Vendredi dernier, de nombreux diagnostiqueurs ont reçu un mail inhabituel. En effet, il débutait ainsi : « avez-vous déjà envisagé d’effectuer la vente des biens pour lesquels vous réalisez des diagnostics et/ou l’audit énergétique ? » L’auteur du courrier leur propose ensuite de « devenir diagnostiqueur mandataire immobilier (DMI) ». La question est choquante, l’invitation aussi. Quid de l’obligation d’indépendance et d’impartialité ?
Diagnostiqueur et agent immobilier ?
L’article L.271-6 du CCH interdit au diagnostiqueur tout « lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance » avec le propriétaire, son mandataire ou une entreprise réalisant les travaux. Certains pourraient en déduire qu’en l’absence d’intermédiaire, rien n’est répréhensible. Pourtant, ce serait absurde. L’obligation d’indépendance et d’impartialité vise à lutter contre les conflits d’intérêt. L’agent immobilier est mandaté pour vendre un bien. Il y parviendra beaucoup plus facilement si le logement est salubre, a une note DPE de A à D, etc.
Même en admettant que son éthique personnelle, sa force morale, que sais-je, lui permette d’être impartial, il y a au minimum une apparence de conflit d’intérêt suspecte et susceptible d’attirer l’attention de la DGCCRF. D’ailleurs, rappelons aux particuliers qu’ils encourent également des sanctions pénales en faisant appel à un diagnostiqueur qui ne satisfait pas aux conditions d’impartialité et d’indépendance (article R.217-4 du CCH).
Une obligation professionnelle et une nécessité
Avoir la double casquette diagnostiqueur / mandataire immobilier devrait être inconcevable. Sinon, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Soyons ambitieux, que diable ! Autant ouvrir un cabinet de diagnostics immobiliers, une agence immobilière, un office notarial et une entreprise de rénovation, tout en étant expert immobilier. Cela représente beaucoup de compétences à acquérir, mais à cœur cupide, rien d’impossible.
Plus sérieusement, nous avons vu beaucoup de situations douteuses ces dernières années. Nous en avons dénoncé un certain nombre. Pour d’autres, nous nous sommes tus, non pas pour fermer les yeux, mais plutôt par lassitude. Cependant, sur le marché de la rénovation énergétique, les liens capitalistiques limites sont assez « normaux ». Historiquement, ce secteur fonctionnait sur la base de partenariats dont personne ne s’offusquait.
La prise de conscience du lien entre les fraudes à la rénovation et le manque d’impartialité est récente. À titre d’exemple, avant l’arrêté du 13 juin 2023, un organisme d’inspection pouvait être une entreprise de travaux, un mandataire, un demandeur de CEE, etc. D’ailleurs, la création de Mon Accompagnateur Rénov’, obligatoirement indépendant et neutre, constitue, en ce sens, une petite révolution. Il n’en va pas de même dans le domaine du diagnostic immobilier.
Le métier de DMI est une aberration
Voilà plus de 15 ans que l’obligation d’indépendance et d’impartialité s’applique à toute personne qui réalise des diagnostics techniques. C’est l’une des forces du diagnostiqueur. Elle garantit sa liberté, son professionnalisme et la qualité de l’information délivrée au particulier. Elle sécurise aussi les transactions immobilières pour ses clients et prescripteurs. Alors par pitié, défendons-là et exigeons-là. Le métier de diagnostiqueur mandataire immobilier (DMI) ne doit pas exister.
Je suis entièrement d’accord et me rend compte de dérive de plus en plus nombreuses. Mais n’est-ce pas à la DGCCRF d’être responsable et beaucoup plus vigilante sur ces pratiques ?
Merci pour votre commentaire. Oui, c’est à la DGCCRF d’être attentive à ces dérives et heureusement, elle épingle parfois des entreprises pour cette raison, y compris d’ailleurs pour « apparence de conflit d’intérêts » (c’est réellement considéré comme une fraude). Mais la DGCCRF manque d’effectifs et ne peut pas être partout.
Cet article, qui est d’abord un coup de gueule à la lecture du mail en question, avait 2 autres raisons d’être. Nous voulions alerter les diagnostiqueurs qui pourraient être tentés par cette offre et, surtout, informer les particuliers qui sont de plus en plus nombreux à nous lire. Bien souvent, ils ne sont pas informés de cette obligation d’indépendance et d’impartialité du diagnostiqueur.
C’est interdit parfait je suis pour, par contre je me pose la question les centres de formations qui proposent leur OC, ou les Diagnostiqueurs qui réalisent des CSO pour leur OC, et j’en passe, n’y a t-il pas de conflit d’intérêt dans ce sens ?
Bravo pour ce rappel. C’est une évidence pour les gens honnêtes, mais ils ne sont pas si nombreux que cela. Alors soyons et restons vigilants !
Fini les diags où figure le nom d’une agence immo en donneur d’ordre ?