L’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) publie Rénovation énergétique : enjeux, intérêt à agir et adhésion des particuliers, et prise en compte dans les politiques de l’habitat. Au sujet du DPE, l’ANIL écrit notamment : « il conviendrait qu’une méthodologie unique soit validée par un comité scientifique dont l’État serait le garant ».
Accélération de la transition énergétique
En décembre 2023, l’ANIL publiait le premier volet d’une enquête sur l’adhésion des particuliers à la rénovation énergétique. Elle fait partie de cette étude, parue le 30 mai 2024. L’association s’est aussi appuyée sur une revue de littérature et sur des entretiens auprès d’acteurs impliqués dans la rénovation énergétique et la lutte contre la précarité énergétique. En résulte une synthèse en trois chapitres que nous résumerons ainsi :
- L’état des lieux de la rénovation, son contexte, ses enjeux (pp.5-25) ;
- L’intérêt à rénover et le degré d’adhésion des particuliers (pp.28-56) ;
- La prise en compte de cet enjeu dans les politiques locales de l’habitat (pp.58-93).
En conclusion, l’ANIL formule des recommandations pour réussir l’accélération de la rénovation énergétique des logements, ce pilier de la transition énergétique.
Rénovation énergétique, une politique hybride
La rénovation énergétique relève d’une politique hybride. D’abord, elle doit faire évoluer le bâti (entrée technique), mettre fin à la précarité énergétique (dimension sociale) et éliminer la non-décence énergétique (consistance juridique). Ensuite, sa mise en œuvre repose sur un partenariat entre un service public piloté par l’Anah et des acteurs privés.
Enfin, « sa mesure et son évaluation dépendent d’un instrument unique, le Diagnostic de performance énergétique, fiabilisé par des dispositions réglementaires, mais dont la fiabilité demeure suspendue à des modalités techniques et des modes de réalisation ».
Le DPE, référentiel indispensable à stabiliser
La réforme du DPE (1er juillet 2021) et la loi Climat Résilience amènent un certain nombre de problématiques. L’ANIL prend l’exemple du parc social pour les mettre en évidence :
- reclassification de logements sociaux en passoires thermiques ;
- incertitude pour les bailleurs sociaux qui croyaient connaître leur parc ;
- approche « tout DPE » au détriment d’autres enjeux patrimoniaux.
Il faut donc stabiliser le moteur de calcul pour évaluer le bénéfice des opérations de rénovation énergétique. De plus, si le DPE est « un élément indispensable pour piloter la stratégie de rénovation énergétique », il convient d’affiner sa pertinence.
Modélisation à l’immeuble et fiabilité du DPE
Chaque DPE intègre l’observatoire DPE-Audit de l’ADEME. Malheureusement, cette base de données ne couvre pas tout le parc de logements. Nous devons faire des extrapolations, d’où l’intérêt du Comité scientifique. Il évaluerait la fiabilité des modèles prédictifs.
En effet, faute de couverture exhaustive des DPE 2021, les collectivités font des modélisations. Or les méthodes varient et leur degré d’incertitude aussi. Toutefois, dans l’ensemble, elles inciteraient à utiliser l’indicateur à la maille « immeuble » plutôt que logement. Cette solution permettrait d’accélérer la rénovation du parc collectif (46 % du parc de logements français). En outre, la collectivité a besoin d’une « granulométrie à l’immeuble ».
Outre l’utilisation des modèles prédictifs, l’autre biais concerne les caractéristiques du DPE. D’abord, il ne peut pas tenir compte du comportement des ménages. Ensuite la note DPE peut varier selon le diagnostiqueur. Enfin, il y a le problème de surestimation ou de sous-estimation du niveau de performance énergétique en fonction de la surface. Cependant, l’arrêté du 25 mars 2024 est censé corriger ce problème.
Homogénéisation et amélioration du DPE
Les auteurs proposent d’homogénéiser et d’améliorer le DPE en intégrant une « correction comportementale ». D’une part, les populations exposées à la précarité énergétique appliquent davantage les écogestes. D’autre part et pour cette raison, leurs économies d’énergie après travaux pourraient être inférieures à celles estimées. Bref, nous gagnerions à tenir compte des comportements pour évaluer l’efficacité de la rénovation.
Dans le même temps, l’ANIL écrit aussi : « l’amélioration du DPE ne doit cependant pas déstabiliser un référentiel désormais réglementaire et opposable ». Le DPE détermine l’orientation du marché immobilier, les stratégies patrimoniales, les obligations réglementaires et les aides à la rénovation énergétique.
Enfin, diverses méthodologies prédictives co-existent. « Comme pour l’observation des loyers, il conviendrait que l’observation des DPE pour piloter des politiques nationales et locales, de leur définition à leur évaluation, soit soumise à une méthodologie robuste validée par un Conseil scientifique et garantie par l’État ».
Et l’état des lieux de la rénovation énergétique ?
L’étude comporte aussi de bonnes nouvelles. Ainsi, il y a une nette amélioration de la consommation énergétique et des émissions de GES sur les dix dernières années. Celles-ci s’expliquent par la rénovation des résidences principales, des constructions neuves plus performantes et l’augmentation de la part de chauffage peu carboné. Cependant, l’augmentation des coûts de l’énergie accroit le risque de précarité énergétique.
Les particuliers connaissent mal l’étiquette DPE de leur logement, mais ils trouvent le DPE utile. De plus, ils ont majoritairement des intentions de travaux à court ou moyen terme. Des obstacles connus les freinent : manque d’artisans RGE, crainte des arnaques, coûts trop élevés. D’ailleurs, MaPrimeRénov’ a fait l’objet d’une bonne douzaine de modifications en 4 ans. Particuliers et professionnels réclament, là aussi, de la stabilité et de la simplification.
Recommandations de l’ADIL
Les autres données de l’étude, notamment à propos des politiques locales de l’habitat, sont également intéressantes. Cependant, pour l’heure, résumons les recommandations :
- garantir une norme d’accompagnement pour MAR (Mon Accompagnateur Rénov’) ;
- sécuriser le parcours de rénovation des bailleurs privés, souvent en copropriété ;
- renforcer le rôle des collectivités locales (coordination, programmation, innovation) ;
- organiser les outils pour évaluer localement les politiques de rénovation (DPE) ;
- stabiliser le référentiel d’action dans la durée.
« Cette stabilité est un critère de réussite de l’accélération de la transition énergétique, ne serait-ce que pour en faciliter l’appropriation de l’ensemble des acteurs impliqués, qu’ils soient institutionnels, professionnels ou des particuliers ».
Il va il y avoir du boulot …
Pour la partie comportement je trouve qu’ils n’arrivent pas à la bonne conclusion. Ils partent du principe que le DPE ne devrait pas avoir un résultat aussi défavorable sans réaliser que si les résidents baissent leur consommation c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer la facture et doivent donc sacrifier leur confort. Ce qui indiquerait plus que le DPE a raison d’indiquer que le logement est une passoire thermique.
Ensuite je ne vois pas trop comment ils comptent corriger le DPE en y ajoutant le comportement des résidents.
Si ils choisissent d’intégrer le comportement du résident actuel, le nouvel acquéreur risque de ne pas avoir d’indication sur les performances thermique du logement mais plutôt comment les résidents précédent se comportait. De plus cela compliquerait encore plus la tache du diagnostiqueur qui devra obtenir des donnés supplémentaire, sachant la difficulté à obtenir celles déjà nécessaires actuellement.
Si ils modifient le scénario de comportement dans le DPE pour le réajuster selon la baisse de consommation observer (causer par un manque de moyen du résident), ont auras un risque de sous-estimation du nombre de passoire thermique.
Selon moi le DPE devrai indiquer les performance énergétique intrinsèque d’un logement indépendamment du comportement des gens qui reste lui très aléatoire.
Tous ce qu’il ce passe maintenant c’est qu’ils contribuent à rendre un diagnostique mal compris par la population et les médias (et largement perfectible au passage) encore plus confus.
Des pistes d’amélioration auquel ils ne semblent jamais pensé, serait l’uniformisation des logiciels et des méthodes de mesure. Chaque donnés d’entré devraient être prise en compte et rentré dans le logiciel de la même façon. Cela diminuerait déjà les différences de résultat entre diagnostiqueurs.
L’étude du comportement des gens est intéressante et a toutes son utilité dans la rénovation thermique. Mais le mélange de différent domaines (thermique du bâtiment et sociologie) risquent de rendre ce diagnostique plus compliquer à réaliser sans rien fiabiliser.
Je vous remercie pour ces remarques intéressantes et très bien argumentées. Nous pensons que vous avez raison. Mais en fait, le DPE sert désormais aussi à évaluer la réussite de la rénovation énergétique (baisse des consommations énergétiques et réductions des émissions de gaz à effet de serre). Ce n’est plus seulement un moyen, pour l’acquéreur et le locataire, d’être informé sur le niveau de performance énergétique et de comparer les étiquettes. Or, ces comportements-là sont aussi dictés par le porte-monnaie.
Une personne qui a des revenus confortables est susceptible de consommer beaucoup d’énergie quelle que soit la performance énergétique du logement. Au contraire, quelqu’un qui a des difficultés à finir le mois va toujours choisir de mettre un pull plutôt que d’augmenter le chauffage. En ce sens, il est difficile d’évaluer les conséquences, pour l’environnement, d’une rénovation énergétique sans connaître le comportement des occupants.
Il y a une étude en cours, voire achevée et en phase d’analyse avant publication, à ce sujet. Il me semble qu’elle se base notamment sur les données des compteurs connectés. Il y a peut-être aussi des participations volontaires sur la base des factures, à vérifier. En tout cas, elle comparera la consommation d’énergie réelle sur un an de ménages représentatifs de la population française avec le rapport du DPE. Ses résultats fourniront peut-être des pistes.
Cela dit, dans tous les cas, il restera effectivement une incertitude quant au comportement des futurs occupants, après vente ou mise en location du logement. De plus, la méthode 3CL devait rester. D’ailleurs l’Union européenne l’impose dans la DPEB. Mais il n’est pas impossible qu’à terme, une information relative au comportement complète ce DPE. Il reste à savoir comment et avec quelle prudence aborder cette information…
Je suis d’accord sur le fait que le comportement (budget du ménage compris) à un impacte important sur la consommation et que le prendre en compte seras indispensable pour avoir une politique de rénovation thermique efficace.
La comparaison entre le DPE et la consommation réelle est utile, à condition de se rappeler que le DPE se base sur un scenario standardisé.
Le problème actuel est que certains médias n’hésitent pas à zapper cet info et présentent le DPE comme faux et de faire limite croire à un scandale (on peut se rappeler de Nicolas Doze et Erwan Tison présentant une étude qui était au final mal conçue car prenant des infos de d’avant 2021). Le risque étant que sous cette « pression » médiatique le législateur se précipite et modifie le DPE à la va-vite causant plus de problèmes qu’ils n’y en avaient. On en a eu un aperçu avec Bruno Lemaire qui parlait de simplification du DPE alors qui n’y avait rien à simplifier, mais des corrections à apporter.
Et j’avoue que je n’ai pas spécifiquement confiance dans le législateur. Si celui-ci avait fait son travail correctement en 2021, ce débat sur le DPE n’aurait peut-être pas lieu. Surtout que des problèmes étaient déjà signalés peu de temps avant ça sortie (je me rappel d’une table ronde au RVDI 2021 ou Thierry Marchand c’est fait huer par une salle complète de diagnostiqueur parce qu’il ne prenait pas en compte les remarques faites par les professionnels présent).
La vérité est que dans un pays de magouilleurs et de corrompus, un outil aussi criticable qu’il soit, s’il entrave les mauvaises pratiques de ces gens là, c’est bien entendu évidemment de la faute de l’outil qui révèle une réalité cachée.
Et puis, il y a l’urgence climatique, remise en question systématiquement par les détracteurs de cette politique, on le voit en ce moment pour les élections européennes, sachant que cela fonctionne à cause de nos politiciens agissant sans conviction et en essayant tant bien que mal d’utiliser leurs mesures pour faire fonctionner une économie inefficace.
Jean-marc Jancovici a très bien visualisé le problème puisqu’il a prévu que les politiciens qui s’attaquerons aux réformes nécessaires seront rejetés alors que c’est eux qui ont le courage et l’honnêteté de sattaquer aux causes ( fin de mois contre fin du monde plus lointaine).
Il faudrait remettre le débat de fond en cause pour que tout le monde se convainc d’une nécessité afin de ne plus la remettre en question, difficile quand la France a baissé ses émissions de GES de 5% alors que le reste du monde l’a augmenté de 2% sur la même période !
Je vous invite à lire le dernier numéro de sciences et avenir ayant fait un dossier sur le sujet avec simulation de notre climat en 2100, EFFRAYANT !
Je plains les générations futures, vos enfants (je n’en ai pas), car leur vie sera impossible, en tout cas, pas avec nos habitudes de vie actuelles.
Et puis, ils ne parlent jamais de l’adaptation à ce changement climatique, alors que là, le DPE fournit une sensibilisation à ce problème majeur sans réellement proposer de solutions, en tous cas, s’en est pas la priorité…
Depuis nos dernières canicules, je suis plus à penser installer des stores extérieurs aux fenêtres qu’à changer mon système de chauffage.
L’écologie est un sujet complexe et sérieux malheureusement piloté par des incompétents non convaincus et pervers, donc dangereux pour nous tous et surtout insuffisamment efficace.