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Passoires thermiques et prophéties de l’Institut Sapiens

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Selon l’Institut Sapiens 600 000 passoires thermiques seront retirées du marché. Par conséquent, il y aura 1 800 000 personnes sans logement. Ces nombres sont-ils exacts ? Non, ce n’est qu’une prophétie basée sur une mauvaise interprétation de la réglementation.

L’Institut Sapiens, le DPE et l’offre locative

En décembre 2023, l’Institut Sapiens alertait sur l’arrivée d’une crise locative inédite provoquée par le DPE. La think tech française publiait alors DPE : Sortir d’une folie collective, montrant ainsi sa méconnaissance du diagnostic de performance énergétique. Dans une note récente, le Directeur de son Observatoire Logement affirme qu’il y aurait :

  • 600 000 logements classés G qui ne sont plus éligibles à la location,
  • 1 800 000 personnes à terme sans logement faute de passoire à louer,
  • Aucune preuve de notre capacité à rénover ces 600 000 logements.

L’Institut Sapiens fait trois propositions pour éviter d’amplifier la pénurie de logements à louer, tout en maintenant l’objectif de transition écologique.

  1. Un moratoire calendaire : le calendrier DPE doit s’adapter à la capacité du secteur à mener des travaux de réhabilitation.
  2. La création d’un statut de l’investisseur privé avec incitations fiscales.
  3. « Un outil diagnostic énergétique et simulation post travaux » fiable.
600 000 passoires retirées du marché ?

D’abord, il y aurait 567 000 passoires thermiques dans le parc locatif en 2024. D’une part, c’est une estimation, car tous les biens ne sont pas dotés d’un DPE. En fait, actuellement, de nombreux locataires n’ont jamais reçu de DPE. La loi Climat Résilience se base sur les DPE réalisés à partir de juillet 2021. Elle s’applique aux baux conclus ou reconduits à compter de l’entrée en vigueur de l’échéance (2025 pour la classe G).

D’autre part, la réglementation n’interdit pas de continuer à louer un bien énergivore. L’occupant peut demander au bailleur de faire des travaux de rénovation énergétique lors de la reconduction du bail (tous les 3 à 6 ans). S’il accepte ou que le juge le lui impose, ces travaux doivent permettre, en 2025, d’atteindre au moins la classe F. Le locataire peut aussi ne rien dire, quitte à rester en situation de précarité énergétique, notamment par peur de perdre son logement ou de subir une hausse du loyer après travaux.

Bref, l’interdiction ne s’applique qu’à la mise en location, à titre de résidence principale, d’un logement classé G, pour tout bail signé à compter du 1er janvier 2025. En pratique, il y a toujours des annonces pour des logements en G à louer et des annonces sans DPE. Sinon, principalement, la loi interdit d’augmenter les loyers des classes F et G en cours de bail. Et encore, le gel des loyers ne s’applique pas aux logements sociaux.

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Rénovation énergétique impossible ?

Ensuite, pour l’auteur, chacun des 600 000 logements retirés du marché locatif est occupé par 3 personnes. 3 x 600 000 =1 800 000 personnes à la rue. C’est fantaisiste. De plus, il y a des preuves de notre capacité à les rénover. Entre janvier 2023 et janvier 2024, le nombre total de passoires énergétiques a baissé de 500 000 logements, 191 000 pour le parc locatif privé. On ne tient pas compte, dans ce calcul, des conséquences de la correction du DPE pour les petites surfaces (depuis juillet 2024).

Certes, le chantier reste immense, mais chacun peut avoir une vision optimiste ou pessimiste de la situation. Entre autres éléments porteurs d’espoir, le dernier bilan de l’Anah montrait une augmentation des rénovations globales. Le déploiement de Mon Accompagnateur Rénov’ se poursuit. Malgré l’état des finances publiques, le budget 2025 consacre 2,3 milliards d’euros à la rénovation thermique. La sénatrice Amel Gacquerre travaille sur la banque de la rénovation pour aider les plus modestes… Etc.

Enfin, certaines de ces 600 000 passoires thermiques échapperont à l’obligation de rénovation énergétique. La loi contient déjà des exceptions : contraintes architecturales, impossibilité de faire les travaux nécessaires en copropriété… Et puis, la proposition de loi visant à clarifier les obligations de décence énergétique prévoit également des ajustements.

Que valent les trois propositions ?

Malheureusement, l’Institut Sapiens ne détaille pas ses trois propositions. En l’état, la première n’est pas très claire. « Si des objectifs précis doivent être retenus, ils doivent concerner d’abord des travaux de réhabilitation ». Précisément, la classe DPE incarne l’objectif de réhabilitation.

La deuxième, à savoir la mise en place d’un statut d’investisseur privé est déjà prévue. En début d’année, la ministre chargée du Logement a annoncé lancer une mission flash pour mettre en place un statut de bailleur privé afin de relancer l’investissement locatif. L’objectif est de l’instaurer dès 2026.

Quant à la troisième, un DPE ne peut pas être une simulation post-travaux, ou alors c’est un DPE projeté. Cependant, il y a l’audit énergétique, nécessaire pour toute rénovation globale (MaPrimeRénov’ Parcours Accompagné, accessible aux bailleurs). Il fournit l’information sur la performance énergétique post-travaux réclamée par M. Bernard Cadeau.

Bref, oui le marché locatif est tendu pour de nombreuses raisons (dispositif fiscal moins avantageux pour les investisseurs, explosion des locations touristiques de type Airbnb, augmentation de la durée d’occupation des logements…), dont les obligations de rénovation énergétique. Néanmoins, au lieu de mal interpréter des statistiques, concentrons-nous sur les solutions pour développer un parc de logements économes en énergie.

DPE et marché locatif : Sources et (re)lectures
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2 Commentaires

Commenter
  1. M
    Maxime 6 mars 2025 - 13h59

    Les études de l’institut sapiens sur le sujet ne valent absolument rien. Ils n’hésitent pas à mélanger des données d’avant et d’après 2021, niant le changement de réglementation. Je l’ai fait remarquer à Erwann Tison, mais il semble avoir fait exprès de l’ignorer.
    https://x.com/Maxime25566728/status/1730668753279397971?t=9xPqntyz3hr9DwAzJUX2Xw&s=19

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 6 mars 2025 - 14h08

      Oui, nous l’avions déjà constaté précédemment. C’est un peu étrange pour un think-tank qui se définit comme non partisan.
      L’ennui, c’est que leurs études sont fréquemment reprises sans recul par des personnes peu ou mal informées.

      Répondre

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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