Les rénovations énergétiques ne seraient pas rentables sans intervention significative du secteur public, constate France Stratégie. Dans le bâtiment, seul le changement du système de chauffage du fioul et du gaz vers les pompes à chaleur (PAC) offrirait une certaine rentabilité. Entre autres solutions pour faire des économies, l’organisme placé auprès du Premier ministre propose de supprimer un avantage fiscal (la TVA à 5,5 %).
Note d’analyse sur les financements bas carbone
Un an après le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), France Stratégie publie une note d’analyse. L’organisme essaie de répondre à 4 questions en ciblant le bâtiment et le transport routier, car ces secteurs concentrent les investissements verts bruts.
- Quel est le niveau d’investissement nécessaire pour la transition écologique ?
- Quelle est la part rentable pour les ménages, les entreprises et les collectivités ?
- Quel montant mettre pour que ces investissements deviennent rentables ?
- Quelles seront les contraintes financières des ménages, surtout les plus défavorisés ?
En définitive, « sur environ 85 milliards d’euros d’investissements bruts nécessaires en moyenne chaque année entre 2024 et 2030 dans le bâtiment et le transport routier, seul un tiers serait rentable sans intervention publique, si les prix de l’énergie restent à leur niveau de 2024 ». Dans le transport, cette rentabilité irait en s’améliorant, mais pas dans le bâtiment.
Rénovation énergétique : niveau d’investissement
Les prix unitaires d’actifs multipliés par les chroniques d’investissements annuels permettent d’obtenir les niveaux d’investissements requis. La fin du fioul entraînera l’installation de 350 000 PAC air-eau/an d’ici 2030 avec un prix moyen supérieur à 13 500 €. Avec la réduction du gaz, plus de 500 000 PAC/an seront installées, avec un prix moyen supérieur à 13 500 € également.
La rénovation des passoires thermiques (hors chauffage) concernera plus de 440 000 logements par an d’ici 2030. La surface moyenne est de 90 m². Le prix moyen de la rénovation est supérieur à 430 €/m². Pour l’isolation des logements privés, le dispositif MaPrimeRénov’ Sérénité fournit une estimation des DPE avant travaux et après travaux. « L’utilisation de ces données pour l’année 2023 nous a permis de calculer un prix de rénovation moyen pour passer d’un DPE F à C à 310 €/m² et d’un DPE F à B à 510 €/m². »
Enfin, il y a plus de 85 millions de m² de parc tertiaire à rénover par an d’ici 2030. Le prix moyen de cette rénovation s’élève à 245 €/m². Les prix des rénovations et des modes de chauffage ont été ajustés. L’objectif était d’évaluer la rentabilité du projet de rénovation avant toute intervention publique. Pour les rénovations tertiaires, les auteurs ont comparé les gains énergétiques exigés par le décret tertiaire aux gains constatés.
Rentabilité des investissements verts
France Stratégie élabore plusieurs scénarios pour tenir compte du taux d’actualisation des ménages et des trajectoires des prix de l’énergie. Quoiqu’il en soit, « les rénovations énergétiques, et en particulier l’isolation thermique, ne seraient généralement pas rentables avec nos hypothèses, sauf intervention significative du secteur public ».
Seuls les ménages les plus aisés (les deux derniers déciles) pourraient payer une rénovation avec leur épargne mobilisable. Les autres devraient généralement avoir recours à l’endettement. Par conséquent, « la rénovation des bâtiments nécessitera d’être encouragée significativement pour que la France atteigne ses objectifs ». Il faudra des transferts de l’ordre de 17 milliards d’euros par an.
Comment accroître la rentabilité des investissements bas carbone ? Peut-être en supprimant la TVA à taux réduit de 5,5 %. Cet avantage fiscal concerne les prestations de rénovation énergétique. Mais comme n’est pas ciblé, il bénéficie aussi à des ménages qui n’en ont pas réellement besoin. Sa suppression permettrait de dégager une marge d’un milliard d’euros, à réinvestir en subventions pour les ménages défavorisés.
Outre les subventions (MaPrimeRénov’, CEE…), il y a les malus, par exemple la taxe foncière indexée sur l’étiquette énergétique ou l’augmentation des droits de mutation à titre onéreux pour les passoires thermiques. Quant à l’interdiction de louer les logements énergivores, elle réduit à zéro la rentabilité, mais seulement pour les propriétaires non occupants.
France Stratégie, Investissements bas carbone : comment les rendre rentables ? La note d’analyse n°144, octobre 2024.
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