technique part souvent au fond d’un dossier administratif où il est oublié. Au contraire, si le diagnostic s’adresse à un père ou une mère de famille et concerne le foyer où ils résident, l’intérêt est tout à fait différent. Cela débouche sur de la prévention.

Nous passons ainsi d’un « diagnostic sanction » à un « diagnostic prévention ». Dès lors qu’un diagnostic est réalisé quelques jours avant un acte de vente ou quelques jours avant un bail de location, le propriétaire perçoit comme une « sanction » chaque anomalie relevée, qui déprécie la valeur du bien, et sans disposer du délai pour le corriger. C’est mal vécu. Il peut alors y avoir un conflit d’intérêts. Le bon diagnostiqueur pourrait être celui qui ne voit pas trop d’anomalies et qui n’est pas cher. Dans un diagnostic prévention tourné vers l’occupant, le client a intérêt à avoir un vrai bon diagnostic. Il débouche aussi sur un temps un peu plus long d’échanges pour améliorer, par exemple, son installation électrique, son installation de gaz, etc.

CELA PERMETTRAIT DONC AU DIAGNOSTIQUEUR DE FAIRE UN MEILLEUR TRAVAIL ?

Bien sûr, car tout ne se fait plus dans l’urgence des ventes et des locations. Nous faisons souvent ce métier dans une urgence que rien ne nécessite. Le diagnostiqueur est appelé en catastrophe pour faire un diagnostic le lendemain ou le surlendemain. Les diagnostics périodiques pourraient être réalisés tranquillement. Nous obtiendrons un travail plus lissé, de meilleure qualité, et un meilleur dialogue avec l’occupant. En conséquence aussi, le diagnostiqueur peut mieux travailler.

Autre avantage du DIP, il permet d’être créateur de valeurs et de richesse pour la société. Il permettrait de déclencher, au fil de l’eau, une multitude de petits travaux qui alimenteraient les métiers de l’artisanat : les électriciens, les chauffagistes, etc. Bref, cela générerait de l’activité , de l’emploi, de la TVA, etc.  Enfin, le DIP règle une question qui a souvent préoccupé les diagnostiqueurs : est-ce l’acquéreur ou le vendeur qui doit payer les diags ? SIDIANE répond que c’est l’occupant, car c’est lui le vrai client de nos travaux.

VOUS AVEZ PROPOSÉ UN INDICE DE COMPLÉTUDE AU DPE, DE QUOI S’AGIT-IL ?

C’est une idée portée par SIDIANE et approuvée également je crois par une autre fédération, la FIDI. Cette question a été soumise à la DHUP qui, sans dire non, pense que ce n’est pas la priorité. En fait, nous avons fait au sein de SIDIANE des travaux sur un ensemble de DPE et mis en évidence un fait. Quand un propriétaire ou un professionnel de l’immobilier ne communique pas toutes les informations nécessaires pour faire un DPE, il faut mettre des valeurs par défaut. La variabilité et la précision du résultat en sont globalement affectées dans des proportions significatives. Il peut y avoir une différence de plusieurs classes sur l’étiquette.

Quand beaucoup de documents ont été transmis pour faire le DPE, nous pourrions indiquer au client que le DPE est basé sur un niveau de complétude d’informations important. Le DPE est alors consistant. Actuellement, quand nous avons peu de documents, nous générons un rapport qui a les mêmes atours qu’un DPE très alimenté, alors que sa précision est incertaine. C’est donc logique d’informer les clients du niveau de complétude. L’autre avantage concerne les professionnels.

QUEL EST L’INTÉRÊT DE CET INDICE POUR LE DIAGNOSTIQUEUR ?

Souvent, on nous donne peu d’informations pour faire le DPE. Et puis l’étiquette est E, F ou G, bref elle déplaît parfois au propriétaire. Là, comme par magie, il retrouve les documents. Alors le diagnostiqueur peut avoir à refaire le DPE, le plus souvent  sans le facturer parce qu’il y a un geste commercial à faire. Avec cet indice de complétude, nous pourrions informer, dès l’ordre de mission, du niveau de complétude. Cela pourrait amener le propriétaire à vouloir l’améliorer avant l’intervention.

Cet indice permettrait de donner plus d’informations aux personnes qui liront le DPE sur la précision des calculs effectués. Ce serait également une protection lors de contentieux. Les gens sont prompts à demander à la justice quel DPE est le bon, lorsque deux DPE donnent deux étiquettes différentes. En général, les deux sont bons sauf qu’il y a eu plus d’informations communiquées pour l’un des deux. Nous l’avons constaté dans les enquêtes faites par la presse de consommation par le passé. Là, nous pourrions mieux justifier les différences entre les DPE sur un même bien.

Nous allons donc travailler sur une méthode de calcul précise pour cet indice de complétude. Il faudrait qu’il apparaisse sur le DPE. Si la réglementation ou l’administration refuse de l’intégrer au DPE, il pourrait apparaître sur les pages de synthèse qui accompagnent les diagnostics.

EST-CE IMPOSSIBLE D’OBLIGER SIMPLEMENT LES PROPRIÉTAIRES À FOURNIR LES DOCUMENTS ?

Les gens peuvent être de bonne foi et ne pas avoir les documents. Les valeurs par défaut ont alors un sens. Il faut surtout se battre contre ceux qui ne font pas l’effort de chercher. Il est vrai que fouiller dans des archives pour retrouver des documents, ce n’est pas enthousiasmant. L’indice de complétude permettrait de motiver davantage les gens à préparer la venue du diagnostiqueur.

Mais les valeurs par défaut peuvent être légitimes. On sait simplement que le résultat de sortie est moins précis. Au lieu de reprocher au client de ne pas avoir bien préparé les documents, on lui annonce : au vu des informations dont je dispose, voilà ce que je peux vous dire. N’allons pas faire croire que la qualité du DPE est la même, quelle que soit la quantité d’informations transmises. Il y a des cas de figure où nous n’avons même pas l’année de construction ! Cet indice permet d’informer, de dédramatiser et de protéger aussi la RC PRO du diagnostiqueur. Les assurances et les juges sauront, en voyant un indice de complétude bas, que le diagnostiqueur n’a pas forcément mal travaillé.

SIDIANE A ÉTÉ LA PREMIÈRE ORGANISATION À DEMANDER LE REPORT DE L’AUDIT. ÊTES-VOUS PLUS CONFIANT MAINTENANT ?

En tout cas, nous pouvons être plus confiant six mois après. En septembre, la profession n’était pas prête, d’autant que le moteur de calcul est le moteur 3CL. Les gens avisés et informés ont tous vu que la mise au point et la stabilisation du moteur de calcul ont duré des mois et des mois. Contrairement à ce qu’ont pu prétendre certains acteurs du monde politique, tous les problèmes du DPE n’étaient pas réglés à l’automne 2021.

Aujourd’hui, l’audit énergétique se lance sur des moteurs de calcul plus éprouvés. Mais il y a deux sujets qui m’interpellent. Le premier, c’est l’impréparation de certains acteurs et je pense notamment à l’Ademe. On nous dit que l’Ademe ne pourra enregistrer les numéros des audits énergétiques dans sa base qu’à l’été 2023, ou de manière dégradée dans une première phase. Je suis un peu étonné. Tout cela n’est peut-être pas fait avec le sérieux, les moyens, l’attention, la priorité que cela mériterait. On met beaucoup de pression sur les diagnostiqueurs, mais il serait de bon ton que les autres acteurs y mettent autant de diligence.

Le deuxième point concerne l’estimation des travaux. L’audit s’appuie sur le DPE. La vraie nouveauté, c’est le plan de travaux. Cela demande d’acquérir et d’étoffer des compétences d’économiste de la construction. Il faut savoir comment organiser un chantier et faire des chiffrages. Pour cela, il existe des outils assez sophistiqués. En fait, nous avons pu voir des logiciels en phase de test et constater qu’il y a deux philosophies.

QUELLES SONT CES DEUX PHILOSOPHIES EN MATIÈRE DE CHIFFRAGE DES TRAVAUX ?

L’une considère que l’auditeur doit faire le chiffrage en ayant une vraie réflexion, avec les outils de chiffrage utilisés par les gens du bâtiment, ce qui demande de la compétence et du travail. L’autre consiste à se baser sur des logiciels pour générer automatiquement un plan de travaux. Dans ce second cas, l’automatisation est confortable, mais elle comporte des biais. L’intelligence artificielle ne permet pas de détecter toutes les situations. D’où la petite crainte que l’automatisation de l’audit énergétique, permise par certains logiciels, aboutisse, si l’opérateur n’est pas consciencieux, à des audits énergétiques faits rapidement, mais peu pertinents.

J’appelle donc vraiment à ce que les auditeurs énergétiques prennent le temps de bien se former aux méthodologies de chiffrage et à l’économie de la construction. Je leur conseille de ne pas s’en remettre à un calcul automatique qui prendrait quelques minutes. Cela dévaloriserait l’audit énergétique et baisserait la pertinence des plans de travaux. Nous serions, et peut-être à juste titre, sévèrement critiqués par la presse. Attention à l’automatisation qui débarrasserait le diagnostiqueur de ce qu’il sait le mieux faire, c’est-à-dire réfléchir.

Autrement, pour le reste, je pense que la profession est prête. La DHUP a organisé des journées pour la formation complémentaire. Up’n’PRO organise les formations de rattrapage ou de consolidation. Avec des gens sérieux, qui se sont préparés, nous devrions être à peu près en ordre de bataille au 1er avril 2023. Le seul débat auquel nous serons tous attentifs concerne le prix auquel sera vendu l’audit en fonction du temps qui y sera consacré. Il y aura sans doute, au départ, une grande volatilité sur les prix. Après quelques semaines, le marché s’organisera et se stabilisera.

DES BUREAUX D’ÉTUDE ET DES ARCHITECTES CRAIGNENT QUE LE PRIX DE L’AUDIT SOIT TIRÉ VERS LE BAS PAR LES DIAGNOSTIQUEURS…

Oui, mais il faut savoir de quoi on parle. Les bureaux d’étude et les cabinets d’architectes ont une conception de l’audit avec modélisation thermique du bâtiment, etc., et ce n’est pas la méthodologie du 3CL, attendue de manière réglementaire. Ils vous parlent d’audits énergétiques à 1 500 euros… Je pense que nous pouvons faire un excellent travail à des prix bien inférieurs en y consacrant quelques heures. Toutes les données du DPE seront connues, saisies, et identifiées. Il doit donc être possible de faire un travail de qualité en 2-3 heures. Ce serait un peu excessif de le vendre 1 500 euros.

D’un autre côté, si on va sur des outils hyper-automatisés, avec des opérateurs qui y consacrent une demi-heure, on peut avoir des audits énergétiques à 50 euros. C’est pour cela que je suis très réservé vis-à-vis des outils automatiques. Que nous soyons assistés par des outils, c’est très bien, il faut être moderne, mais cela ne doit pas dispenser d’un vrai travail de réflexion.

AVEZ-VOUS AUTRE CHOSE À AJOUTER ?

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rappeler que dans le cadre de la fiabilisation du DPE porté par la DHUP, un webinaire aura lieu. Il devait se tenir le 7 mars et il a été décalé au 4 avril 2023 de 10h à 12h. J’invite tous les cabinets à voir, soit en live, soit en replay, ce qu’il sera dit. Cela doit contribuer à la fiabilisation du DPE et au renforcement des compétences des diagnostiqueurs. Le lien de connexion n’a pas encore été communiqué, mais d’ici le 4 avril, nous avons le temps. Je conseille surtout aux diagnostiqueurs de bloquer la date.

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2 Commentaires

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  1. F
    Fabien 14 mars 2023 - 18h10

    Merci à mr exbrayat pour cet exposé.
    Pour des raisons qui me sont chères : connaissance, qualité, formation;
    Vouloir étendre la formule « diagnostic pour tous »
    Est plutôt prématurée.
    1. La certification n’a pas encore vraiment
    Fait le nettoyage attendu
    2. Évaluer un bien devrait se faire après les diagnostics.
    On évalue par l’existant.
    3. L’auditeur à sa responsabilité sur le pointage des données d’entrée du dpe et réalise les corrections. Et fera son chiffrage suivant ses pistes de travaux d’amélioration.
    Je vois déjà beaucoup trop de dpe dont la reco 1 propose un remplacement d’ecs puis en reco 2 à nouveau un remplacement d’ecs.
    Absolument délirant.
    Bien que l’audit énergétique réglementaire soit sur le même moteur de calcul que le dpe il ne peut être vendu moins cher.
    C’est une autre visite sur le site qui impose un nouveau rendez-vous.

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    • G
      Guillaume 15 mars 2023 - 10h14

      Bonjour Fabien DUCOURTIL,

      Sur le point 1, n’attendons pas un « grand soir » où le marché serait idéal. Nous croyons à une progression continue, stimulée, efficace. Ce chemin là ne doit pas être un obstacle ni un préalable à d’autres sujets comme le diagnostic immobilier périodique (DIP).
      Sur le point 2, nous sommes d’accord, et c’est bien un des intérêts du DIP. Même si il faudra actualiser le DDT pour une vente, il y aura au moins un DDT pour chaque bien à terme. C’est mieux que des prix fixés sans avoir aucune idée des problèmes éventuels du bâtiment.
      Sur le point 3, nous sommes encore d’accord. Les recommandations du Dpe en mode « ChatGP3 » ont montré leur limites. Il en sera de même pour l’audit. Pour autant, le prix d’un audit énergétique obligatoire ne peut être totalement déconnecté de la quantité de travail à fournir. Nous verrons comment le marché s’organisera début avril, mais nous aurons une grande volotalité des prix les premières semaines.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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