Le rapport fait au nom de la mission d’information Architectes des bâtiments de France (ABF) vient d’être publié. La MI recommande notamment d’accélérer l’adaptation du DPE au bâti patrimonial. Elle souhaite aussi qu’un bilan de la mise en œuvre des « mesures de formation, y compris celles des diagnostiqueurs » soit établi début 2025. Enfin, elle invite à dépasser l’aporie entre la préservation du patrimoine et la rénovation thermique.
Rapport de la MI ABF
À l’issue de la mission d’information ABF, le sénateur Jean-Pierre Verzelen rend son rapport. Le tome 1 contient 24 recommandations réparties en 6 axes.
- Faciliter la prise en compte de la problématique patrimoniale par les élus locaux.
- Améliorer la lisibilité et la prévisibilité des décisions des ABF.
- Mieux informer le public et les élus sur les problématiques patrimoniales.
- Mieux hiérarchiser les missions des ABF pour renforcer leur fonction de conseil.
- Renforcer l’attractivité du métier d’ABF pour préserver ce corps spécialisé.
- Tenir compte de la spécificité du bâti ancien dans les politiques environnementales.
Le tome 2 rassemble les comptes-rendus. Résumons les passages relatifs à la rénovation énergétique et à la transition écologique du bâti patrimonial.
Préserver le patrimoine, accélérer la rénovation
La conciliation entre la protection du bâti patrimonial ancien et les impératifs de la transition écologique préoccupe les élus locaux, les habitants des zones protégées et les professionnels. Elle concentre les frictions.
Cependant, ces deux objectifs sont impérieux. Nous devons préserver le patrimoine bâti. Mais nous devons également poursuivre et accélérer la rénovation thermique du bâti ancien. La MI identifie trois obstacles majeurs :
- esthétique : atteinte à l’harmonie architecturale, uniformisation des façades… ;
- financier : coût des techniques et matériaux préconisés par les ABF ;
- technique et réglementaire : inadéquation de la réglementation applicable en matière de rénovation énergétique.
Concernant ce dernier point, le DPE « qui constitue aujourd’hui un outil central de la rénovation thermique des logements et conditionne notamment la possibilité de placer un logement en location est standardisé sur le modèle des constructions modernes ».
Surmonter l’obstacle esthétique
De nombreuses constructions anciennes s’avèrent efficaces pour assurer un confort d’été, crucial pour faire face aux futures vagues de chaleur sans utiliser la climatisation. Quant au confort thermique l’hiver, des savoir-faire traditionnels permettent de l’atteindre. Mais encore faut-il promouvoir ces techniques et déployer des aides pour les ménages.
En prime, le recours systématique et inadapté à des techniques modernes peut dégrader les édifices. Une isolation par l’extérieur mal faite enferme l’humidité et mène, pour les maisons avec des pans de bois, au développement de mérule. L’ABF joue alors un rôle essentiel pour décourager ces initiatives délétères et empêcher un gaspillage d’argent public.
Surmonter l’obstacle financier
Quand l’ABF émet un avis défavorable au titre de la défiguration de la façade, l’élu local ou le propriétaire s’imagine qu’il ne réagit qu’à l’aspect esthétique. En réalité, il tient compte du problème technique. En outre, certains matériaux ou techniques de rénovation en vogue s’avèrent moins durables.
Les coûts supplémentaires liés aux préconisations de l’ABF peuvent donc être amortis dans le temps. Bref, la MI défend une réhabilitation écologique du bâti. Toutefois, elle exige « une véritable prise en compte des propriétés spécifiques du bâti patrimonial dans les différents outils mis en avant par les politiques publiques ». Ceci nous amène notamment au DPE.
DPE et aides financières spécifiques en 2025
La mission d’information constate l’émergence de mesures encourageantes, mais insuffisantes. Elle cite « le guide d’aide à la rédaction de recommandations de travaux pour le DPE et l’audit énergétique, dont la rédaction a été confiée au Cerema », qui comporte un chapitre dédié au bâti ancien.
En général, le ministère de la Culture et celui de la Transition écologique ont engagé plusieurs collaborations. Elles doivent « améliorer la prise en compte des caractéristiques du bâti ancien et patrimonial par les diagnostiqueurs immobiliers, les auditeurs énergétiques et l’ensemble des acteurs de la rénovation ». De plus, des discussions sont en cours pour obtenir des barèmes d’aide tenant compte, dès 2025, du bâti ancien.
Par ailleurs, la DGPA et la DGALN préconisent l’association au DPE d’un diagnostic architectural préalable. Les deux ministères considèrent qu’une rénovation des bâtiments patrimoniaux est possible. Elle peut même permettre d’atteindre des « niveaux de performance énergétique très satisfaisants dans un grand nombre de cas ».
former les diagnostiqueurs, auditeurs, artisans
Plusieurs récentes dispositions visent à améliorer la formation des acteurs de la rénovation énergétique appliquée au bâti ancien :
- études de cas spécifiques lors de la formation initiale des diagnostiqueurs ;
- exigences de connaissances spécifiques lors de la certification DPE ;
- études de cas spécifiques dans les modules de formation à la rénovation énergétique FEEBAT (pour artisans et architectes maîtres d’œuvre) ;
- obligation de compétences sur les principes constructifs et les pathologies liés au bâti ancien pour les MAR (Mon Accompagnateur Rénov’)…
Selon la MI, il est nécessaire d’établir un premier bilan de toutes ces mesures de formation dés le début de l’année 2025. Le rapport mentionne également le futur guide consacré à la rénovation énergétique du bâti ancien attendu pour la fin 2024.
Recommandations de la MI ABF
À propos du bâti ancien et des politiques environnementales, la Mission émet 4 recommandations. D’abord, il faut refonder le dispositif d’aides publiques (recommandation n°21) afin qu’il réponde à deux exigences liées :
- soutenir les techniques de rénovation respectueuses du bâti ancien ;
- décourager le recours aux techniques délétères sur le bâti ancien.
Ensuite, la recommandation n°22 est « d’accélérer l’évolution engagée par le ministère de la Transition écologique sur l’adaptation du DPE aux spécificités du bâti patrimonial ancien, notamment en intégrant l’ensemble des matériaux et techniques pertinents pour ce type de bâti dans le guide d’accompagnement des diagnostiqueurs ».
Puis, la recommandation n°23 consiste à compléter l’article 1er de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture. L’objectif est d’y faire figurer la réhabilitation des constructions parmi les activités architecturales d’intérêt public.
Enfin, la recommandation n°24 est de nommer un référent en matière de transition énergétique et environnementale au sein de chaque DRAC.
Bilan DPE cet automne, certification bâti ancien
Le rapport a été adopté au Sénat. Lors de son examen, Mme Sabine Drexler a jugé nécessaire de « faire un point sur le DPE avec les nouvelles équipes du ministère de la Transition écologique » dès cet automne.
Elle a ajouté : « un nouveau métier pourrait voir le jour : nous pourrions rendre obligatoire une forme de diagnostic de valeur patrimoniale, à l’instar du DPE ». Il nécessiterait une certification sur le bâti ancien.
À consulter : Les architectes des bâtiments de France face aux contraintes économiques et aux défis de la transition énergétique et environnementale de notre patrimoine : des pratiques à adapter, une profession à réhabiliter, un cadre de vie à préserver, rapport d’information n°780 fait par M. Pierre-Jean-Verzelen au nom de la Mission d’information sur « Architectes des bâtiments de France : périmètre et compétences ».
« adapter le DPE au bâti patrimonial » , qu’est-ce ça veut dire ? Avoir un DPE moins sévère sur le classement de ce type de bien ? Ou alors faire un statut dérogatoire pour ces biens pour qu’ils ne subissent pas les conséquences d’un mauvais classement ?
Ne pas faire d’ITE sur un immeuble en pierre, c’est évident et c’est déjà pas possible. Mais on peut faire de l’ITI et d’autres choses en ayant un bon résultat. Après, il y a des cas où la valeur patrimoniale sera intérieure et extérieure ; là c’est aux pouvoirs publics de décider comment traiter ça : soit on fait ce qu’on peut sans toucher à ce aux éléments patrimoniaux, soit on subventionne fortement pour isoler en gardant l’aspect intact.
Enfin, ne pas oublier que le DPE a été jugé comme insuffisant pour la rénovation énergétique puisque l’audit a été créé. Donc, si on veut adapter la rénovation énergétique au bâti patrimonial, c’est au niveau de l’audit qu’il faut faire quelque chose…
Très juste, c’est bien l’audit qui est au cœur du sujet.
Après, la pierre n’interdit pas l’ITE,dans tous les cas, la question est y a t-il un intérêt patrimonial à conserver l’aspect existant du bien qu’on analyse ?
Ce n’est pas toujours le cas.
Et effectivement, sans oublier la protection du patrimoine intérieur , qui survient dans certains cas de décoration ancienne de forte valeur, qui nécessite des surcouts, que ses propriétaires ont généralement la capacité d’absorber sans difficulté puisqu’en général ces biens sont plus chers que le traditionnel. Et il leur reste la possibilité de bien négocier l’achat sur la base de cet argument.