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DPE, audit et valeur vénale : c’est compliqué

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La prise en compte de la valeur vénale, dans les dérogations à l’obligation de rénovation énergétique, génère des confusions. Là où il y a confusion, il y a aussi risque d’erreurs et potentielles dérives. Or, le critère de la valeur vénale concerne les propriétaires de passoires thermiques, les auditeurs énergétiques et l’ensemble des professionnels de l’immobilier.

Exception à l’obligation de rénovation performante

L’article R.112-18 du Code de la construction et de l’habitation prévoit des exceptions à l’obligation de réaliser des travaux de rénovation performante. Le 2° mentionne ainsi les bâtiments qui « excéderaient 50 % de la valeur vénale du bien, évaluée par un professionnel dans le domaine de l’immobilier ». Dans ce cas, le bailleur peut déroger à l’obligation de rénover sa passoire thermique. Assez logiquement, il en va de même pour le propriétaire vendeur ou acquéreur.

Ainsi, l’article 2 et l’article 3 de l’arrêté du 4 mai 2022 relatif au contenu de l’audit énergétique réglementaire en tiennent compte. Les bouquets de travaux doivent être cohérents « par rapport aux économies d’énergie attendues et à la valeur vénale du bien ». Levons déjà un contresens qui réapparait régulièrement sur le net. Non, il n’y a pas d’exonération de la réalisation du DPE ou de l’audit énergétique réglementaire. L’objectif reste d’améliorer la performance énergétique des logements. Il y a simplement dérogation quant à l’atteinte de la classe A ou B du DPE.

Valeur vénale ≠ prix de vente

La valeur vénale n’est pas le prix de vente du logement, lequel intègre des frais d’agence, de notaire, etc. S’il existe plusieurs définitions de la valeur vénale, aucune n’est réellement « légale ». On se réfère fréquemment à la définition de la Charte de l’Expertise immobilière publiée en mars 2017. C’est alors la « somme d’argent estimée contre laquelle des biens et droits immobiliers seraient échangés à la date de l’évaluation entre un acquéreur consentant et un vendeur consentant, dans une transaction équilibrée, après une commercialisation adéquate, et où les parties ont, l’une et l’autre, agi en toute connaissance, prudemment et sans pression. ».

Pour la jurisprudence, la définition de la valeur vénale est celle fournie par la Cour de cassation. Elle « est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de leur situation de fait et de droit à cette date ». En 1990, au Sénat, M. Bérard précisait que cette valeur vénale « s’apprécie au moyen d’éléments de comparaison tirés de cessions de biens comparables, intervenues à l’époque considérée». Bref, malgré le lien évident entre prix de vente et valeur vénale, l’un n’est pas équivalent à l’autre.

Qui détermine la valeur vénale du bien ?

La situation se complique quand il s’agit de savoir comment déterminer la valeur vénale du logement. En effet, les textes réglementaires désignent un « professionnel dans le domaine de l’immobilier », notion assez floue. De plus, il faut distinguer l’avis de valeur vénale, souvent gratuit et très succinct, et l’expertise en valeur vénale, coûteuse et détaillée. La seconde est toujours réalisée par un expert immobilier répondant à des critères de qualification précis. Laquelle est ici nécessaire ?

Eh bien, précisément, ce n’est pas très clair. L’avis de valeur est purement informatif. Par conséquent, la responsabilité de son rédacteur n’est pas engagée. Cette estimation est notamment proposée par des agents immobiliers, voire par des notaires. Au contraire, le rapport d’expertise a une valeur juridique. L’expert immobilier engage alors sa responsabilité civile. Ni le diagnostiqueur ni l’agent immobilier ne sont habituellement assurés pour cette expertise. Or le DPE et l’audit énergétique réglementaire, opposables, peuvent être litigieux. Il existe donc un risque assurantiel.

responsabilité de l’auditeur énergétique

Pour les raisons évoquées ci-dessus, il est vivement conseillé de faire appel à un professionnel de l’expertise en évaluation immobilière. Malheureusement, ce dernier est parfois difficile à trouver, surtout dans les régions rurales. Comme par hasard, beaucoup de maisons anciennes et énergivores, soumises à l’audit réglementaire, se situent dans des communes rurales. Bref, entre la rareté de cette évaluation et son prix élevé, la mise en œuvre de la dérogation peut être compliquée.

Attention, alors, à ne pas céder à la tentation de « bricoler » une valeur vénale. À l’arrivée, tous les acteurs de la transaction pourraient être contraints de s’expliquer devant un tribunal. Au minimum, par précaution, l’auditeur doit préciser l’origine de cette valeur vénale par écrit. Si à défaut d’expertise, la valeur vénale se base sur le prix de vente, mieux vaut disposer au moins d’une attestation écrite du type « prix de vente valant valeur vénale du bien immobilier ». Celle-ci est alors rédigée par l’agent immobilier ou par le notaire concerné.

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5 Commentaires

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  1. P
    Pascal 12 septembre 2023 - 17h47

    Une aide à l’évaluation gratuite est ici :

    https://www.data.gouv.fr/fr/reuses/consultez-toutes-les-ventes-sur-une-carte/

    Répondre
    • P
      Pascal 13 septembre 2023 - 6h01

      Voici un autre lien pour comparer, officiel aussi :

      https://app.dvf.etalab.gouv.fr/

      Répondre
      • Cécile, le moteur de Quotidiag 13 septembre 2023 - 7h06

        Merci beaucoup pour ces aides à la comparaison. Même si cela ne remplace pas l’expertise en tant que document établi par un professionnel, c’est toujours utile pour se faire une idée de la valeur vénale par rapport au montant des travaux.

        Répondre
  2. G
    Grégory 18 septembre 2023 - 14h14

    Merci pour cet article qui a le mérite d’évoquer ce cas d’exemption mais qui focalise sur la question de la valeur vénale. Or, la question est aussi de savoir quels sont les travaux de rénovation qui font référence. Ceux recommandés dans les DPE ?
    et d’autre part vous parler de dérogation quant à l’atteinte de la classe A ou B du DPE. Pourquoi la classe C n’est pas mentionnée également car celle-ci est exempte d’interdiction ?
    Plus globalement, Quelles sont les conditions et modalités d’application de ces exemptions ?
    Quelles sont les démarches à accomplir pour bénéficier de ces exemptions ?
    Quel est l’organisme de contrôle ?
    Les travaux recommandés par les DPE font-ils référence sinon lesquels ?
    Doit-on demander une ou des estimation(s) à un agent immobilier et établir des devis de travaux de rénovations énergétiques ?

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 18 septembre 2023 - 14h49

      Cet article se focalise surtout sur la valeur vénale dans le cadre de l’audit réglementaire, même s’il est précisé que cela concerne aussi les DPE pour la location.
      Pour la vente d’une monopropriété (maison ou immeuble), les travaux qui font référence sont ceux indiqués et chiffrés dans le rapport d’audit réglementaire. Dans le DPE, les travaux n’ont qu’une valeur informative même s’il est possible de s’y référer. La réalisation d’un audit énergétique permet de compléter le DPE. D’ailleurs, pour bénéficier d’aides à la rénovation, il faut faire réaliser un audit (qui, actuellement, est appelé audit incitatif). Dans le cadre d’une location, c’est cet audit qui fait référence.
      Dans tous les cas, il faut prouver le coût des travaux, par exemple avec des devis effectivement.

      Une rénovation énergétique est dite performante quand les travaux permettent d’atteindre la classe A ou B du DPE (même si ce n’est pas l’unique condition). C’est pour cette raison que la classe C n’est pas mentionnée. Les dérogations sont donc des dérogations à l’atteinte de la classe A ou B. Atteindre la classe C n’est pas considéré comme une « rénovation performante ». Par ailleurs, pour ce type de rénovation, le recours à Mon Accompagnateur Rénov’ est obligatoire, depuis janvier 2023, quand les ménages bénéficient d’aides à la rénovation globale. Dès 2024, ce sera obligatoire pour tous les travaux bénéficiant de MaPrimeRénov’ rénovation globale si le coût des travaux est supérieur à 5000 €. Mon Accompagnateur Rénov’ s’adresse à tous les propriétaires, y compris bailleurs.

      Je ne sais pas ce que vous voulez dire quand vous demandez qui est l’organisme de contrôle. La plupart du temps, l’agence immobilière ou le notaire seront les plus sollicités dans ce contexte, puisque ces dérogations permettent de continuer à vendre ou à louer un logement énergivore. Comme indiqué dans le texte, il est préférable de demander une expertise en valeur vénale à un expert immobilier qualifié et de comparer cette évaluation au coût des travaux à partir des devis. S’il n’est pas assuré pour cette expertise, l’agent immobilier peut éventuellement vous orienter vers un expert immobilier. En l’état actuel, le texte réglementaire n’interdit pas d’avoir recours à un agent immobilier pour déterminer la valeur vénale. Simplement, les conséquences pourraient être graves en cas d’erreur.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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