Récemment, le Haut Conseil pour le climat demandait au Gouvernement un « cap clair » et « stable » pour atteindre la neutralité carbone. Dans le parc de logements, le DPE en est le principal levier. La déclaration de politique générale du Premier ministre est de mauvais augure pour la rénovation énergétique. Elle pourrait également être problématique pour toute la filière et surtout pour les diagnostiqueurs.
adapter le calendrier de la rénovation ?
Nous étions bercés par de belles expressions volontaristes et parfois éculées — faire plus contre le changement climatique, préserver la biodiversité, encourager l’économie circulaire — quand soudain notre Premier ministre annonce : « le DPE sera simplifié, son calendrier adapté ». Voilà une nouvelle qui nous réveille ! Mais que signifie-t-elle ?
Commençons par le calendrier. Tout le monde pense d’emblée à l’interdiction de mise en location des passoires thermiques classées G. En effet, d’une part, le Rassemblement national s’apprête à défendre une loi qui supprime les interdictions de location liées au DPE. D’autre part, de nombreuses organisations réclament un report depuis 3 ans : la FNAIM, l’UNPI, l’UNIS…
Dans la foulée, certains médias s’emballent. Le Figaro titre ainsi : « Barnier promet un report de l’interdiction de louer les passoires thermiques ». Ah bon ? À dire vrai, cela relève de la surinterprétation, car le calendrier du DPE est chargé dès janvier 2025 :
- location des biens classés G conditionnée à une rénovation énergétique ;
- audit énergétique avant-vente pour les logements classés DPE E ;
- DPE collectif obligatoire pour les copropriétés de 50 à 200 lots…
Comme nos gouvernants confondent souvent allègrement le DPE et l’audit, des zones d’ombre subsistent. Elles s’éclairciront progressivement au cours des prochains jours, entre questions au Gouvernement, interventions dans les médias et tout le tintouin habituel. Mais seul le texte réglementaire modificatif fera foi.
Simplification du DPE, c’est-à-dire ?
Quoi qu’il en soit, l’évolution du calendrier pouvait être anticipée. Le « DPE simplifié » nous intrigue davantage. Certes, le DPE n’a cessé d’être modifié depuis sa création. Mais la dernière « simplification » du DPE, pour ne plus pénaliser les petites surfaces, est entrée en vigueur le 1er juillet 2024. Elle est très récente, à l’instar du dispositif de formation / certification pour fiabiliser la réalisation du DPE. Va-t-on modifier la méthode de calcul ?
L’une de nos archives nous revient inévitablement en mémoire : réformer la méthode de calcul DPE d’ici 2025. La commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique proposait notamment :
- une correction pour les petites surfaces : c’est fait (enfin, il paraît) ;
- une meilleure prise en compte du bâti ancien : les ministères y travaillent ;
- l’intégration du confort d’été à la note du DPE : un prochain chantier ?
Le CNH avait aussi appelé à un meilleur traitement du confort d’été et à une correction pour les petites surfaces, entre autres. Il proposait également de modifier le modèle de rapport du DPE. C’est une autre possibilité. De toute façon, les propositions pour fiabiliser le DPE sont légion. Cependant, aucune de celles mises en œuvre ne l’a vraiment « simplifié ». Et au fait, comment élaborer une norme DPE dans un tel chantier ?
subir les girouettes du dpe
Tout est possible quand les décisions sont prises par des girouettes. En prime, elles nous surprennent toujours, par exemple en créant une surface de référence quand on s’attend à une modification des seuils des étiquettes. En revanche, ces changements perpétuels ont des conséquences négatives évidentes pour tous les acteurs.
Les organismes de formation ne peuvent rien anticiper, ce qui les empêche d’accompagner les (futurs) diagnostiqueurs vers la (re)certification. Les éditeurs de logiciel procèdent à des mises à jour surprises qui peuvent créer des bugs. Mais ce sont les diagnostiqueurs qui en pâtissent le plus, moralement et financièrement. On les accuse d’être responsables du manque de fiabilité d’un dispositif instable. Et puis, il y a le particulier qui a besoin d’une info claire et ne reçoit que des messages brouillés.
Enfin, tout chef d’entreprise a besoin de planifier, qu’il soit solo ou non. Or prévenir les difficultés ou se développer devient toujours plus difficile. Par exemple, certains ont espéré que le coût du nouveau dispositif de certification serait amorti par l’augmentation de la demande en DPE ou audits. La modification du « calendrier », le maintien de MaPrimeRénov’ sans DPE préalable, ou encore un report de l’audit pour les classe E, remet alors tout en question. Où comment dézinguer toute une profession ?
Écologie versus logement
Pardon, il y a probablement une part d’exagération. Aussi irritantes que soient certaines de ces annonces, personne ne peut prédire sur quoi elles déboucheront. Cependant, au-delà du DPE, le Premier ministre donne l’impression de vouloir résoudre la crise du logement en rognant sur l’écologie. Avant sa déclaration, il y avait déjà des signaux inquiétants.
Les projets de plafonds de dépenses pour le PLF 2025 incluent des coupes dans le fonds vert (-65 %) et un « soutien au monogestes » pour MaPrimeRénov. Selon un document consulté par Contexte, Matignon prévoirait de réduire de 35 % le budget de l’ADEME. Bref, cette feuille de route semble aller à l’encontre de plusieurs dispositions de la loi Climat et Résilience. Il ne nous reste plus qu’à attendre des actes, en espérant avoir enfin un cap clair et stable.
J’avoue que leur projet de simplification du DPE me fait plutôt peur. Déjà parce que je ne vois pas trop ce qu’il y a à simplifier, corrigé oui mais simplifier non.
Parce qu’il y a certaines aberration dans la méthode 3CL. Deux que j’ai pû observer moi même.
-Les parois enterrée ont un b=1, ce qui équivaut à un mur sur l’extérieur. Et ce quelque soit l’épaisseur de terre qui se trouve derrière.
-Lorsqu’on isole un plancher bas sa augmente la consommation (visiblement sa aggrave un pont thermique, sans que l’on comprenne pourquoi). Comment expliquer au client qu’il doit isoler sa cave, mais que sa va aggravé sa note ?
On peut rajouter que les logiciels ne sont pas tous pareil au niveau des données d’entrée. Je l’ai observé directement en faisant une expertise judiciaire (moi j’utilisais liciel et lui analysimo), impossible de rentrer exactement la même chose et d’avoir le même résultat. C’est un point où l’ADEME qui doit les vérifier ne fait pas son travail correctement.
Il y’a aussi des données d’entrée parfaitement inutile comme l’IFC pour les DPE bat. Ça n’a aucun impact sur les calculs et aucun intérêt, mais il faut le rentrer.
Je trouve que ces annonces et changement fait unilatéralement, sont un véritable mépris de la profession de la part du gouvernement. Il faudra un jour qu’ils se rendent compte que les problèmes du DPE devront être résolu par des diagnostiqueurs et des thermiciens. Pas par des politiques.
Merci, Maxime, pour ce témoignage.
Concernant les logiciels, nous en avons déjà parlé dans nos précédents articles, c’est effectivement problématique.
Au salon Batimat, la ministre du Logement, Valérie Létard, s’est montrée rassurante sur le sujet du DPE simplifié, sans pour autant donner des précisions. Elle a dit que le Gouvernement n’allait pas « tout révolutionner ou tout abandonner ».
Certains de nos confrères, dans la presse spécialisée, ont évoqué une proposition de Lionel Causse, qui consisterait à garder la meilleure classe énergie/carbone des deux évaluations pour l’étiquette du DPE. Mais d’une part, cette mesure devait permettre de conserver le « calendrier » prévu en limitant la « casse », or il va être « adapté ». D’autre part, Lionel Causse semblait surpris après les annonces de M. Michel Barnier, ce qui fragilise cette hypothèse.
Quoiqu’il en soit, nous saturons aussi, pour vous, face à ces décisions prises sans tenir compte du terrain et des conséquences pour les principaux concernés, d’autant que c’est vraiment récurrent.
Merci pour votre réponse. Je trouve appréciable cette possibilité d’échange.
Merci Maxime je me sens moins seul.
Bonjour
espérons que Mr Barnier ne confonde pas DPE avec Désintéressement des Priorités Environnementales ….
J’ai tout de même l’impression que nous nous battons tous pour maintenir un système qui ne satisfait personne.