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Métrologie : Jean-Michel Catherin (Testoon) pousse un cri

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Jean-Michel Catherin est le président de Testoon. Depuis 17 ans, il vend des appareils de mesure aux diagnostiqueurs. Il y a 2 ans, il a créé un laboratoire pour les diagnostiqueurs. Après plusieurs années à faire des étalonnages, il affirme que 70 % à 80 % des diagnostics gaz sont probablement réalisés avec des appareils qui ne sont pas au niveau. D’où la création d’un protocole de mesure du monoxyde de carbone, à intégrer à la norme NF P45-500. Il n’est pas encore accessible au public, mais nous sommes autorisés à le diffuser.

COMMENT DÉFINISSEZ-VOUS LA MÉTROLOGIE ?

La métrologie décrit la science de la mesure. C’est l’un des plus vieux métiers du monde. Dès le moment où les êtres humains ont commencé à échanger des biens, il a fallu des références. On les appelle des étalons. C’est ce qui a donné naissance au mot étalonnage et au verbe étalonner.

Étalonner signifie comparer quelque chose par rapport à son étalon. Ensuite, si on doit régler quelque chose, on parle d’ajustage. Le fait de dire qu’un appareil est conforme ou non est une vérification métrologique. En cas d’écart, un utilisateur averti devra se demander s’il est acceptable ou non par rapport au besoin ou à la norme ou à une spécification du constructeur.

Une mesure, par définition, n’est jamais juste. Il y a toujours une imprécision à caractériser, une incertitude. Prenons l’exemple d’un appareil qui mesure le monoxyde de carbone à proximité d’une chaudière. Si on a un objectif de 10 ppm et que la précision de l’appareil, sur la gamme de 0 à 1000 ppm, est de +/- 5 ppm, l’erreur est potentiellement très importante. En général, plus vous voulez être précis, plus l’appareil va être sophistiqué et cher.

SELON VOUS, IL Y A UN MANQUE DE CULTURE MÉTROLOGIQUE CHEZ LES DIAGNOSTIQUEURS…

Depuis 2007, les textes qui régissent les diagnostics immobiliers sont globalement muets sur la métrologie. Ils ne disent pas avec quelle précision on doit faire ces mesures. Dans l’électricité c’est dit de manière indirecte, car il y a une référence aux normes NF EN 61557 et NF EN 61010. En revanche, la norme NF P45-500 dit juste que le diagnostiqueur doit être équipé d’un appareil de mesure de la teneur en monoxyde de carbone.

On ne sait pas quelle doit être la performance en termes de portée et de précision. Cette notion de métrologie n’est ni dans les textes, ni dans la culture des diagnostiqueurs. À part pour les machines à plomb, ce n’est pas ou peu abordé dans les formations. Les diagnostiqueurs ne sont pas contrôlés sur ce point-là. La certification de personnes n’exige pas de compétences métrologiques.

C’EST DIFFÉRENT AVEC LA CERTIFICATION D’ENTREPRISE ?

Je sais qu’il y a un énorme débat sur la certification de personnes et sur la certification d’entreprise. Là-dessus, je n’ai pas d’avis. Néanmoins, je vois que les bureaux de contrôle intègrent la métrologie dans leurs appareils de mesure. C’est dans leur référentiel. La certification de personnes ne traite pas explicitement de ce sujet. Certains diagnostiqueurs ont une conscience et une compétence métrologique, mais d’autres ne l’ont pas du tout. Depuis 2 ans, nous proposons des prestations de vérifications métrologiques. Nous voyons bien qu’il y a moins de 10 % des diagnostiqueurs avec lesquels nous travaillons qui réalisent ces vérifications.

VOTRE LABORATOIRE TESTOON Lab S’ADRESSE UNIQUEMENT AUX DIAGNOSTIQUEURS ?

En fait, depuis toujours, certains diagnostiqueurs voulaient vérifier leurs appareils. Comme nous n’avions pas de laboratoire, nous sous-traitions à un laboratoire industriel ou au fabricant. Le temps d’indisponibilité était de 4 à 6 semaines. Nos clients nous disaient donc qu’ils ne faisaient pas vérifier leurs appareils parce que ça prenait trop de temps. Nous avons donc créé notre laboratoire pour eux.

Maintenant, avec l’enlèvement chez le client, la prestation d’étalonnage et le retour, il se passe environ une semaine. Les prix sur notre site incluent toutes ces étapes. Nous avons aussi des prestations pour ceux qui veulent faire vérifier tous leurs appareils (gaz, électricité et télémètre laser). Par exemple, le diagnostiqueur envoie son matériel au moment où il part en vacances, et il le retrouvera avec tous les certificats d’étalonnage au retour.

quand faut-il Étalonner les appareils ?

Lorsque l’on gère un parc d’appareils de mesure, il faut d’abord étalonner les appareils lors de leur achat, puis périodiquement. Il y a l’étalonnage initial à l’achat et l’étalonnage périodique. La périodicité de cet étalonnage est dictée soit par le besoin du client, soit par les recommandations d’un fabricant, soit par l’exigence d’une réglementation ou d’une norme.

L’étalonnage initial est proposé en standard avec l’achat de l’appareil, en option ou pas du tout. C’est toute la difficulté. À l’achat de l’appareil, il faut se demander s’il y a un certificat d’étalonnage inclus. Certains clients nous disent qu’étalonner l’appareil au bout de 3 ans coûte aussi cher que de l’acheter. Oui, mais souvent, c’est parce qu’il n’y a pas eu d’étalonnage à l’achat. Et si vous achetez un nouvel appareil, il faut aussi l’étalonner. Un appareil neuf non livré avec son certificat d’étalonnage, surtout s’il ne vient pas d’un fabricant réputé, peut ne pas être conforme à l’exigence.

Ensuite, la périodicité de l’étalonnage est en général fixée en fonction de la dérive des appareils de mesure. Les appareils de mesure ont une composante d’électronique analogique. Or les phénomènes analogiques ont tendance à dériver. Dans l’appareil de mesure du gaz, il y a une cellule de monoxyde de carbone, un capteur. Quand cet élément électrochimique vieillit, il devient moins sensible. Nous constatons, dans notre laboratoire, que certains appareils qui n’ont pas été vérifiés et ajustés depuis plus de 3 ans peuvent afficher moins de 18 ppm de CO en présence d’un gaz étalon à 50 ppm. Dans ce cas, le diagnostiqueur fait des diagnostics négatifs alors qu’il aurait pu faire un DGI (danger grave immédiat).

C’EST CE QUI A ALERTÉ ET CONDUIT À UN PROTOCOLE DE MESURE DU MONOXYDE DE CARBONE ?

Tout à fait. Le parc des appareils de mesure utilisés par les diagnostiqueurs immobiliers est-il toujours capable de mesurer correctement le monoxyde de carbone ? On ne connaît pas l’âge moyen des appareils de mesure, mais j’ai le sentiment qu’il est très élevé. Malheureusement, il n’y a pas de suivi. En faisant des étalonnages depuis des années, j’ai pu obtenir des informations inquiétantes. Certains appareils ne mesurent plus rien. Le diagnostic perd complètement son sens. Heureusement, nous pouvons réajuster certains appareils de mesure qui dérivent. C’est tout l’intérêt d’un constat de vérification avec ajustage.

COMMENT SE DÉROULE CETTE VÉRIFICATION MÉTROLOGIQUE ?

Le constat de vérification est l’équivalent d’un rapport de contrôle technique. Dans notre laboratoire, nous avons des bouteilles avec une teneur précise en monoxyde de carbone. On injecte ce gaz dans l’appareil de mesure et il affiche une valeur que l’on compare à l’objectif. S’il n’est pas conforme, on branche l’appareil sur un ordinateur, on lui injecte une nouvelle fois un gaz de référence, puis un programme informatique réajuste les constantes. On remet ainsi l’appareil en conformité. Le constat de vérification indique alors les valeurs mesurées avant et après ajustage.

quelles observations faites-vous pour les autres appareils ?

Pour les télémètres laser, s’ils sont entretenus correctement, nous observons assez peu de dérives. En revanche, concernant les appareils pour le diagnostic électrique, nous constatons un nombre significatif d’appareils qui sont non conformes aux spécifications du constructeur après leur période de garantie. En moyenne, nous avons 23 % de non-conformité pour le parc étudié. Nous éditons également des certificats de conformité avec restriction. Dans ce dernier cas, l’appareil est conforme sur la plupart de ses calibres, mais il y en a certaines où il y a des petits écarts. Ce sera alors au professionnel de décider si c’est embêtant ou pas pour son activité.

CES VÉRIFICATIONS NE SONT PAS OBLIGATOIRES AU NIVEAU RÉGLEMENTAIRE ?

Pour l’électricité, il y a cette phrase dans la FD C 16-600 : « pour les appareils de mesure et de contrôle, il est recommandé de faire établir au moins tous les trois ans un constat de vérification selon la norme X 07-011 ». Comme ce n’est que « recommandé », les diagnostiqueurs comprennent que ce n’est pas obligatoire. D’ailleurs, j’ai une anecdote à ce sujet. Il y a quelques années, pendant la même semaine, une dizaine de diagnostiqueurs m’ont appelé. Ils voulaient tous un constat de vérification pour leurs appareils.

Agréablement surpris, j’ai voulu savoir pourquoi. En fait, ça venait d’un organisme de certification qui, soudainement, s’est intéressé à la métrologie. Mais les diagnostiqueurs suivis par cet OC en ont parlé à leurs collègues. Ils ont découvert qu’ils étaient les seuls à qui le certificateur demandait ça. Alors ils ont fait pression sur l’OC : « mais attendez, vous nous demandez des trucs qui ne sont pas obligatoires ! ». Résultat : on a tiré le métier vers le bas.

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IL DOIT AUSSI Y AVOIR UNE RAISON ÉCONOMIQUE…

Oui et non. Bien sûr, dès qu’on rajoute une exigence, il y a une conséquence économique. Après, c’est une hérésie de prétendre qu’il est important de faire un diagnostic sans avoir les bons outils. Si l’obligation concerne toute la profession, elle est prise en charge par tous. Automatiquement, ça se répercute sur le coût des prestations. Si on n’étalonne pas l’appareil de mesure pour des raisons économiques, mieux vaut ne pas mesurer. J’affirme que probablement, 70 % à 80 % des diagnostics gaz sont faits avec des appareils qui ne sont pas au niveau.

est-ce qu’il y a des pistes pour amÉliorer cette situation ?

Les professionnels du gaz, dont des fédérations de diagnostiqueurs (FIDI, SIDIANE) regroupés au sein du CNPG (Centre National d’Expertise des Professionnels de l’Énergie Gaz) travaillent depuis plusieurs années à l’harmonisation des pratiques sur le contrôle des chaudières. En janvier 2024, le CNPG a publié un protocole de mesure du monoxyde de carbone.

Il sera applicable aux contrôleurs techniques, aux chauffagistes qui doivent faire l’entretien annuel des chaudières et aux diagnostiqueurs qui font des diagnostics gaz avant location ou vente. Ce sera un protocole commun. Dans la section 5, on a une description des exigences relatives au contrôle des appareils de mesure.

« La procédure de contrôle doit contenir a minima les informations suivantes :

– La présence d’un Certificat d’étalonnage à l’achat avec une étiquette sur le produit. Le Certificat d’étalonnage ou son constat de vérification démontre la conformité à l’exigence sur la gamme de mesure sur au moins 3 points (par exemple, 10 ppm, 20 ppm, 50 ppm) ;

– La présence d’un Certificat de réétalonnage ou les enregistrements de la vérification périodique, a minima à compter de la date de première mise en service ;

  • Tous les ans pour les analyseurs de combustion ;
  • Au bout de 3 ans pour les mesureurs de CO ambiant, puis tous les 2 ans. »

Le CNPG a annoncé vouloir intégrer ce protocole à la norme NF P45-500.

POURTANT, LA NORME GAZ A ÉTÉ RÉVISÉE RÉCEMMENT… ?

Oui, mais on peut réviser une norme dès qu’il y a assez d’éléments à ajouter pour la mettre à jour. Quand la nouvelle version sortira, les diagnostiqueurs qui n’ont pas un appareil de mesure conforme à la norme devront étalonner leur appareil ou en acheter un autre. Le fait d’annoncer à l’avance cette exigence permet aux professionnels d’anticiper.

QUELLES SONT LES BONNES PRATIQUES POUR FAIRE DURER LES APPAREILS DE MESURE ?

Ils sont conçus pour aller sur le terrain, donc pour être durables. En général, mieux vaut éviter de les mettre dans une caisse à outils sans protection. Ils sont souvent vendus avec une sacoche adaptée. Il ne faut pas les laisser dans les voitures en plein été ou dans le froid l’hiver. Quand on ne les utilise pas pendant un certain temps, il est préférable d’enlever les piles. Les diagnostiqueurs peuvent aussi mettre en place des procédures d’autocontrôle.

COMMENT FAIRE CET AUTOCONTRÔLE DES APPAREILS ?

Le principe est de mesurer régulièrement quelque chose de stable. Par exemple, avec votre télémètre laser, vous mesurez chaque semaine la longueur et la largeur d’un couloir. Si ça dérive, il y a un problème. Avec les appareils de mesure pour l’électricité, on peut mesurer la terre de son appartement tous les mois. En l’absence de travaux, il n’y a pas de raison que ça change. Pour le gaz, il y a des solutions simples pour vérifier que la sonde détecte encore. Par contre, il n’y a aucun moyen de savoir si elle a perdu en sensibilité.

L’autocontrôle, ce n’est pas de la métrologie. Dans la métrologie, outre les procédures, il y a une traçabilité. L’étalonnage consiste à vérifier par rapport à un étalon, mais cet étalon est un appareil de mesure, qui doit lui-même être vérifié par rapport à un étalon, dit de niveau supérieur. Ensuite, on fait une chaîne d’étalonnage jusqu’à l’étalon primaire, celui auquel tout le monde se raccorde. Dans un laboratoire de métrologie, toutes les conditions dans lesquelles sont faites les mesures sont contrôlées et indiquées, suivant les recommandations d’une norme. Nous créons une chaîne de traçabilité qui garantit une vraie vérification métrologique.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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