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Audit : l’acquéreur peut-il exonérer le vendeur ?

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L’acquéreur peut-il exonérer le vendeur de produire l’audit énergétique réglementaire ? Un document, signé des deux parties, suffit-il pour vendre une passoire thermique sans réaliser l’audit ? C’est ce que pourrait laisser supposer l’absence de sanctions dans la loi Climat Résilience. Nous avons enquêté pour obtenir une réponse fiable.

attestation de l’acquéreur exonérant le vendeur

Un diagnostiqueur nous a dit qu’il aurait dû réaliser un audit énergétique réglementaire, qui s’est soldé par une forme d’ « attestation ». Dans ce document de quelques lignes, les acquéreurs exonèrent le vendeur du bien d’avoir à produire l’audit énergétique prévu à l’article L.271-4 alinéa 6 du code de la construction et de l’habitation.

Est-ce donc aussi simple de s’affranchir de cette obligation ? Voilà qui pourrait simplifier la vie des vendeurs de passoires thermiques. Outre l’aspect financier, le nombre d’auditeurs est encore insuffisant en France, surtout dans certaines communes. L’obligation de réaliser un audit peut donc ralentir le processus de vente.

Pourquoi refuser l’audit réglementaire ?

L’audit énergétique est censé aider l’acquéreur à améliorer la performance énergétique du logement. Financièrement, sa réalisation est à la charge du vendeur et il doit normalement être remis dès la première visite du candidat acquéreur. De plus, l’habitation classée DPE F ou G sera de plus en plus difficile à vendre et à louer. Pourquoi l’acheteur accepterait-il de s’en priver ?

Parce qu’il peut avoir envie de réaliser un audit incitatif après l’acquisition du bien, à la date de son choix, en sélectionnant lui-même le bureau d’études qualifié pour l’établir, etc. Il pourrait vouloir gérer  seul ce qui a trait à la rénovation énergétique de son logement. Mais dans ce cas, ce document d’exonération a-t-il une valeur légale ? Serait-ce réellement au bon vouloir des parties ?

L’audit réglementaire est-il facultatif ?

Nous avons interrogé Maître Damien Jost, qui nous a aimablement donné son avis. « Je n’envisage même pas que les pouvoirs publics, à l’origine de cette disposition imposant l’audit réglementaire, aient omis de préciser qu’elle est d’ordre public. Si elle est d’ordre public, nul ne peut y déroger, pas même la convention des parties. Sinon, l’audit réglementaire est facultatif et finalement, on vide le texte de sa substance. À mon avis, la vente serait entachée. Sa validité serait compromise. »

Il nous conseille toutefois de contacter un notaire. Ce dernier pourra consulter le Cridon (Centre de recherches, d’information et de documentation notariales) si nécessaire. Il nous fournira ainsi une réponse fiable et claire. L’office notarial est d’ailleurs directement concerné par cette question.

L’acquéreur ne peut dispenser le vendeur

En effet,  d’une part, c’est principalement le notaire qui engage sa responsabilité lorsque la vente est compromise. D’autre part, si une telle exonération était permise sans risque, les notaires pourraient la proposer à leurs clients afin de simplifier leurs démarches. Puisque le dossier de diagnostic technique est fréquemment perçu comme une contrainte, cette solution présente des avantages.

Selon Maître Anaïs Clément, membre de la Chambre des notaires de l’Isère : « il n’est pas possible de dispenser le vendeur de réaliser l’audit ». Par ailleurs, en l’absence de sanctions prévues par les textes, le droit commun s’applique. Le vendeur peut faire l’objet de poursuites s’il ne l’établit pas. Bref, manifestement, le candidat acquéreur ne peut pas exonérer le vendeur de produire l’audit énergétique.

L’avis d’une juriste ADIL

Les Agences d’information sur le logement (ADIL) sont constituées de juristes formés sur les thématiques liées au logement. La juriste de l’ADIL 42-43 (agence la plus proche de votre dévouée rédactrice) nous confirme que l’audit est une disposition d’ordre public au sens du Code civil. De plus, il est opposable. Si les parties s’entendent, des aménagements avec le notaire sont peut-être envisageables, mais une telle attestation ne suffirait pas.

« Une clause faisant renoncer une partie à des droits est très fragile surtout au regard de l’enjeu croissant de la rénovation énergétique ». Dans ce cas, la renonciation de l’acquéreur « ne doit pas être équivoque, elle ne doit pas être la conséquence d’un vendeur impatient qui fait pression sur l’acquéreur. » Cette clause doit également « faire renoncer les parties à tout recours relatif à la performance énergétique du logement ainsi qu’au contenu de l’audit ». Elle termine en nous précisant « qu’aucune jurisprudence n’étaye ce point de vue pour le moment » (à savoir l’exclusion délibérée de diagnostics).

En résumé, cette exonération semble être une mauvaise idée, avec de potentiels litiges à la clé. Ni le vendeur, ni l’acquéreur, ni le notaire n’ont intérêt à accepter cette solution.

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6 Commentaires

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  1. C
    CHRISTIAN 1 février 2024 - 10h59

    bonjour,

    je ne comprends pas , alors pourquoi pour une maison familiale ca se passe différemment, car un héritier qui rachète les parts des autres héritiers pour acquérir la maison les diagnostics et l’audit ne sont pas obligatoires, pour l’acquéreur c’est tout de même important d’avoir diags et audit (si F ou G)..
    j’aimerai bien savoir s’il y a une possibilité d’obliger les héritiers à faire les diagnostics et l’audit énergétique … si vous avez une loi je suis preneur… merci pour votre reponse

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 5 février 2024 - 8h26

      Bonjour,
      Les diagnostics visent d’abord à protéger l’acquéreur du logement vis-à-vis des vices cachés. La réglementation considère que dans le cas d’une soulte (rachat des parts), on est dans un contexte familial et que l’acheteur connaît déjà la maison. De plus, ce n’est pas le logement qu’il achète, puisque c’est un rachat de parts.
      Certains notaires conseillent quand même d’établir des diagnostics, qui sont alors facultatifs, mais aucune loi ne les rend obligatoires dans ce contexte.

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  2. I
    Icham 17 février 2024 - 18h07

    bonjour, dans la continuité du commentaire du 1er février 2024, la vente de la maison de campagne familiale (ou la maison de famille) des parents au profit de l’enfant qui a grandi et qui connait les moindres recoins de cette maison pour y être allé tous les ans nécessite t’elle de produire des diagnostics immobiliers coûteux ? on comprend la nécessité d’une telle mesure pour la vente entre tiers, mais dans la famille ? est-ce vraiment utile ? les 500€ de diagnostics pourraient utilement servir à autre chose. merci de votre retour,

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 17 février 2024 - 19h42

      Bonjour,
      On ne peut pas prévoir tous les cas particuliers. Les diagnostics ne sont pas obligatoires dans le cadre d’un héritage, notamment pour la raison que vous citez. En revanche, dans la très grande majorité des cas, l’acquéreur d’une maison ne la connaît pas déjà. Cela dit, les diagnostics immobiliers ne sont obligatoires que depuis quelques années. Quelqu’un peut avoir passé son enfance dans une maison sans pour autant savoir qu’il y a un risque d’exposition au plomb, des matériaux contenant l’amiante, etc. La réalisation d’un DPE et d’un audit énergétique peut aussi permettre à l’acquéreur d’améliorer la performance énergétique pour faire des économies d’énergie, contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique et/ou donner une valeur verte à son patrimoine. Ce n’est donc pas forcément inutile pour autant.

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  3. J
    JULIEN 24 mars 2024 - 10h02

    Bonjour,
    Dans la continuité de ces échanges, j’ai un locataire qui vit depuis 15 ans dans le bien et qui souhaite racheter cette maison. Le dpe est en F, le vendeur doit donc faire réaliser un audit… visiblement, là aussi le notaire aurait précisé qu’un document pouvait être signé entre les deux parties pour ne pas réaliser cet audit et gagner du temps sur la vente du bien. Est-ce légal? Dans ce cas aussi, le locataire connaît le bien…
    Merci pour votre retour.

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 24 mars 2024 - 11h07

      Bonjour,
      Concernant la légalité de ce document, vous disposez des réponses dans l’article. En résumé, la réglementation contient des brèches dans lesquelles il est possible de s’engouffrer, mais il y a un gros risque de litige ultérieur.
      Même si le locataire connaît le bien, il ne sait pas pour autant quels travaux réaliser pour passer d’une étiquette F à une meilleure étiquette DPE. C’est à cela que sert l’audit énergétique, qui sera aussi nécessaire pour bénéficier d’aides financières à la rénovation énergétique dont MaPrimeRénov’. En effet, l’audit réalisé dans le cadre de la vente / achat est accepté par l’Anah (Agence nationale de l’habitat) pour MaPrimeRénov’. D’ailleurs, dès le 1er avril 2024, tous les audits énergétiques seront réalisés avec la méthode de l’audit avant vente.
      Si votre locataire, devenu acquéreur, souhaite améliorer le DPE de son bien, par exemple pour le mettre en location (les logements classés F ne pourront bientôt plus être loués), il aura besoin de cet audit. Dans ce cas, c’est contre vous et le notaire qu’il peut se retourner, puisque la fourniture d’un audit énergétique fait partie des obligations du vendeur ou de son mandataire.
      Si l’objectif est juste de gagner du temps sur la vente, le risque paraît disproportionné.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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