« Les diagnostics des logements doivent s’ouvrir à des sujets plus larges ». C’est l’une des recommandations de l’ADEME dans son avis d’experts sur la rénovation performante des logements (mai 2024). En général, l’Agence recommande d’adopter une vision globale. Elle énumère aussi des actions clés pour développer le marché de la rénovation énergétique.
Atteinte des classes A et B du DPE obligatoire
La rénovation performante, selon le code de la construction modifié par la loi Climat Résilience, désigne l’atteinte des classes A et B du DPE. Actuellement, 6 % des logements affichent une note A ou B. Or pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, il faut 80 à 90 % de logements classés A ou B. Le reste du parc devra se classer en étiquette C à condition d’utiliser une énergie décarbonée. Par ailleurs, la rénovation des logements répond à des enjeux énergétiques, économiques, sociaux et sanitaires. L’avis de l’ADEME, publié le 23 mai 2024, contient donc des recommandations pour l’accélérer avec de bonnes pratiques.
Évolution des diagnostics des logements
La section consacrée aux diagnostics des logements se situe à la toute fin du document. Néanmoins, commençons par là. « Les diagnostics des logements doivent évoluer pour prendre en compte les sujets d’adaptation au changement climatique (ex : diagnostic Retrait Gonflement des Argiles [RGA]). Concernant le confort d’été, un indicateur pourrait être intégré dans le DPE, permettant de caractériser les bouilloires thermiques et de les intégrer dans les critères de décence des logements ».
Le rapport de la Cour des comptes sur la résilience des logements et le rapport sur la réforme du régime CatNat débouchaient sur les mêmes conclusions. « L’adaptation au changement climatique doit dès maintenant être embarquée lors des rénovations ». En général, il serait absurde de rénover sans tenir compte de la pérennité du bâti, de la santé et de la sécurité des habitants. D’ailleurs, l’ADEME cite également la présence d’amiante, le risque électrique et la qualité de l’air intérieur (QAI).
Évolution de la réglementation
Elle préconise de restreindre la qualification de rénovation performante, pour les logements qui n’atteindraient pas les étiquettes A et B du DPE après travaux, « aux seuls bâtiments pour lesquels des contraintes techniques, architecturales, patrimoniales ou des coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien peuvent être démontrés et justifiés ».
En outre, l’Agence veut réviser la Réglementation thermique sur l’existant pour amener les logements vers une réglementation environnementale. Cela permettrait notamment de mieux intégrer le sujet du carbone des matériaux de construction et le confort d’été.
Enfin, « une obligation de rénovation généralisée lors des mutations » fait toujours partie des scénarios envisagés. Dans ce cas, au préalable, il conviendra de documenter ses bénéfices et ses limites, ainsi que sa faisabilité économique, technique et sociale.
Les clés d’une rénovation performante réussie
Reprenons une vue d’ensemble. L’Avis détaille les actions clés qui s’intègrent aux 9 grands principes ci-dessous.
- Isoler en priorité, puis décarboner la production de chaleur.
- Adapter la stratégie de rénovation à chaque typologie de logement.
- Ordonnancer les travaux et limiter le nombre d’étapes.
- Adopter une vision globale de la performance.
- Structurer le marché de la rénovation performante.
- Investir massivement dans ce domaine, à hauteur des besoins.
- Adapter l’offre de financement aux coûts de la rénovation performante.
- Aligner les politiques publiques sur la performance.
- Poursuivre la recherche, le développement et l’innovation.
Isolation des logements et décarbonation
Pour atteindre un niveau de performance énergétique équivalent à l’étiquette A ou B du DPE, l’ADEME recommande de traiter d’abord l’enveloppe du bâtiment. C’est une priorité pour réduire la facture énergétique, donc la précarité énergétique, et augmenter le confort des occupants.
De plus, le traitement de l’enveloppe permet d’installer des équipements thermiques moins puissants et moins couteux. Il faut l’associer à la mise en place d’une ventilation efficace afin de garantir la santé des usagers et celle du bâtiment. En effet, elle évite les dégradations, les pathologies, etc. Ensuite vient la décarbonation des usages thermiques.
Au fait, qu’en est-il de l’impact carbone de la rénovation énergétique ? Après examen des connaissances actuelles, les experts jugent la rénovation rentable, surtout pour l’isolation et les rénovations ambitieuses.
Stratégie selon le type de logement
Les rénovations performantes de maisons individuelles sont efficaces. Dans leur grande majorité, elles permettent d’atteindre les objectifs visés et les ménages en sont satisfaits. Aucun effet rebond n’est constaté. La situation est plus compliquée dans les logements collectifs, à cause de la qualité des travaux, des contraintes de distribution de chaleur, des difficultés liées à la prise de décision collective en copropriété… Enfin, dans le bâti ancien, on ne rénove pas à l’identique un bâtiment :
- construit avec des matériaux nécessitant des précautions particulières ;
- classé ou inscrit au titre des Monuments historiques ;
- localisé dans les périmètres de protection patrimoniale.
Dans ce dernier cas, il faut systématiser le diagnostic patrimonial et inciter à un travail concerté entre les architectes et les bureaux d’études. Cependant, pour les trois catégories de bâti ancien, l’intégration des énergies renouvelables peut compenser la difficulté d’isoler.
Étapes de travaux et postes clés
Primo, il faut prévoir 3 étapes de travaux au maximum sur une durée limitée, de l’ordre de 5 ans. Secundo, le traitement intégral des 6 postes clés et des interfaces est essentiel, avant d’installer un système de ventilation mécanique. Tertio, la réalisation des travaux doit suivre un agencement précis au sein d’une feuille de route. L’ADEME fournit des cas concrêts illustrés, avec le DPE avant et après rénovation pour chaque bâtiment, par étape, et un zoom sur la production photovoltaïque.
Offre trop limitée et confiance à développer
Dans le contexte de la rénovation énergétique, le terme « offre » comprend tous les biens et services nécessaires pour rendre le logement performant. Actuellement, il n’y a pas assez d’entreprises compétentes et formées à la rénovation globale. Quant à l’auto-rénovation, c’est « une pratique à investir avec précaution ». De plus, l’ADEME juge le renforcement du contrôle des travaux, dans le cadre du dispositif RGE notamment, incontournable.
D’une part, les efforts de formation doivent se poursuivre. D’autre part, toute l’offre d’ingénierie (audit énergétique, maîtrise d’œuvre, etc.) est à développer, surtout pour les secteurs de la maison individuelle et des copropriétés. Pour résoudre la difficile équation entre qualité et quantité, les auteurs proposent, entre autres :
- une obligation de recours, financé, à une maîtrise d’œuvre qualifiée et compétente ;
- des contrôles qualité indépendants (test d’étanchéité à l’air, contrôle de la ventilation).
Enfin, pour faire monter en puissance le marché de la rénovation performante, il faut de la confiance. Les propriétaires ne doivent plus douter de la réalité des économies d’énergie et de la qualité des travaux entrepris. Cela pourrait passer par un contrat de rénovation globale, à définir. Il garantirait au ménage ou à la copropriété un prix, un délai et une performance énergétique réelle après travaux.
L’accompagnement des ménages dont MAR
La structuration du réseau France Rénov’ et du dispositif Mon Accompagnateur Rénov’ a eu des effets positifs. Cependant « l’accompagnement doit progressivement évoluer pour couvrir l’ensemble des dimensions d’un projet de rénovation (architectural, énergétique, climatique, santé, matériaux et déchets, adéquation au projet de vie du ménage, etc.). »
Par ailleurs, l’accompagnement des acquéreurs doit être systématiquement proposé lors de l’achat ou de l’extension d’un logement. Ce sont les moments clés pour entreprendre des travaux d’ampleur. En ce sens, les acteurs de la transaction immobilière, notamment les agents immobiliers, les notaires et les syndics, joueront un rôle majeur.
Dans les maisons individuelles, France Rénov’ devrait accompagner et financer la prestation de maîtrise d’œuvre en phase chantier. Le réseau épaulerait ainsi les ménages pendant le suivi des travaux tout en veillant au respect des règles de l’art.
Volumes d’investissement et financement
Les pouvoirs publics et les propriétaires auraient investi 19,8 milliards d’euros dans la rénovation des logements en 2021 (I4CE, 2022). Cet investissement concernait essentiellement la rénovation par geste. Il faudrait le doubler et le réallouer à la rénovation performante pour atteindre, d’ici 2030, de 38,4 à 43,4 milliards d’euros par an (selon le scénario considéré et en euros constants). À cela s’ajoutent :
- les travaux liés (finitions),
- les travaux connexes (mise aux normes électriques, par exemple),
- les besoins d’adaptation au changement climatique,
- l’adaptation au vieillissement de la population…
Rentabilité vs viabilité du projet de rénovation
On insiste souvent sur la rentabilité des rénovations énergétiques. Pour les auteurs, il faut changer d’approche et miser sur la viabilité économique. Le projet de rénovation doit être :
- abordable : grâce aux subventions et prêts, en limitant le reste à charge ;
- profitable : avec un bénéfice tangible pour les ménages (factures d’énergie moins élevées, confort, valeur verte, esthétique…) ;
- solvable : sans grever les revenus des ménages ni les exposer au surendettement.
Malgré l’augmentation des aides à la rénovation en 2024, l’offre de financement ne s’adapte toujours pas à la diversité des situations économiques. Une approche individualisée permettrait de surmonter cette difficulté. De plus, « le préfinancement des subventions est essentiel ». En effet, le versement tardif des aides freine les projets de rénovation.
Recherche, développement, innovation
Enfin, pour structurer le marché de la performance énergétique, l’appui à la recherche, à l’innovation et à l’industrialisation s’impose. Il y a encore beaucoup d’enjeux techniques peu documentés, des innovations à accompagner et une production industrielle des produits à soutenir (bardages, isolants, etc.).
L’ADEME conclut en recommandant d’intégrer la rénovation des logements à une échelle plus large (îlot, quartier) et de créer des synergies avec les politiques, notamment environnementales (ZAN/zéro artificialisation nette, réseau de chaleur…).
Enfin, elle insiste sur la mise à disposition de données accessibles à tous. Entrent dans cette catégorie les DPE réalisés et les initiatives telles que la Base de données nationales du bâtiment (BDNB), l’Observatoire national des bâtiments (ONB), etc. Le croisement des données augmentera nos connaissances sur l’évolution du parc.
Pour connaître les détails de cet avis d’experts :
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