La proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, souvent appelée loi Airbnb, est arrivée au Sénat avec le pont du 8 mai 2024. Le texte de la commission des affaires économiques et son rapport n°586 ont donc pu passer inaperçus. Nous ne connaîtrons le contenu définitif de la loi qu’à compter du 21 mai. En attendant, il nous semble utile de faire le point sur l’évolution du texte et ses enjeux.
À quoi sert cette loi Airbnb ?
Cette proposition de loi sert d’abord à favoriser les locations de longue durée. Les rapporteurs, Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz, connaissent les conséquences de l’essor des meublés de tourisme. En effet, dans leurs départements, il y a de plus en plus de meublés de tourisme, au détriment des logements à l’année. En général, dans de nombreuses communes touristiques, les locations Airbnb tendent à remplacer l’habitat permanent.
Fin avril, Airbnb a publié une étude sur la contribution économique des hébergements de courte durée loués par le biais de plateformes en France. Ils auraient généré 43 milliards d’euros en 2023. Cela dit, la proposition de loi n’est pas destinée à interdire ces locations. Son but est de trouver un juste équilibre pour faire face à la crise du marché locatif, tout en conservant les avantages économiques et sociaux issus des activités touristiques.
Quels sont les principes de la PPL Airbnb ?
Les propriétaires peuvent notamment choisir de louer un meublé touristique pour :
- éviter la future interdiction de location des passoires thermiques ;
- profiter de la fiscalité plus favorable qu’avec une location longue durée.
Or plusieurs élus locaux appellent à l’aide les pouvoirs publics. Outre la crise du marché locatif, les locations touristiques engendrent des dégradations, des nuisances sonores, etc. La PPL du 28 avril 2023 contenait donc les grandes mesures de régulation suivantes :
- obligation de déclaration de la location d’un meublé touristique ;
- autorisation préalable dans les communes en zones tendues ;
- DPE obligatoire (sauf dérogation justifiée) et décence énergétique ;
- fiscalité modifiée (abattement fiscal abaissé) ;
- boîte à outils pour permettre aux élus de réguler le marché.
Elle a fait l’objet de plusieurs amendements, d’abord à l’Assemblée nationale à l’hiver 2023, puis au Sénat le 7 mai 2024. Il y a eu 200 amendements au total. Faisons le point sur le texte actuel, soumis au vote des sénateurs et sénatrices la semaine prochaine.
Enregistrement et décence du meublé touristique
La commission des affaires économiques a conservé la généralisation de la procédure de déclaration, avec enregistrement, de la location d’un meublé de tourisme. Elle repose sur la mise en place d’un téléservice national. Le respect des critères de décence énergétique est l’une des pièces justificatives requises.
De plus, il y aura suspension de la validité du numéro d’enregistrement en cas d’arrêté de péril. Actuellement, les arrêtés de péril et les situations d’insalubrité n’empêchent pas la location touristique. La loi Habitat Dégradé interdit déjà la location dans ce contexte, mais sans mentionner clairement les locations touristiques. Signalons d’ailleurs un amendement obligeant le loueur à attester du niveau de sécurité incendie et électrique minimal.
Le numéro cessera également d’être valide lorsque le meublé de tourisme est un logement social. Le but est d’empêcher la sous-location, interdite. Les plateformes comme Airbnb devront retirer les annonces en l’absence de numéro d’enregistrement valide.
DPE et décence Énergétique des locations airbnb
Alors que les hôtels sont soumis aux exigences du décret tertiaire et les logements permanents à celles de la loi Climat et Résilience, les meublés de tourisme n’ont aucune obligation. Cette exception se justifiait jusqu’alors par l’absence de précarité énergétique du locataire occasionnel. Cependant, primo, les hôteliers y voient un élément de concurrence déloyale. Secundo, les bailleurs de passoires thermiques pourraient opter pour ce type de location afin d’échapper à l’obligation de rénovation énergétique.
La commission conserve le DPE obligatoire lors de la transformation d’un logement en meublé de tourisme nécessitant une autorisation. Elle ne modifie que sa portée. Dans ce contexte, les logements classés DPE F ou G n’obtiendront pas l’autorisation de changement d’usage, temporaire ou définitif. Par ailleurs, dès le 1er janvier 2034, tous les meublés de tourisme devront avoir une classe DPE située entre A et D.
Élus locaux et régime d’autorisation
Initialement, le régime d’autorisation préalable devait être obligatoire dans les communes en zones tendues selon le zonage « PTZ » (prêt à taux zéro). Cette obligation est remplacée par une faculté ouverte aux communes situées en zones tendues éligibles à la taxe sur les logements vacants. Ailleurs, il n’y a plus d’autorisation préfectorale nécessaire pour l’instaurer.
Autrement dit, toutes les communes peuvent décider de mettre en place un régime de changement d’usage. Il suffira d’une délibération motivée par un déséquilibre entre l’offre et la demande. En outre, elles pourront abaisser le plafond du nombre de jours de location d’une résidence principale si elles le souhaitent. Enfin, ce régime pour la location de meublés touristiques s’étendra aux locaux professionnels.
Sanctions et lutte contre les fraudes
Le texte renforce les sanctions dissuasives. En cas de non-respect de la procédure d’enregistrement, une amende administrative, prononcée par la commune, remplace l’amende civile prononcée par le tribunal judiciaire :
- jusqu’à 5 000 € : défaut de déclaration préalable ;
- jusqu’à 15 000 € : fausse déclaration ou faux numéro de déclaration.
Cette dernière amende est une nouveauté. En revanche, l’amende civile pour non-respect de la limitation à 120 jours par année civile de location reste identique (10 000 €). L’augmentation des sanctions entrerait en vigueur le 15 septembre 2024.
Concernant les évolutions fiscales pour les meublés touristiques, la commission des affaires économiques délègue à la commission des finances. Le rapporteur, Jean-François Husson, a rendu son avis n°579, publié samedi 11 mai. Il rappelle l’imbroglio du PLF 2024 à ce sujet et s’inquiète de l’absence d’étude d’impact quant à la mise en œuvre du dispositif.
Sécurisation des outils des communes
De nombreux élus ont mis en place des outils, localement, qui génèrent des contentieux. La commission des affaires économiques a pris plusieurs amendements pour sécuriser ces dispositifs. Pour obtenir des détails, consultez l’article 2 du texte et les pages 4 et 5 de la synthèse.
Entre autres mesures, citons celle qui relève de la conformité de la location touristique au bail ou au règlement de copropriété. La commission propose d’instaurer une déclaration sur l’honneur du demandeur. Si l’efficacité de cette obligation peut interroger, elle sera renforcée par la possibilité, pour les copropriétaires, d’exercer des recours.
Enfin, il y a l’instauration d’une servitude de résidence principale pour les constructions nouvelles. Le maire pourra mettre en demeure le locataire ou le propriétaire d’occuper le logement à titre de résidence principale.
Qui est concerné par la future loi Airbnb ?
La loi s’applique uniquement aux loueurs d’un logement qui n’est pas leur résidence principale. Elle concerne aussi, forcément, les diagnostiqueurs situés dans des zones où il y a une forte tension locative. Ils devraient alors être appelés pour réaliser des DPE avant une location de courte durée. En prime les DPE antérieurs à juillet 2021 seront caducs à la fin de l’année.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques rappelle que l’encadrement des meublés touristiques n’est pas le remède miracle à la crise du marché locatif. Elle invite donc le Sénat à prendre en compte le rapport d’information sur la crise du logement. Il prévoit de décaler les échéances de la loi Climat Résilience. L’interdiction de louer les logements classés G débuterait au 1er janvier 2028 au lieu du 1er janvier 2025.
Néanmoins, l’autorisation préalable, prévue à l’article L.631-7 ou à l’article L.631-7-1 A du CCH, resterait conditionnée à la présentation d’un DPE. L’entrée en vigueur reste à définir par décret. Le Sénat votera, en séance publique, le 21 mai 2024. La loi pourrait être promulguée avant l’été.
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