revenir à l'Accueil
Toute l'actualité

Des risques côtiers noyés dans le désir de rivage

Partager cet article sur

Depuis le 1er janvier 2023, le risque d’érosion côtière s’affiche. L’état des risques et pollutions se transmet aussi dès la première visite. Pourtant, l’information sur le recul du trait de côte reste ignorée des acquéreurs. Pendant ce temps, les logements préemptés, les délocalisations de biens et les expropriations augmentent, les prix des logements en bord de mer aussi.

Érosion du littoral : 50 000 logements menacés

Le recul du trait de côte sera l’un des points abordés au congrès de l’ANEL (Association Nationale des Élus Littoraux) du 11 au 13 octobre. En effet, 50 000 logements seront détruits ou délocalisés d’ici 2100. Environ un quart du littoral recule à cause de l’érosion. 64 % des côtes sont exposées à un risque de submersion marine. D’ici la fin du siècle, selon le GIEC, l’augmentation du niveau des océans oscillera entre 43 et 84 cm. L’échéance paraît lointaine, mais les communes doivent d’ores et déjà agir face à la montée des eaux. Les maires disposent de différents moyens d’action :

  • démolition d’office des bâtiments situés en zone à risque ;
  • Délocalisation / relocalisation les habitations dans les terres ;
  • Procédures d’expropriation

Des nouvelles constructions devront également être démolies d’ici 30 à 100 ans, aux frais des propriétaires. Autrement dit, ils devront provisionner le coût de la démolition et remettre le terrain en état. Par ailleurs, la loi Climat Résilience offre aux collectivités un droit de préemption. Elles peuvent acquérir les biens menacés à prix réduit, en appliquant une décote. Cette disposition s’explique par les prix très élevés des biens en bord de mer.

Contentieux et catastrophes naturelles

Toutes ces décisions, parfois douloureuses à prendre, entraînent d’importants risques de contentieux. Quel propriétaire accepterait volontiers de céder son bien à bas prix à cause de l’érosion du littoral ? Un logement avec accès direct à la mer ou à l’océan s’achète actuellement très cher. La proximité avec la plage fait aussi augmenter le prix de vente. Pourtant, les occupants de ces habitations font face à des risques d’inondations, d’écroulement et de submersion marine.

Beaucoup de propriétaires s’imaginent qu’en cas d’expropriation, ils seront indemnisés. En réalité, ce n’est pas toujours le cas. S’il y a érosion des falaises, le propriétaire exproprié peut espérer être indemnisé par le fonds Barnier. En revanche, l’érosion des dunes n’entre actuellement pas dans les critères d’attribution, le recul du trait de côte non plus. Pourquoi ? Parce qu’un propriétaire peut anticiper cet événement inexorable.

Lors de la démolition de l’immeuble Le Signal, à Soulac-sur-Mer, les 75 copropriétaires ont finalement bénéficié d’une indemnisation. Celle-ci correspondait à 70 % de la valeur initiale de leur logement. Ils ont cependant dû batailler 6 ans pour y avoir droit. Ces enjeux pourraient logiquement entraîner une baisse des prix de l’immobilier ou un recul des ventes sur le littoral. Or il n’en est rien, au contraire. L’attrait pour la mer, également appelé désir de rivage, reste plus fort que le risque.

État des risques et responsabilités

Actuellement, les élus choisissent d’inscrire ou non leur commune sur la liste de celles exposées à l’érosion du littoral. Les volontaires établissent une cartographie des risques à moyen terme (30 ans) et à long terme (100 ans). Les cartes s’intégreront au PLU (plan local d’urbanisme). Les communes pourront aussi adhérer à un PPA (projet partenarial d’aménagement) recul du trait de côte pour avoir des aides financières de l’État.

Dans ces communes, l’information des acquéreurs et des locataires (IAL) prend une importance particulière. Le renforcement du dispositif IAL inquiétait donc beaucoup certains professionnels de l’immobilier. Auparavant, l’état des risques et pollutions, remis avec le compromis de vente, passait inaperçu. Il arrivait trop tard pour déterminer un processus d’achat. Sa communication au stade de l’annonce et de la première visite laissait ainsi craindre une rétractation, mais que nenni. Les risques côtiers n’influencent pas (encore) la décision d’achat. Ils ne font pas non plus baisser les prix.

Pourtant, les agents immobiliers et les notaires affirment être vigilants quant à l’information fournie aux acquéreurs. Ils sont conscients d’engager leur responsabilité en cas de manquement à leurs obligations. D’ailleurs, contrairement au DPE parfois caché, l’information sur le risque climatique semble présente dans les annonces immobilières. Les acheteurs en font simplement abstraction s’ils peuvent avoir la mer ou l’océan sous les yeux.

Qui sont les acquéreurs de ces logements ?

Eugénie Cazaux, géographe ayant rédigé une thèse sur ces risques côtiers, distingue 3 types d’acquéreurs dans ces zones à risque. Ils sont :

  • investisseurs pour mettre le logement en location saisonnière,
  • âgés et retraités, ceux qu’elle appelle « les après moi le déluge »,
  • très aisés et dictés par un coup de cœur (l’achat plaisir).

De plus, avoir un logement en bord de mer, c’est un signe de réussite sociale. En outre, le dérèglement climatique évoque la sécheresse, la canicule, éventuellement le retrait-gonflement des argiles. Les risques liés à la montée des eaux se conçoivent plus difficilement et semblent toujours lointains. En effet, « Les habitants se disent que la catastrophe arrivera plus tard ou chez les autres. […] Une maison au bord de mer, c’est le rêve d’une vie », explique Eugénie Cazaux. Les contentieux futurs risquent d’être passionnels, à la hauteur du retour à la réalité.

Nouveautés attendues dès 2024

Concernant les communes menacées par l’érosion, il y a eu un 1er décret en avril 2022 et un 2e en juillet 2023. Un 3e décret paraîtra en fin d’année. Les collectivités, timides au lancement du dispositif, s’avèrent de plus en plus nombreuses à le rejoindre. Le comité national du trait de côte (CNTC), lancé en mars 2023, doit également livrer ses conclusions à l’automne 2024. Sa mission consiste notamment à imaginer les littoraux en 2050 pour proposer un financement pérenne aux communes. Par ailleurs, plusieurs membres du CNTC défendent la mise en place d’un fonds de solidarité nationale.

autres Références et sources d’information
Partager cet article sur

Commentaires

Commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

.
Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

Tripler les aides à la rénovation, accompagner, former et contrôler

Previous article

CEE : arrêté du 4 octobre 2023

Next article