Avec le nouveau dispositif de certification, le diagnostiqueur qui réalise des DPE devient le professionnel le plus contrôlé de France. Cependant, ces contrôles portent avant tout sur ses compétences techniques. Or, le fond du problème est éthique. De plus, dans tous les cas, chacun doit assumer sa part, du propriétaire au notaire en passant par l’agence immobilière.
Cycle de certification 2024 et fiabilisation du DPE
Dès juillet 2024, pour réaliser des DPE, le diagnostiqueur certifié sans mention devra passer, sur les 7 années de cycle de certification initiale :
- 1 tutorat (1re année) ;
- 3 contrôles sur ouvrage / CSO (1re, 3e, 5e année) ;
- 28 heures de formation continue (7 heures par an, les 2e, 3e, 5e année) ;
- 3 contrôles documentaires (2e, 4e, 6e année).
Au préalable, il aura suivi une formation initiale de 56 heures et passé des examens. Au bout de 7 ans, pour continuer à travailler, rebelote : 3 CSO, 28 heures de formation continue, etc. S’il veut réaliser des audits énergétiques, il devra prévoir 3 CSO, 35 heures de formation continue et 3 contrôles documentaires supplémentaires, après une formation initiale de 70 heures.
Faut-il rappeler que le diagnostiqueur paiera ces formations et contrôles de sa poche outre la perte du chiffre d’affaires que tout ceci engendre ? De plus, comme il ne réalise pas que des DPE et des audits, s’y ajoutent les frais de formation et de certification dans les 5 autres domaines (amiante, plomb, gaz, électricité, termites).
Éthique du diagnostiqueur et DPE
Décidément, n’importe qui ne peut pas devenir diagnostiqueur. Année après année, l’accès au métier se durcit, dans un contexte concurrentiel tendu. Mais est-ce pour autant la fin des DPE de complaisance ou des étiquettes DPE à géométrie variable selon l’opérateur ? En fait, tout ce dispositif vise à améliorer les compétences techniques du professionnel, sauf que ce n’est pas ce qui gangrène la filière. La fiabilité du DPE dépend également, entre autres :
- des documents transmis par le propriétaire pour les données d’entrée ;
- du temps consacré au DPE, avec un prix à la hauteur de l’effort fourni ;
- du respect de l’obligation d’indépendance et d’impartialité;
- de la compréhension des évolutions réglementaires relatives au DPE.
Nous sommes convaincus qu’il y a peu de fraudeurs parmi les diagnostiqueurs. Oui, hélas, il existe des usurpateurs de certification. Il y a aussi des techniciens mal formés. Toutefois, en général, le fraudeur sait réaliser un DPE conforme à la réglementation. C’est l’éthique qui lui fait défaut, non la technique. Par ailleurs, tous les ODI réalisent des diagnostics dans un contexte qui favorise les dérapages et les erreurs.
Fraudes et responsabilité des parties prenantes
Certains gros réseaux d’agences immobilières proposent des partenariats douteux. Le technicien, débutant surtout, est susceptible de les accepter parce qu’il veut des contrats à tout prix. Trop souvent, on demande au diagnostiqueur d’intervenir en urgence, alors qu’il a de plus en plus de travail administratif à gérer en amont. Là aussi, ça va aller en augmentant avec l’ajout de l’identifiant fiscal et du formulaire de consentement.
En réalité, le professionnel de l’immobilier ne veut parfois que le bout de papier obligatoire pour vendre ou louer. Côté particulier, rares sont ceux qui préparent et comprennent leur DPE. Quand le client et le prescripteur privilégient le prix et la rapidité au détriment de la qualité, cette dernière se dégrade inévitablement. Par ailleurs, pour obtenir un DPE de complaisance, il faut chercher l’escroc prêt à frauder.
Enfin, au niveau réglementaire, intégrer de nouvelles obligations sans fournir d’explications n’arrange rien. Par exemple, la surface de référence, sujette à interprétations, entre en vigueur avant la publication du nouveau guide DPE. On ajoute des éléments au rapport d’audit énergétique — croquis, intégration du bien dans son environnement… — sans mettre à jour le guide sur l’audit, etc. Bref, tout se fait trop vite et de manière chaotique.
Répression des fraudes et diagnostics
Le margoulin finira par fermer sa société de diagnostics. Entre le coût des formations, ses tarifs ridiculement bas et sa responsabilité en cas de diag erroné, il n’a aucune chance de perdurer. Néanmoins, avant de disparaître, il aura fait parler de lui dans le Parisien, Que Choisir ou 60 millions de consommateurs. Il contribuera alors au déficit de confiance des ménages vis-à-vis des diagnostiqueurs et à la méfiance des assureurs.
Comment l’arrêter avant qu’arrivent le litige et la faillite ? Autrement dit, de quels moyens dispose-t-on pour l’empêcher d’être diagnostiqueur ? Les contrôles applicables à l’audit depuis le 1er juillet 2024 prévoient, en l’absence de certification, un retrait de la certification avec info transmise à la DGCCRF. La même mesure s’applique au DPE (arrêté du 20 juillet 2023, annexe I, 2.5.5). Encore heureux ! Oui, mais…
D’une part, la majorité des diagnostiqueurs contrôlés par la répression des fraudes se voient reprocher des écarts moins graves. On les titille, par exemple, pour des prix non affichés en vitrine. D’autre part, la décision de la Cour d’appel de Nîmes, le 6 juin 2024 (RG n°23/03701), montre que « la seule sanction prévue au défaut d’habilitation d’un diagnostiqueur immobilier est une sanction pénale contraventionnelle », c’est-à-dire une vulgaire amende.
Imposer une éthique déontologique
Il faut évidemment trouver des solutions pour garantir une déontologie. Cela peut passer par un renforcement des sanctions quand le diagnostiqueur ne respecte pas les trois exigences fondamentales : compétences, organisation et moyens, indépendance et impartialité, assurance RC Pro. Certains défendent l’instauration d’un prix plancher, mais le fraudeur en bénéficierait. Il continuerait à faire des DPE bidon tout en étant mieux payé.
Dans tous les cas, la vigilance doit être collective, ce qui signifie que chacun doit contribuer à la qualité des DPE et, de manière générale, des diagnostics. Il faut permettre au professionnel de travailler dans de bonnes conditions, lui fournir les données techniques du bâtiment et les informations requises, et comprendre l’importance du dossier de diagnostic technique au-delà de la signature du contrat de vente ou du bail.
Sinon, la seule issue nous semble être d’instaurer enfin des diagnostics périodiques, notamment pour supprimer le conflit d’intérêts. En tout cas, tant que les diagnostics techniques seront perçus comme une contrainte voire une sanction, et le diagnostiqueur sérieux comme un empêcheur de tourner en rond, les mauvaises pratiques perdureront. Les 198 heures de formation sur 7 ans, nécessaires pour réaliser des DPE et des audits à compter de juillet 2024, ne résoudront pas ces anomalies-là.
Pourtant les solutions sont assez simples,
Il suffit de réaliser les diagnostics par l’acquéreur et non pas par le propriétaire. L’acquéreur souhaite une information fiable alors que le vendeur dans la plupart des cas souhaite un papier signé qui lui permette de vendre et de le protéger contre les recours et ce au moindre coût.
Il faut aussi faire du ménage dans les organismes de formation et de certification, par exemple interdiction de certifier les personnes issues de l’organisme de formation filiale.(il faut donc définir des critères d’indépendance de l’organisme de formation).
De même pour les organismes de certification il faut leur donner un pouvoir de sanction, avec interdiction pour l’ODI de se certifier dans un autre organisme sous un certain délai dans le cas d’une radiation pour faute et ainsi repartir en certification initiale avec les contrôles et les obligations de tutorat en conséquence. En effet, comment radier un diagnostiqueur sans que cela impacte le CA de l’organisme de formation?
Allègement des obligations de formation et de CSO et de contrôles documentaires pour les
bons élèves. Si lors des contrôles obligatoires il n’a pas été relevé d’écart significatif, ni de plaintes justifiées auprès de l’assurance, l’ODI bénéficie d’un allongement de sa période de contrôle. Ce qui entraine des économies pour la société de diagnostic mais aussi de valoriser les opérateurs consciencieux.
L’entreprise de diagnostic qui ne respecte pas ses obligations de moyens (machine plomb avec une source périmée ou réalisation de CREP sans machine, de réalisation de diagnostics sans certification ou en usurpant les certifications d’un tiers doivent être lourdement sanctionnées. Je pense notamment à un bureau de contrôle qui a réalisé à très bas coût des DPE sans se déplacer avec la certification d’un technicien en congé. Il s’agit de concurrence déloyale, de fraude, d’escroquerie. ces sociétés devraient être bannis des appels d’offre publiques et condamnées à de lourdes amendes.
Notre métier devient extrêmement contraignant. Il a une mauvaise image à cause de quelques uns qui sont loin d’être la majorité.
Il faut avoir des compétences Techniques, administratives et Commerciales, ne pas compter ses heures être au service des donneurs d’ordre en travaillant dans l’urgence, sans compter qu’il faut aussi suivre la réglementation qui change régulièrement de façon empirique. Un nouveau DPE au 1er Juillet 2021 avec des textes de loi qui sortent la veille et les outils non finalisés. Des contraintes administratives toujours plus lourdes.
Que font nos syndicats professionnels pour soutenir notre filière?
Depuis plusieurs année dans le domaine, je travaille avec des confrères qui sont tous dans le même objectif, faire au mieux pour protéger leurs clients, leurs donneurs d’ordre et apporter une information la plus juste aux acquéreurs qui seront sans doute un jour aussi nos clients.
Je ne vais certainement pas faire l’unanimité, mais si je peux être entendu se sera toujours ça de pris.
Je suis entièrement d’accord avec vous
Je rajouterais qu’il faut des prix plancher pour pérenniser notre profession étant donné le coût du cycle de certification et le temps de travail que cela implique.
De plus, sanctionner les personnes qui travaillent sans certification et qui nous prennent le travail en mettant en place au plus tôt un contrôle d’identité systématique ce qui protégerait les clients de ce type de fraudeurs.
J’allais oublier : Et aussi que les Notaires se préoccupent et exigent que les factures soient acquittées pour les ventes.
Et aussi que les agences arrêtent de couler certains diagnostiqueurs, mais peut être je rêve d un monde parfait…
Ca ira mieux quand les DPE reflèteront mieux la réalité et préconiseront des améliorations réalistes. ( pas installer par exemple un chauffe eau thermodynamique dans un réduit de moins d’un m²!)
Préconisations qui sont du ressort du diagnostiqueur uniquement et seulement lui! A lui donc de proposer des mesures intelligentes.
Pour les solutions, ce n’est pourtant pas compliqué de piéger des agents immo en les questionnant par téléphone, ils sont tellement idiots, il faudrait juste que le gouvernement donne enfin des moyens à la dgccrf pour les pratiquer…
ça va peut être enfin changer ………….
Très bonne synthèse de Patrick. Avec une question brûlante…Que font nos syndicats professionnels pour soutenir notre filière? Réponse : rien.
Ils s’occupent de protéger leurs propres intérêts. J’ai eu connaissance d’un dirigeant qui a une entreprise de certification, un organisme de formation, et quelques connaissances politiques. Son business tourne autour des diagnostiqueurs donc ça n’ira jamais dans notre sens. Est-ce qu’il y a un autre métier où on peut perdre son droit à travailler, au bon gré d’un contrôle d’un confrère/concurrent??? C’est dingue, surtout pour tous ceux qui, comme moi, font leur taff avec célérité. Je veux bien être contrôlé mais je n’ai pas envie de payer.
Si seulement on ne dépendait pas des agents immobiliers qui sont incompétents et font tout pour baisser les prix et tout faire en urgence. je valide le premier commentaire, il faudrait faire payer l’acquéreur. Depuis le temps que la profession se dégrade, on arrive au bout…
Et si on revenait à l’idée d’un ordre des diagnostiqueurs, à l’image des architectes, géomètres experts, notaires, et j’en passe, en lieu et place de nos syndicats incompétents