revenir à l'Accueil
Toute l'actualitéEntretiens

Pourquoi nous ne dispensons pas de formations à l’audit énergétique

Partager cet article sur
Partager sur

Yann Vogel, responsable du centre ODI Formation, se refuse pour le moment à proposer des formations à l’audit énergétique aux diagnostiqueurs. Il a accepté de nous expliquer pourquoi. Le formateur espère pouvoir ainsi répondre aux nombreuses demandes des opérateurs de diagnostics immobiliers.

Organiser des formations dans le respect des diagnostiqueurs

Pour un organisme de formation, l’audit énergétique constitue évidemment une opportunité intéressante. Je rappelle que nous vivons de nos formations. D’ailleurs, nous constatons qu’il y a une ligne éditorialiste majoritairement favorable à l’audit, or ODI Formation a une vision plus nuancée.

Selon nous, à ce jour, les conditions ne sont pas réunies pour dispenser des formations à l’audit énergétique dans le respect des diagnostiqueurs. Tous les voyants ne sont pas au vert. Il faut avoir le courage de dire que dans les conditions actuelles, ce n’est pas possible.

Un audit énergétique arrivé trop vite

Cet audit est arrivé un peu vite. Nous avons déjà vécu la mise en place du nouveau DPE avec le ministère. Nous avions tenté de le repousser à plusieurs reprises car les logiciels n’étaient pas prêts. Mais au moins, nous allions dans la continuité de ce que les diagnostiqueurs savaient déjà faire. L’audit énergétique relève de la politique, il faut accélérer la rénovation des passoires thermiques.

De fait, l’audit énergétique existe déjà, c’est l’audit énergétique incitatif. Il est réalisé par des spécialistes, des cabinets d’études thermiques qui doivent être certifiés, avec des prérequis importants : ingénieurs du bâtiment, thermiciens, RGE. La profession n’a pas encore la capacité, ni les compétences pour aller sur ce type de marché.

Répondre au tsunami d’audits énergétiques

Le ministère avait tablé sur 10% des bâtis qui passeraient en passoires énergétiques. On a dépassé largement les 30%, même si l’Ademe n’a pas tout à fait mis à jours ces chiffres. Dans certains quartiers parisiens, on peut approcher les 40 %. Il y a seulement plus d’une centaine de bureaux d’études thermiques certifiés pour pouvoir répondre à ce prochain tsunami d’audits. C’est évidemment trop peu.

De fait, les diagnostiqueurs étaient bien placés puisqu’ils connaissent déjà le DPE. Les fédérations y ont vu une opportunité pour les diagnostiqueurs donc elles se sont proposées. Mais ce problème de prérequis persistait.

Une formation à l’audit qui n’est absolument pas encadrée

Pour pallier ce problème et répondre à la vague, le ministère a proposé une période transitoire avec une formation. Cette formation n’est aujourd’hui, absolument pas encadrée. Elle peut durer 2 heures, 2 jours, 2 semaines ou 2 mois et quel qu’en soit le mode (présentiel ou distanciel).

Aucun cadre n’a été défini.

Pour réaliser un audit énergétique, les diagnostiqueurs devront effectuer une formation, fournir une attestation à leur organisme de certification sans contrôle des acquis. Certification provisoire et prorogée jusqu’en décembre 2023, si la « surveillance » effectuée au bout de 9 mois est satisfaisante

En attendant, c’est le Far West

La grande question est : qu’est-ce qu’il se passe en décembre 2023 ?

Eh bien, le ministère ne sait pas encore nous le dire.

La version optimiste consisterait à dire qu’à ce moment-là, il faudra professionnaliser l’audit énergétique. On imposera un cadre de formation avec un certain nombre de jours définis et une certification spécifique. En attendant, c’est un petit peu le Far West.

Aucune trame pour les logiciels

Au vu de la parution du décret, nous pourrions nous appuyer dessus pour construire cette formation, mais elle resterait évidemment trop généraliste. À l’heure actuelle, nous n’avons toujours pas la trame PDF et xml qui doit être identique pour tous les logiciels. Nous ne connaissons encore pas la forme définitive de l’audit énergétique.

J’ai contacté des éditeurs de logiciels et certains s’étonnent qu’il puisse y avoir déjà des formations. En l’absence de trame officielle, eux-mêmes n’ont pas encore pu aboutir à aucune version fiable.

De plus, sur le plan technique, l’enjeu est absolument énorme. Des résultats du DPE, découleront par exemple l’autorisation ou l’interdiction pour un propriétaire de louer.

Problème de chiffrage des travaux

Prenons l’exemple d’une maison des années 1970 avec un sous-sol. Le diagnostiqueur fait le DPE, estime que le plancher n’est pas isolé et que c’est un pont thermique important. Le logiciel va fournir des préconisations pour isoler ce fameux plancher.

Je rappelle que le diagnostiqueur, sur le DPE, n’est attaquable que sur les données d’entrée, la description. Le bien est classé F ou G et l’audit énergétique devient obligatoire. Le diagnostiqueur se porte volontaire. Il n’y a pas d’interdiction à ce niveau-là.

Sur ce point précis, l’audit énergétique impose de préconiser les travaux d’isolation du plancher, leur mise en œuvre, et de les chiffrer. Et là, il est confronté à un premier problème. Le ministère n’a pas souhaité que les éditeurs de logiciels fournissent des références de tarifs sur lesquels s’appuyer. Le diagnostiqueur devra aller chercher lui-même les coûts des matériaux et des travaux.

Déjà, en temps normal, la tâche est complexe pour un diagnostiqueur, beaucoup moins pour un économiste de la construction. Sans compter le contexte de volatilité extrême des coûts de matériaux, variant de 5% à 10% d’un mois à l’autre, donc cela devient très difficile.

La question des aides à la rénovation énergétique

Là, c’était la partie chiffrage. Évidemment, il va aussi falloir tenir compte de la situation fiscale du couple vendeur, pour en déduire les aides du montant global des travaux à réaliser. Cette situation fiscale ne sera vraisemblablement pas la même pour l’acheteur…

La promesse de l’audit est finalement un pari qui consiste à faire remonter la note du DPE en tenant compte d’une « ordonnance » de travaux destinée à l’acquéreur, sans erreur sur les montants, ni sur leur mise en œuvre…

Un diagnostiqueur auditeur attaquable

Quelques mois plus tard, l’artisan vient pour effectuer les travaux et faire remonter la lettre du DPE. Il découvre, en descendant dans le sous-sol, qu’il y a par exemple une porte de garage coulissante, des rails au niveau du plafond, des passages de gaines, de tuyaux, etc.

Pour l’artisan, impossible d’isoler. C’était un des ponts thermiques les plus importants.

Le diagnostiqueur est responsable car d’une certaine manière, par l’intermédiaire de l’audit, il a fait une promesse. L’audit énergétique, c’était la promesse de pouvoir faire remonter la lettre G en C. Il est donc attaquable. Rappelons, car c’est important, qu’au moins 80% des diagnostiqueurs ne sont pas issus du bâtiment. Ils n’ont pas de connaissance dans la maîtrise d’œuvre.

Pour le diagnostiqueur, l’accès à l’audit actuel est valable un an, mais sa responsabilité juridique est engagée pour 5 ans.

On envoie les diagnostiqueurs au casse-pipe

Beaucoup de professionnels nous appellent en disant : « c’est un DPE++ ». Absolument pas ! C’est une vraie prestation d’accompagnement à la maîtrise d’œuvre, de chiffrage des travaux.

Pour votre information, un architecte ou un bureau d’études doit avoir suivi au minimum 4 jours de formation, en ayant des compétences dans la construction, pour pouvoir faire cet audit.

Le diagnostiqueur : rien.

Si aujourd’hui nous avions organisé une formation, elle aurait duré au minimum 5 jours, avec l’intervention d’un économiste de la construction et d’un bureau d’études thermiques.

Nous avons une responsabilité vis-à-vis des diagnostiqueurs et nous sommes un certain nombre à estimer qu’en l’absence de logiciel, un contenu trop généraliste et aucun encadrement sur les durées de formation nous imposent d’appeler à la prudence. Envoyer sur le terrain les diagnostiqueurs avec si peu de compétences sur ce sujet, et autant de risques, nous parait extrêmement dangereux.

Les problèmes liés à l’assurance

L’autre élément important, c’est la sortie officielle d’un acteur historique de l’assurance, MMA. L’assurance est aujourd’hui le garde-fou de ce métier. Les conditions pour se faire assurer deviennent de plus en plus difficiles, sans compter les augmentations des cotisations annuelles parfois de 80% même pour des cabinets vertueux.

Or à ce jour s’il y a démultiplication des sinistres et des risques de sinistres, la profession risque gros.

Plus l’enjeu est important, plus le risque pour le diagnostiqueur l’est aussi. Il faut donc que sa formation et ses outils fonctionnent parfaitement, et là ce n’est pas le cas.

Des trous énormes dans la raquette

Il y a encore quelques semaines, 60 millions de consommateurs a fait une enquête assassine sur le DPE. Problème de formation, de logiciel ou de mauvaises pratiques sur le terrain ?

Tout le monde se renvoie la balle. En réalité tout a été fait dans l’urgence.

Malgré les enjeux politiques nous continuons à penser qu’il est urgent d’attendre et de ne pas se jeter dans l’arène sans garde-fou.

Si d’ici quelques mois, il y a un encadrement clair, un contenu précis, une certification, etc., alors oui, nous proposerons une formation solide également.

Sous-traiter la prestation à un cabinet d’études thermiques

Le diagnostiqueur craint de perdre des clients et cela se comprend.

Dans ce cas la sous-traitance est possible et semble être la solution palliative pour ceux qui ne veulent pas se positionner sur ce marché immédiatement.

Alors ce que je leur conseille de faire, c’est de contacter des cabinets d’études thermiques certifiés pour leur proposer un partenariat. D’ailleurs, en matière de sous-traitance, beaucoup de personnes sont mal informées.

Si vous êtes cabinet d’études thermiques, vous ne pouvez pas demander au diagnostiqueur d’aller sur le terrain faire des relevés, puis les utiliser pour signer l’audit énergétique. C’est interdit.

En revanche, si vous êtes diagnostiqueur, vous pouvez faire intervenir un cabinet d’étude thermique certifié pour gérer l’audit dans sa totalité.

Le cabinet vient avec ses compétences, sa certification, l’assurance adéquate, et prend ses propres risques. Ces cabinets peuvent aussi faire appel aux diagnostiqueurs pour d’autres prestations, par exemple le DPE mention pour le collectif.

La profession devrait faire bloc

Notre seul regret, c’est que la profession ne dise pas clairement : « dans ces conditions, c’est impossible ».

Peu de fédérations demandent aujourd’hui un report.

Contrairement aux diagnostiqueurs, nous avons des réunions d’échanges avec la DHUP et nous disposons de suffisamment d’informations pour nous positionner. Il est impossible de réaliser cet audit énergétique dans des conditions raisonnables sans mettre en danger les diagnostiqueurs.

Est-ce qu’il peut y avoir un report ? Avec les législatives, etc., il y a beaucoup d’inconnues. La DHUP parle de « calendrier tendu ». Le report serait un miracle et s’expliquerait par un problème technique dû au logiciel. Cependant, le DPE était sorti malgré les mêmes problématiques.

Pour notre part, nous disons aux diagnostiqueurs qu’il est urgent d’attendre qu’il y ait un vrai cadre et des outils pour limiter les risques.

À ces conditions seulement, ODI Formation ira aussi sur le terrain de l’audit énergétique.

Partager sur
Partager cet article sur

9 Commentaires

Commenter
  1. P
    Pascal RÉPIR 21 juin 2022 - 14h13

    Bravo Monsieur pour votre courage
    J’ai fait une formation en Audit énergétique chez sonelo que je ne recommande à personne.
    Le contenue y était insuffisant et aucun des principaux éditeur de logiciel n’était pas non plus à même de proposer un logiciel qui fonctionne pour l’Audit.
    Du coup ma formation c’est retrouvé emputer de la partie assez conséquente de faire un audit avec un logiciel le permettant de le faire.
    Je suis vraiment pas satisfait du rendus ce genre de société vous lâche dans la nature avec très peu aquit pour pouvoir exercer
    Merci encore pour votre courage car il n’y a pas que l’argent qui doit primer sur le choix de faire ou pas des formations en direction des diagnostiqueurs.

    Répondre
  2. C
    Chauvet Frédéric 21 juin 2022 - 16h41

    Je pense que vos mots sont aussi applicables à certaines formations de diagnostiqueur. Cette prise de position courageuse, donne envie d’attendre patiemment, la mise en place de votre formation en audit énergétique.

    Répondre
  3. R
    Rudy Certain 21 juin 2022 - 18h18

    Certifié dans ce centre, j’ai suivi le webinaire sur l’audit Yann tenait déjà ce discours. Que ce soit lui ou ses équipes, le discours est toujours réfléchi et argumenté, j’ai décidé pour la part de suivre son raisonnement et d’attendre quelque chose de bien plus construit, encadré et qui ne mettra pas ma société en péril afin de satisfaire nos politiques…

    Répondre
  4. Y
    Yannick GUERVILLY 21 juin 2022 - 19h16

    Mises à part les considérations de compétences et de qualification, la question de l’absurdité de cet audit obligatoire se pose. Il est où son intérêt? lorsqu’un acquéreur voudra entreprendre des travaux et prétendre à des aides (qui seront calculées en fonction de ses revenus et non du vendeur) il sera obligé de faire réalisé un audit incitatif qui lui pourra servir pour ces aides.
    A part multiplier les dépenses du propriétaire, décrédibiliser une fois de plus la profession ( 30 Millions vont se frotter les mains), faire fuir le peu d’assureurs qui restent, je n’en vois pas l’intérêt.

    Répondre
  5. J
    José Diaz 21 juin 2022 - 19h39

    Totalement d accord , j hésite totalement à me former , à cause des arguments qu il développe. Et pourtant mes Dpe son très orienté audit et calcul poussé, j adore ça. Mon expérience BTP pourrait être de bon près requis pour l audit. Mais certainement pas dans les conditions actuelles.

    Répondre
  6. D
    Delaroche 21 juin 2022 - 21h43

    Je suis en total accord avec ce Monsieur.
    Je ne compte pas proposer ce genre de prestation, et pour cause…
    Je sors les memes arguments à mes prescripteurs et je constate que je ne me trompe pas…

    Répondre
  7. E
    ECOBE 09 22 juin 2022 - 12h13

    Bonjour,
    Je suis un bureau d’étude « RGE Etudes » certifié OPQIBI et je travaille avec des diagnostiqueurs.
    Je réalise l’audit et eux les DPE, lorsque des clients m’appellent pour des DPE je les renvois chez un diagnostiqueur et lui me fait passer les audits. Où est le problème !!! nous travaillons en bonne entente. Je n’ai pas du tout envie de leurs « voler » leur clients, c’est une collaboration qui fonctionne.

    Répondre
  8. R
    RAYNAUD 27 juin 2022 - 21h26

    C’est affligeant ce constat d’ODI , ce centre de formation en perte de vitesse comme on dit , je pense qu’il devrait deja balayer devant sa porte & améliorer s il le peut sa prestation .Je comprends que probablement dépassé par les diagnostics classiques,n ayant pu valider l audit comme ses concurrents le voila lance dans l’apologie des thermiciens qui sachons le , ne sont pas plus compètent pour évaluer des travaux : Les diagnostiqueurs savent s’adapter ils feront les formations dans un centre agrée avec les thermiciens ou autres intervenants, malgré la volonté négative clairement affiche de certains , cette sorte de lobbying corporatiste ;Concernant ces derniers, il suffit d analyser les études thermiques des bâtiments réalisées a l occasion des dépôts de permis,c est évocateur ,on en parle pas ,pourtant …Le diagnostic est une réalité incontournable, je sais le petit ordre établi des corporations est malmené, les temps changent …Concernant la responsabilité chaque intervenant doit se limiter a ses compétences ,pour éventuellement sous-traiter d’abord avec les confrères comme cela se fait habituellement dans le bâtiment, comprenons ayant les compétences & le matériel; Alors ODI avant d’abonder assez minablement comme les medias de la consos sur l’incompétence des diagnostiqueurs ,qui ne seraient pas capables d évoluer, travaillez plutôt sur vos formations :: comment peut-on diaboliser l’ensemble d’une profession sur l’article d un journaliste. Alors mes amis sachez qu’il faut aller vous former dans un centre agrée qualiopi, vous enverrez votre attestation de formation a votre certificateur ;Nous montons en puissance !!!!!…PS ; le diagnostiqueur dérange, les dpe /audit,seront probablement très prochainement étendus a l ensemble de la population, cela représente des sommes énormes, comprenez que tout sera fait pour nous écarter.. !!!

    Répondre
  9. P
    Philippe 29 juin 2022 - 16h10

    Citation = Nous montons en puissance !!!!!…PS ; le diagnostiqueur dérange, les dpe /audit,seront probablement très prochainement étendus a l ensemble de la population, cela représente des sommes énormes, comprenez que tout sera fait pour nous écarter.. !!!
    réponse = Je suis bailleur et client, pas diagnostiqueur, et par ailleurs physicien. Je ne suis pas certain que vous ayez conscience de la faible qualité de ces dpe, plus politiques que physiques et qui ne servent en fait à rien, puisqu’on met bcp de valeur par défaut de connaitre.
    Pour bien travailler, il faut tout conniatre.
    vous ne monterez pas en puissance en passant aux audits énergétiques, vous allez démontrer l’inanité de ce genre d’approche que les gouvernements prônent dans rien y comprendre;

    Deja quand je lis qu’on conseille les chauffe eaux thermodynamiques y compris dans les studios de 18m2, les bas m’en tombent, cette filière en commencant par l’état n’ a pas les pieds sur terre

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

.
Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

Déchets du bâtiment : arrêté du 10 juin 2022

Previous article

Sols pollués, à quand l’action ?

Next article