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Le 23 avril 2025, nous nous interrogions sur la possible suspension de MaPrimeRénov’, annoncée par Paris Match. Le 3 juin 2025, le Parisien sème à nouveau le trouble : MaPrimeRénov’ serait suspendue à compter du 1er juillet et au moins jusqu’à la fin de l’année, pour des raisons budgétaires. Cette alerte a fait réagir de nombreux acteurs de la rénovation et des parlementaires. Le ministre de l’Économie et la ministre du Logement ont clarifié la situation hier, mais il reste des questions en suspens.
Chapitre 1 : alertes des médias
Primo, selon Paris Match, le gouvernement envisagerait de suspendre MaPrimeRénov’ à cause des fraudes détectées par Tracfin. Les ministères de l’Économie et du Logement démentent, tout en confirmant qu’ils travaillent sur un renforcement des contrôles. Ils prévoient alors de s’appuyer sur la future loi contre toutes les fraudes aux aides publiques.
Secundo, Le Parisien annonce une suspension de MaPrimeRénov’, faute de crédits (épuisés). Pire, le gel de la prime débuterait dès le 1er juillet 2025, soit quasiment demain, et s’étendrait sur tout le second semestre 2025, au minimum. Pourtant, les rénovations d’ampleur augmentent enfin, après des années de crédits non consommés.
Cette fois-ci, le gouvernement ne dément pas vraiment, il ne confirme pas non plus. C’est une piste évoquée parmi d’autres. Les acteurs de la filière s’affolent et communiquent massivement. En outre, certains observateurs craignent que la récente décision de renforcer les CEE pour les rénovations d’ampleur témoigne d’une volonté de se passer de MPR.
Chapitre 2 : les réactions de la filière
Pour l’ANIL, la suspension de MPR serait un mauvais coup porté à la filière et un signal très négatif envoyé aux ménages. La CAPEB alerte sur un nouveau coup dur pour les entreprises artisanales du bâtiment et de la transition énergétique. Pour la FFB, la situation serait inacceptable : ménages abandonnés, entreprises et emplois menacés.
Le collectif Rénovons, qui rassemble 22 acteurs, demande au Gouvernement de garantir le financement de l’intégralité des dossiers de rénovation énergétique MaPrimeRénov’ sur l’année 2025. Etc. Enfin, les organisations qui fédèrent des MAR réagissent différemment.
Rénomar déplore aussi un signal d’instabilité incompréhensible. En revanche, la Communauté des MAR se distingue en appelant à la sérénité plutôt qu’aux discours alarmistes. « Les échanges avec nos partenaires institutionnels confirment que le dispositif est voué à perdurer, même s’il doit évoluer pour s’adapter aux enjeux budgétaires. »
Chapitre 3 : explications d’Éric Lombard
L’après-midi du 4 juin 2025, le ministre de l’Économie est auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat. Il dément l’information du Parisien et confirme celle de Paris Match. En effet, il dit d’abord : « Sur MaPrimeRénov’, il n’y a pas de sujet budgétaire. On a prévu au budget 3,6 milliards et on en a dépensé probablement 1,3 milliard. »
Pourtant, comme nous l’avions déjà écrit il y a un peu moins de deux mois, des collectivités territoriales ont déclaré avoir quasiment épuisé leur enveloppe budgétaire. Cependant, il y a vraisemblablement des disparités en fonction des territoires. Revenons à M. Lombard.
Ensuite, il parle de l’avalanche de demandes et de l’encombrement des services, aggravé par l’adoption tardive du PLF 2025 et par les fraudes. « Il y a 16 000 dossiers suspicieux. Il y a 12 % du stock […] Une certaine stabilité, ça permet aussi aux fraudeurs de s’organiser. » Enfin, il annonce que le gouvernement a l’intention de rétablir MPR « avant la fin de l’année ».
Chapitre 4 : clarifications de Valérie Létard
La réponse la plus claire arrive avec la communication de la ministre du Logement le 4 juin 2025 au soir. Oui, il y aura une fermeture des dépôts des dossiers cet été, mais pour la rénovation globale individuelle, les travaux d’isolation et le changement de système de chauffage. Non, cela ne durera pas toute l’année, mais jusqu’à « fin septembre 2025 ».
Pourquoi y a-t-il une exception pour les dossiers de rénovation des copropriété ? Outre leur part probablement faible parmi les dossiers, Mme Létard a annoncé sa volonté d’accélérer la rénovation des copropriétés. Plusieurs décrets et arrêtés, notamment ceux issus de la loi Habitat dégradé, sont attendus en juin, juillet et août 2025.
Effectivement, l’objectif est d’améliorer la gestion des dossiers (après les critiques des délais de traitement adressées à l’Anah) et de créer de nouveaux outils pour lutter contre les fraudes. Par ailleurs, Mme Létard rassure les entreprises et les ménages en annonçant :
- L’instruction et le paiement des dossiers déposés avant la fermeture.
- Son intention de pérenniser un meilleur dispositif MaPrimeRénov’.
- Un travail collectif réunissant les pros, les collectivités et les parlementaires, donc une volonté d’avancer ensemble.
chapitre à écrire : réponses et avenir de mpr
Il reste encore à connaître les dates exactes de début et de fin du gel MPR. En effet, les ministres n’ont pas confirmé la suspension à compter du 1er juillet 2025. Or cette information est nécessaire pour informer les ménages et pour permettre aux entreprises de s’organiser.
De plus, lors de son audition du 21 mai à l’Assemblée nationale, Mme Létard avait évoqué « des mesures de refroidissement ». Elles s’expliquaient par une hausse des coûts des travaux indépendante de l’inflation. La ministre avait mentionné le recentrage sur les logements classés E, F et G et la diminution de certains plafonds de travaux, par exemple.
Un premier texte devrait être prochainement publié au JO pour donner un cadre réglementaire clair aux propos tenus hier. En tout cas, espérons que les travaux estivaux déboucheront enfin sur le dispositif stable et fiable, unanimement réclamé par la filière.
Nous avons investi dans la formation et la certification, et je m’inquiète de l’avenir de l’Audit énergétique si MaprimeRenov venait à être interrompu.
Cette inquiétude est tout à fait légitime. Cela dit, l’audit énergétique restera obligatoire pour la vente d’un nombre grandissant de logements. Il est aussi nécessaire pour l’obtention d’autres aides, notamment l’éco-PTZ à compter du 1er juillet 2025. A priori, la suspension de MaPrimeRénov’ ne serait que temporaire. Sinon, cela remet aussi en cause l’obligation de décence énergétique, car le propriétaire bailleur a besoin d’une aide publique pour améliorer le niveau de performance énergétique de son logement. On ne peut pas le contraindre à faire des travaux sans l’aider financièrement, or MaPrimeRénov’ reste l’aide la plus utilisée dans ce contexte.
Le gouvernement cherche à faire 40 milliards d’économie et, comme souvent, le secteur du logement est la variable d’ajustement pour y parvenir. Les décideurs au plus au niveau n’ont aucune volonté de faire du secteur de la rénovation énergétique le fer de lance de la relance industrielle et économique en France. Objectif qui par la même occasion permettrait aux habitants d’améliorer leur confort et leur pouvoir d’achat. Mais non, les crédits sont réduits au motif que l’an dernier ils n’ont pas tous été consommés. Aucune volonté de monter en puissance, d’atteindre les objectifs de rénovation d’ampleur et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
La filière de la rénovation énergétique est régulièrement bousculée par les changements sur les aides, ces stop & go. Pourtant depuis plusieurs années, les pros réclament d’avantage de soutien et de la stabilité, d’où l’actuelle goutte de mécontentement qui fait déborder le vase de la colère accumulée. Beaucoup d’entreprise du bâtiment mettent la clé sous la porte car elles ne parviennent plus à avancer la trésorerie pour des aides qui sont versées avec des délais non raisonnables.
Les attaques sur l’écologie ces derniers jours sont insupportables (fin des ZFE, retour des néonicotinoïdes, forte limitation des ZAN, reprise de l’A69…). Sarkozy avec son « l’écologie ça commence à bien faire » était tout aussi détestable mais au moins plus direct. Là ce n’est même pas assumé.