Samedi, le journal La Voix du Nord a publié une intéressante interview de la ministre du Logement. Mme Valérie Létard y a précisé ses intentions concernant le calendrier d’interdiction de location des passoires thermiques classées DPE G en 2025. Elle a aussi émis des propositions pour sortir de la crise du logement.
Calendrier pour les passoires thermiques
Il y a 10 jours, sur RMC Info, Mme Létard parlait d’adapter le calendrier du DPE pour les logements en copropriété. Toutefois, un doute subsistait. Cette adaptation concernerait-elle uniquement les propriétaires bailleurs en copropriété ? Oui, semble-t-il. Dans le numéro de la Voix du Nord publié le 12 octobre, la ministre du Logement déclare :
« Il y a une trajectoire, nous n’allons pas la changer. Cependant, la mise en œuvre de ce calendrier pose un réel problème aux copropriétés. Nous regardons donc comment adapter le calendrier pour elles. » L’obligation de rénover les logements classés DPE G, au 1er janvier 2025, serait donc maintenue à l’identique dans le parc locatif, hors copros.
Toutefois, le Rassemblement national présentera sa proposition de loi supprimant l’interdiction de louer les passoires thermiques le 31 octobre 2024. En effet, la fête d’Halloween coïncidera avec la niche parlementaire du RN. Admettons qu’il échoue à abroger l’article 160 de la loi Climat Résilience, quelles sont les adaptations envisageables pour les copros ?
DPE et rénovation énergétique en copropriété
L’application du calendrier d’interdiction de location en copropriété préoccupe nos députés, sénateurs et ministres depuis longtemps. En septembre 2023, par exemple, M. Patrice Vergriete, alors ministre chargé du Logement, expliquait :
« Nous analysons si une possibilité existe pour les propriétaires de ne pas avoir besoin de travaux de copropriété pour transformer les logements de classe G en classe F. […] Ensuite nous aurons le temps de prendre les mesures nécessaires pour les logements de classe F » (concernés à compter du 1er janvier 2028).
Plus récemment, en janvier 2024, l’adjoint à la mairie de Paris en charge du logement et de la transition écologique proposait une autre piste. Il demandait le report à 2028 de l’obligation de rénover les classe G pour les copropriétés sous conditions d’avoir :
- réalisé les travaux préconisés par le DPE individuel du logement ;
- adopté un projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT) avant 2026 ;
- voté la réalisation des travaux, issus d’un PPT ou d’un DTG (diagnostic technique global) avant 2028.
DTG, PPPT et retard des copropriétés
Malheureusement, une récente étude remet en question l’efficacité d’une telle mesure. À ce jour, les copropriétés sont très en retard sur leurs obligations de PPPT et de DPE collectif. En effet, d’après l’enquête de l’Institut OpinionWay menée à la demande de PrimesEnergie.fr :
- Aucun DPE collectif n’a été fait dans 57 % des copros concernées ;
- Plus d’1 copro sur 2 soumise à l’obligation de PPT ne l’a pas réalisé ;
- 20 % des copropriétaires ignorent ce qu’est un PPT ;
- 11 % des copropriétaires ne savent pas ce qu’est un audit énergétique.
- Pour près d’1 copropriétaire sur 2, le syndic ne s’implique pas dans la rénovation énergétique de l’immeuble en copropriété…
Bref, au rythme actuel, le chantier s’annonce compliqué. En prime, le rapport sur la paupérisation des copropriétés montre le mauvais état initial de ces immeubles.
Exceptions déjà prévues en copropriété
Au fait, la loi Climat Résilience prévoit déjà deux exceptions pour les bailleurs qui louent un logement énergivore en copro. D’abord, le propriétaire pourra continuer de louer s’il justifie :
- avoir réalisé des travaux dans les parties privatives de son lot ;
- avoir mené les diligences nécessaires auprès du syndicat des copropriétaires.
Autrement dit, si le DPE ne s’améliore pas suffisamment malgré ses efforts individuels, il ne sera pas pénalisé. Ensuite, il en va de même si des contraintes architecturales ou patrimoniales font obstacle à l’atteinte du niveau de performance énergétique minimal.
Apparemment, ces dispositions sont insuffisantes. Il est impossible de savoir quelle piste sera finalement conservée par l’exécutif. En tout cas, il lui reste moins d’un trimestre pour prendre une décision et un texte modificatif.
Stabilisation de MaPrimeRénov’ en 2025
Quelques jours avant la déclaration de politique générale du Premier ministre, deux clans appartenant à la grande famille de la rénovation énergétique s’affrontaient. Les uns demandaient le maintien de MPR monogestes, sans DPE obligatoire, pour les classes F et G. Les autres exigeaient le retour à la réforme MPR initiée en janvier 2024 et interrompue en mai.
Dans le journal nordique, Mme Létard déclare : « Ce qui importait le plus aux acteurs du secteur, c’est que le gouvernement stabilise le dispositif. C’est ce que nous faisons. » Mais lequel, celui en vigueur depuis 5 mois à titre exceptionnel ou celui appliqué pendant les 5 mois précédents ?
Le PLF 2025 ne nous aide guère. La partie consacrée à MaPrimeRénov’ annonce une pérennisation « en 2024 ». Cependant, les acteurs de la construction réclamaient précisément de la stabilité. Le dispositif instauré à titre exceptionnel en mai serait donc maintenu en 2025. Cela reste à confirmer par voie réglementaire.
À propos de MPR, l’Anah a récemment annoncé la suppression des avances pour les mandataires financiers. Elles disparaîtront dès le mois de novembre 2024 afin de lutter contre les fraudes à la rénovation.
PTZ, Pinel et loi Airbnb
Par ailleurs, le Premier ministre avait annoncé que le prêt à taux zéro (PTZ) s’étendrait à tout le territoire. Cette mesure doit relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété. Mme Létard ouvre également la porte à une extension du PTZ aux maisons individuelles. En revanche, elle acte la fin du Pinel en 2025.
Enfin, la ministre du Logement souhaite « que la proposition de loi de la députée Renaissance Annaïg Le Meur (qui oblige par exemple les propriétaires de meublés de tourisme, type Airbnb, à réaliser le même diagnostic de performance énergétique que les autres propriétaires) poursuive son chemin parlementaire ». Elle confirme donc le retour prochain de la loi Airbnb.
À lire : La Voix du Nord, n°20241012, p.46, Les pistes de la ministre Valérie Létard pour sortir de la crise, 12/10/2024.
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