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Christian Cardonnel est expert en confort durable et efficience énergétique du bâtiment résidentiel, à l’origine de la méthode CUBE. Aujourd’hui consultant auprès de la DHUP, DGEC, ADEME, club CEE ATEE, membre de nombreux comités référentiels et du CSCEE, l’auteur du Manifeste pour un diagnostic & audit du bâtiment résidentiel efficient répond à Quotidiag.
Le DPE est toujours au cœur des débats. Comment faire en sorte de renforcer sa fiabilité ?
Il faut essayer de rendre les choses plus cohérentes, mais actuellement, personne ne prend en compte les problèmes techniques. Donc on fait un peu n’importe quoi. On construit sur du sable.
Aujourd’hui, par exemple, il n’y a pas de test de cohérence sur le calcul des surfaces. On peut allègrement tricher sur les surfaces de déperdition, et donc rapidement obtenir un bâtiment classé F ou G avec une consommation d’énergie relativement élevée.
Ensuite, quand on fait le calcul après travaux, on gomme certaines surfaces. Puis on prend en compte des valeurs et des rendements plus élevés à la place des valeurs par défaut. Et on obtient des couples bâtiments-systèmes beaucoup plus cohérents et performants.
Pour les petits logements, ça peut poser de gros soucis. En particulier au niveau des besoins d’eau chaude sanitaire qui sont très importants. Parce que, globalement, il y a plus d’occupants ramenés au mètre carré habitable que dans les grands logements. Et comme les valeurs de rendement de distribution et production d’eau chaude sanitaire sont forfaitaires, on obtient des consommations qui sont très élevées.
Il y a aussi des erreurs sur les données climatiques, en particulier sur les apports solaires. Il est vraiment dommage de réduire les apports solaires à travers les baies vitrées. On pourrait avoir effectivement des bilans beaucoup plus intéressants.
Idem pour les valeurs de rendement de système, qui sont souvent forfaitaires. On prend par exemple un réseau de distribution ECS collectif non isolé avec un rendement de 26 ou 28 %, sans définir le niveau d’isolation, ni les diamètres et les longueurs. Or, avec un réseau isolé, c’est tout de suite 55 % de rendement quelle que soit la classe d’isolant mis en place. Donc on améliore sensiblement le rendement. Mais on n’a pas de justification sur l’isolation du réseau.
Beaucoup de points posent problème. Et je voudrais effectivement qu’on puisse rééquilibrer et mieux structurer les calculs.
Pourquoi, selon vous, ces points techniques ne sont-ils pas améliorés ?
C’est surtout dû à un manque de temps et de moyens. Au niveau des ministères, les ingénieurs restent en poste deux ou trois ans, et puis partent. Il faut chaque fois tout rebâtir, sans que la technique soit mise en exergue.
Des travaux seraient en cours, en lien avec le CSTB, pour améliorer la méthode du DPE. Mais c’est silence radio, on n’entend rien de précis.
Il faudrait peut-être une institution en charge exclusivement du DPE et de l’audit ?
Il faudrait peut-être, effectivement, quelque chose d’un petit peu plus cohérent. Et une écoute des professionnels. Globalement, les diagnostiqueurs et les auditeurs utilisent la méthode, ils cochent des cases. Mais quelquefois après une formation thermique de quelques heures seulement. C’est problématique. Les valeurs par défaut ou forfaitaires ne sont pas adaptées à une approche cohérente. Il faut aboutir à un calcul des besoins en kWh puis des différentes pertes en kWh.
Les diagnostiqueurs NE SAVENT PAS TOUJOURS QUOI noter, simplement parce que le logiciel ne le permet pas.
Prenons l’exemple simple d’une maison individuelle de 100 m² habitables, construite sur deux niveaux. Souvent, ces deux niveaux sont l’un au-dessus de l’autre et de surface égale à 50 m². Donc 50 m² de plancher bas et 50 m² de plafond haut.
Ensuite on mesure le périmètre intérieur d’un niveau, de 32 m par exemple. On peut rapidement estimer la surface des parois verticales. Elles sont égales au périmètre fois la hauteur sous plafond (2.5 m) et fois 2 pour les 2 niveaux = 160 m².
Pour estimer la surface des murs extérieurs opaques, il faut déduire la surface des baies vitrées et portes d’accès (de l’ordre de 1m² pour 5 à 6 m² habitable). Ainsi, on estime rapidement les différentes surfaces déperditives et linéaires des ponts thermiques. Puis, en fonction des U et ψ (psi) des éléments, obtenir le coefficient H (W/K) de la construction dans son état initial ou futur.
Tout ça pourrait être plus cohérent. La géométrie euclidienne permet de prendre en compte le rapport Cp entre le périmètre et la racine carrée de la surface qui est toujours une constante en fonction de la forme. Rectangle, carré, cercle, pentagone ou autre … On peut ainsi faire un contrôle de cohérence.
J’ai déjà vu, par exemple, dans des calculs, des longueurs de réseau de distribution trop importantes par rapport à la réalité. Ce qui arrange bien pour obtenir des CEE, puisqu’on calcule les CEE en fonction de ces longueurs.
D’autres points posent problème. Je pense aux nouvelles techniques de pompe à chaleur ou PAC hybride. La récupération de chaleur sur les eaux grises n’est pas prise en compte dans la réglementation. Pareil pour l’autoconsommation du photovoltaïque, d’ailleurs.
En rénovation collective, on obtient souvent des consommations énormes au niveau de l’eau chaude sanitaire. Parce qu’on doit effectivement définir une valeur forfaitaire de réseau de distribution. Et puis, les pertes du stockage et génération sont très mal prises en compte.
La méthode CUBE pourrait régler ces soucis. Cette méthode est pour moi un véritable fil d’Ariane et un travail étape par étape.
Voilà 20 ans que vous travaillez sur la méthode CUBE
Effectivement, et au fil du temps j’en améliore les aspects techniques et pédagogiques :
- On part du site, avec les données climatiques mois par mois et les jours extrêmes froid et chaud, les ressources disponibles (énergies, eau, …).
- Puis on prend en compte la typologie du bâtiment. Sa forme, le nombre de niveaux, les différentes surfaces. En résidentiel : quel est le rythme de vie (conventionnel ou réel). Et à l’intérieur du bâtiment : température de chauffage/rafraîchissement, besoin ECS et de ventilation.
- On regarde ensuite l’isolation thermique des différentes parois : les murs, les baies vitrées, les planchers, les ponts thermiques, etc. Et l’inertie thermique du bâtiment et sa constante de temps.
- Ensuite, on se penche sur la ventilation, la qualité de l’air à l’intérieur du bâtiment. Mais aussi les infiltrations en prenant en compte l’évolution de la température extérieure et du vent. Pour l’instant, dans la méthode 3CL, on a des valeurs forfaitaires des débits de ventilation, ce qui pose effectivement certains soucis,
- Ce point concerne la gestion des apports gratuits internes et solaires. On regarde aussi le confort d’été et la problématique de trop d’apports. Il faut se protéger du soleil avec des stores, des volets. Et faire en sorte que la ventilation soit optimale pendant les heures les plus fraîches,
- Ici on aborde le besoin de chauffage/rafraîchissement avec le ratio apports gratuits/déperditions et l’inertie. Et les besoins en eau chaude sanitaire et lumière, mois par mois, en fonction des normes de calcul en vigueur. On analyse aussi le comportement du bâtiment les jours extrêmes froid et chaud.
- On s’attaque aux systèmes de chauffage voir de rafraîchissement. À la fois le mode d’émission et gestion de la chaleur, la distribution, la génération et bien sûr les énergies utilisées. Pour l’eau chaude sanitaire, on part du besoin et des points d’utilisation. Et on calcule les pertes du réseau de distribution individuel et/ou collectif, le stockage ECS et la génération avec le recours aux énergies traditionnelles ou renouvelables (solaire, PAC, eaux grises …). Une représentation avec un diagramme en cascade permet une mise en exergue les postes importants et à traiter en priorité.
- Une fois qu’on a connaissance de tous ces éléments, c’est le point de synthèse en kilowattheure. On se penche sur l’énergie finale ou primaire, les rejets de CO² par mètre carré et par an, et en coût d’exploitation, etc.
Il est alors possible de revenir en arrière, à rebrousse-poil. Pour recalculer au mieux, par exemple si l’on prévoit des travaux d’isolation. On peut faire la bascule entre les besoins de chauffage et d’eau chaude sanitaire à la conception du bâtiment, et les consommations dues plutôt aux performances des systèmes.
C’est plutôt comme ça qu’on pourrait mieux cadrer des aides à la rénovation. Et gagner en efficience en fonction des réelles économies.
Adopter la méthode CUBE pour le DPE ou l’audit permettrait de les fiabiliser, et de fiabiliser les aides ?
Bien sûr. Cette méthode CUBE a été très utilisée par la CAPEB il y a quinze ans, avec les artisans RGE de l’époque. Je l’ai diffusée, avec le BET éponyme, au travers de plus de 10.000 licences et de nombreuses formations. Puis, tout a évolué avec les marchés, les CEE et Ma Prime Rénov’. Et bien sûr le DPE-Audit avec sa méthode de calcul 3CL.
On entend parler de la possible décentralisation de Ma Prime Rénov’. Votre avis ?
Je pense que ce serait un bon point. Cela permettra de gagner en efficience. D’optimiser les moyens mis en œuvre pour obtenir le meilleur résultat possible. Aujourd’hui, tout est centralisé, même si l’Anah travaille avec un réseau coordonné.
En tant que membre de la commission de qualification Audit Qualibat 8731, je vois des horreurs dans certains dossiers de demande de qualification. Je pense que si on avait des circuits beaucoup plus courts, régionaux, ça permettrait effectivement d’être beaucoup plus cohérents. Peut-être d’avoir une réaction plus vive. Et de pister au mieux les éco-délinquants.
On a noté plus de 150.000 appels le jour de la réouverture du guichet Ma Prime Rénov’. Ce qui a généré une panne et l’arrêt du guichet durant une semaine. Mais de toute façon, avec 13.000 dossiers de rénovation globale pour la fin d’année 2025, ce n’est pas grand-chose par rapport au nombre réel des passoires et bouilloires thermiques/énergétiques et leurs pauvres occupants.
Et puis, je ne suis pas sûr que le plan de financement pour 2026 puisse intégrer correctement l’aide promise. Les CEE vont venir en secours. Mais attention à l’impact sur le prix de l’énergie payé par les usagers.
La situation est d’autant plus compliquée avec la valse des ministres…
C’est vrai que Madame Valérie Létard a essayé de faire au mieux. Elle avait plutôt une bonne aura auprès des professionnels. Je pense que nous aurons un gouvernement beaucoup plus rétréci. Cela risque d’être un petit peu différent.
Que dire aux personnes qui souhaitent se reconvertir dans le diagnostic immobilier ?
C’est très compliqué actuellement. Personnellement, je ne conseillerais pas à un jeune de rentrer comme ça dans la profession sans connaissances d’au moins quelques années, ni une solide formation.
Propos recueillis le 7 octobre 2025



malheureusement le DPE sera toujours au centre des polémiques quelque soit la méthode. la raison: beaucoup de donneurs d’ordre ont intérêt à faire produire des notes sur-évaluées. rien n’est fait à ce jour contre ça. rien n’est fait pour protéger les diagnostiqueurs de la presssion de l’immobilier. regarder ailleurs ne sert à rien.
le problème est surtout que le DPE tel qu’il a été créé à l’origine devait être un outil simple, donnant une tendance. pas un instrument de mesure. il était adapté à la profession, encore jeune à l’époque, de diagnostiqueur.
Aujourd’hui le DPE est devenu un enjeu. Il sert de baromètre pour l’ensemble de la politique énergétique du logement. Il nécessite des compétences et des connaissances que même les plus anciens diagnostiqueurs n’ont pas toujours, et que les centres de formation ne dispensent pas correctement.
Au-delà de la révision de la méthode, il faudrait surtout se poser la question : le DPE doit-il vraiment rester l’apanage des diagnostiqueurs ? ou redevenir l’outil informatif simple et clair d’origine, laissant le rôle de baromètre à un audit renforcé ?
Je ne peux m’empêcher de réagir quand je lis certaines parties (même si en majorité le reste est juste et pertinent) :
1/ Pour le test de cohérence des surfaces, comme cela dépend de la forme et des différentes exposition, oui cela reste possible mais difficile de détecter plus de 30% des vrais incohérences à ce niveau sans avoir été sur place ou sans une vue aérienne ou via GoogleStreetView
2/ Quand on fait des propositions de travaux on améliore en effet l’enveloppe ainsi que les rendements, je ne vois pas ce qu’il y a à améliorer, c’est déjà ce que fait la méthode actuelle
3/ De quel pourcentage de gain sont les apports solaires sur les parois opaques ? 3 à 5% sur les murs …. qui représentent 30% des pertes du chauffage qui représente lui-même 75% du DPE soit au final 0.03 ou 0.05 x 0.30 x 0.75 soit 0.7 à 1.1% du DPE … il y a d’autres erreurs bien plus impactantes
4/ On calcule déjà les besoins et on calcule aussi des pertes …
5/ Sur les surfaces avec l’exemple de la maison de 100 m² il est sous-entendu qu’il faudrait revenir à une estimation de surfaces et à des ratios de surfaces vitrées plutôt que des relevés réels ? C’est une blague ?
6/ Vous avez déjà vu dans des calculs des longueurs de distribution trop importante par rapport à la réalité ? ça ne doit pas être dans des calculs de DPE, nous n’avons pas la main là dessus
7/ La production PV est prise en compte (même si elle l’est très mal), qu’elle soit auto consommée ou pas dans le DPE (c’est la production qui compte)
8/ Sur l’intérêt de la méthode CUBE, partie ventilation, la méthode actuelle décompose en 2 composantes les pertes par ventilation dont une des deux tient compte de la perméabilité de l’enveloppe
Sinon entièrement d’accord avec :
– L’idée de rendre les chose plus cohérentes
– Le fait que les politiciens ne prend aucunement en compte les problème techniques
– Que nous travaillons avec un cadre en sable (j’ajouterais « mouvant »)
– Les conso ECS des petits logements sont très élevées (mais c’est normal)
– On pourrait utilement travailler sur plus de détail des données climatiques (le regroupement de plusieurs départements en zones climatiques dans la dernière méthode est une hérésie), aller vers du pas horaire serait plus judicieux
– Les rendements sont à revoir (il y a une erreur d’ailleurs dans la méthode actuelle qui donne des pertes qui évoluent selon l’ancienneté d’un même système alors que son rendement est fixe … alors que le rendement dépend des pertes !)
– Ajouter des détails sur l’isolation des réseaux (de quelle partie parle t(on ? Sur quel pourcentage de la distribution ou quelle longueur ? Quelle épaisseur ?)
– Il manque des moyens impliqués au ministère (mais on ne les aura de toute façon jamais)
– D’accord pour faire évoluer plus souvent la méthode et inclure les matériaux innovants (systèmes aérovoltaïques, récupérations d’énergie sur eaux grises, ..) et d’autres qui manques alors que plus anciens (madriers bois , …)
– De la valse des ministres ..
– Du besoin d’une formation solide
mais quelle que soit la méthode que l’on nous imposera demain, par pitié soyons pragmatiques, avant de retenir une méthode, appliquons la à une cinquantaine de biens occupés normalement et comparons les conso réelles avec les résultats de la méthode en faisant une correction climatique bien évidemment et s’il y a plus d e5% d’écart entre les deux … revoyons la méthode jusqu’à ce qu’elle soit pertinente … ça évitera que des clients nous en tiennent, nous diagnostiqueurs (😉) pour responsables !