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Missionné pour réaliser des diagnostics immobiliers, l’opérateur voit qu’un balcon menace de s’effondrer. Pour respecter son devoir de conseil, il attire l’attention sur ce risque dans son rapport. Cependant, l’agence immobilière et le donneur d’ordre le lui reprochent. Ils lui demandent de retirer cette remarque du DDT. Ne sachant que faire, le diagnostiqueur nous contacte pour savoir ce que dit la jurisprudence. Nous consultons alors Maître Damien Jost.
Balcon menaçant ruine et diagnostics
L’opérateur de diagnostic intervient dans un immeuble dans le cadre d’une vente immobilière. Cependant, primo, le reste du temps, il réalise aussi des audits énergétiques, ce qui l’oblige à observer les pathologies. Secundo, il intervient dans la région des Pays de la Loire, là où, en 2017, l’effondrement d’un balcon a provoqué la mort de jeunes gens.
Par conséquent, il lui semble normal d’insérer une remarque sur le mauvais état du balcon dans le dossier de diagnostic technique. Celle-ci déplaît fortement à l’agent immobilier et au DO. Personne ne lui a demandé de faire un diagnostic du balcon, il n’est pas expert dans ce domaine, ce n’était pas sa mission, etc. Lorsqu’il nous contacte, stressé, la réponse nous paraît évidente. Il a raison d’informer le vendeur et l’acquéreur de l’existence d’un risque.
Puis, un doute nous saisit. Et si le devoir de conseil du diagnostiqueur ne s’appliquait qu’à des missions de diagnostics ? A-t-il fait du zèle et gêné inutilement le projet de vente ? Quelle est la jurisprudence en la matière ? Finalement, nous décidons de demander son avis à Maître Damien Jost. Par une heureuse coïncidence, il a récemment plaidé dans une affaire qui relève de la même question, somme toute classique. Où s’arrête le devoir de conseil ?
Où s’arrête donc le devoir de conseil ?
L’avocat spécialisé en droit immobilier nous renvoie à un jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand daté du 19 novembre 2024. Maître Jost défendait alors un diagnostiqueur qui avait signalé un risque parasitaire. Or, d’une part, il intervenait hors secteurs termites et mérules. D’autre part, il n’avait aucune qualification dans ce domaine.
Une mousse jaunâtre, présente sur un mur intérieur, l’avait conduit à proposer l’analyse préventive d’un échantillon, au cas où il s’agirait de mérule. L’analyse débouche sur un résultat négatif. Le notaire inscrit alors dans les actes qu’un rapport d’analyse établit l’absence de mérule. Après la vente, les acquéreurs découvrent une infestation de mérule. D’ailleurs, deux jours après l’acte notarié, la commune est classée « zone mérule ».
Certes, il n’est pas question ici de balcon, mais le fond du problème est le même. Le diagnostiqueur a-t-il eu raison d’aller au-delà de sa stricte mission contractuelle ? Oui, répond le tribunal. « Il a bien respecté sa mission initiale et a rempli son devoir de conseil en alertant son client sur la nécessité de réaliser des sondages complémentaires. » En revanche, le notaire sera condamné. Cependant, revenons à notre balcon menaçant ruine.
Risque apparent et formulation
Maître Jost nous précise qu’en général, sur cette question de la limite du devoir de conseil, il y a plusieurs écoles. Autrement dit, des avocats estimeront que le diagnostiqueur ne doit jamais aller au-delà de sa mission initiale. « Selon moi et compte tenu de mon expérience judiciaire, dans le cas dont vous me parlez, le technicien a eu raison de s’en écarter pour signaler ce qui relève, dans le droit, d’un vice apparent. »
Il insiste également sur l’importance de la formulation. Le diagnostiqueur doit préciser qu’il a constaté ceci ou cela en dehors de la mission principale qui lui a été confiée. « Il dira par exemple : en dehors de ma mission principale, j’ai constaté… C’est la raison pour laquelle je recommande la consultation rapide d’un homme de l’art. » Cette énonciation permet de donner à la fois une information importante et un conseil qui l’est tout autant.
Si a contrario, le diagnostiqueur ne disait rien de l’état du balcon, il prendrait un risque énorme. En effet, « le juge et l’expert ne comprendraient pas qu’il ait fait l’impasse sur un risque aussi évident ». Heureusement, notre ODI a correctement formulé sa remarque. Il a écrit qu’il avait fait ce constat hors de sa mission et qu’il recommandait la consultation d’un professionnel qualifié. C’était bien la conduite à tenir.
En définitive, Damien Jost nous l’affirme sans hésiter : « le technicien s’est mis en position de sécurité, que ça plaise ou non à l’agence ou au donneur d’ordre ». Le devoir de conseil peut donc aller au-delà de la stricte mission contractuelle. Un diagnostic immobilier révèle à la fois des faits et des risques, à porter à la connaissance de l’acquéreur.
Bonjour,
Le problème qui se pose ensuite à ce diagnostiqueur est qu’il a sûrement perdu l’agence comme prescriptrice de futurs diags… Pour moi la solution n’est pas d’inclure cet avertissement dans les rapports de diags, mais dans un courriel séparé, à l’agence, au propriétaire, au donneur d’ordre, en indiquant les troubles constatés. Ainsi il assume son devoir de conseil auprès de ses clients, à eux de prendre leurs responsabilités. ça m’était arrivé avec une maison dont le PC était de 2005, mais que le propriétaire avait construite avec des matériaux de récupération : plaques ondulées amiante-ciment servant de coffrage inférieur au plancher de l’étage, sur le garage… mais pas de diagnostic amiante à faire puisque maison après 97; information donnée au propriétaire de vive voix sur place, puis confirmée par mail avec avis de réception, lui conseillant d’indiquer ce fait lors de la vente chez le notaire.
Je pense aussi que ce genre de remarque ne doit pas apparaitre dans les rapports. Dans le mail où on adresse les rapports, on met les commentaires de ce genre, comme ça on a un écrit prouvant qu’on a signalé le problème, et on s’évite la gestion des râleurs.
C’est la solution que je recommande tous les jours en formation.
Le rapport réglementaire le reste.
L’information n’est pas noyée dans celui-ci.
La responsabilité est bien retransmise au donneur d’ordre.
Suis d’accord et je partage vos avis. Le rapport est déjà fastidieux et les informations nombreuses.
Cela dit en l’écrivant dans le mail au DO, cela responsabilise cette personne d’autant plus s’il s’agit d’un professionnel pour qui bien souvent un « rafraîchissement » est suffisant….
QUID du « Non-assistance à personne en danger » ? J’entends parfaitement que la mission d’un diagnostiqueur a des limites, mais n’en est-il pas moins humain de signaler un danger qui pourrait mettre en péril la vie d’autrui ?
Pour ma part, dès que j ai une remarque à formuler qui esst hors mission (termites à plus de 10m d un bâti, plancher en très mauvais état, moisissures..) je le note en rouge sur la facture.
le propriétaire en fait son affaire.
Le résultat judiciaire obtenu n’allait pas de soi. Jamais vu cela en 20 ans !
La pression commerciale est une chose, la sécurité juridique en est une autre.
Aussi, en pratique, deux solutions sont envisageables.
Soit insérer une remarque dans le rapport de mission, ce qui permettra de « toucher » le donneur d’ordre, mais aussi le futur propriétaire du bien (qui est généralement celui qui attaquera le diagnostiqueur).
Soit insérer cette remarque dans un mail séparé (par exemple le mail d’accompagnement du rapport), mais aussi dans la facture. Cela protègera le diagnostiqueur par rapport au donneur d’ordre, qui ne pourra pas, de bonne foi, prétendre n’avoir été informé de rien.
Pour moi le problème de fond est ailleurs et ce trouve encore une fois dans notre législation et les largesses permises aux avocats, juges et compagnie…
La justice est devenu une pièce de théâtre dans laquelle on cherche à défendre ou attaquer par tous les biais possible sans discernement.
L’essentiel n’est-il pas d’avoir informé quelque soit l’endroit, quelque soit la formulation?
La justice est devenu un business pour lequel il est demandé à chacun d’écrire, de parler, de rapporter en ayant au dessus de sa tête une épée de Damoclès si on ne le fait pas comme un avocat…
Vous pouvez le tourner dans tous les sens, un avocat vous dira toujours « mais…. » alors que tu crois bien faire… Business, business et non pas justice et bon sens