revenir à l'Accueil
Toute l'actualité

Mentionner la présence d’amiante pour s’exonérer

Partager cet article sur

Le diagnostiqueur a mentionné la présence d’amiante, dans le rapport et dans l’acte de vente. Il a aussi conseillé des investigations complémentaires. La justice le condamne néanmoins à indemniser le préjudice de l’acquéreur.

présence d’amiante en proportion indéterminée

M. V. achète une ancienne exploitation agricole réhabilitée en maison. Le logement comporte plusieurs dépendances. Le diagnostiqueur réalise, entre autres, le diagnostic amiante. Il note, dans le rapport, qu’il y a présence de matériaux et produits contenant de l’amiante dans les toitures du hangar et de l’abri de jardin.

L’opérateur précise aussi : « la toiture de la maison étant recouvertes de tuiles, il n’a pas été possible d’inspecter les sous faces de toiture (…). Il est possible que celles-ci soient en plaques ondulées fibrociment. Des investigations complémentaires seront nécessaires pour infirmer ou affirmer la présence de ces matériaux ».

Plaques fibrociment amiantées dans les toitures

M. V. emménage dans son nouveau logement. En raison de problèmes d’infiltrations d’eau par la toiture, il fait appel à un couvreur. L’artisan refuse d’intervenir à cause de la potentielle présence d’amiante. L’acquéreur fait assigner la société de diagnostics et son assureur pour obtenir le paiement du coût des travaux de désamiantage, des dommages et intérêts ainsi que des frais de procédure.

Le juge ordonne une expertise judiciaire. Le rapport d’expertise met en évidence la présence de plaques de fibrociment amiantées dans la quasi-totalité des toitures, L’expert rappelle que le diagnostiqueur doit repérer l’amiante et effectuer des prélèvements. « Le simple avis du technicien n’est plus possible pour déterminer la présence d’amiante ou pas ». En effet, « la présence de plaques de fibrociment réputées contenir de l’amiante était visible et accessible dans toutes les parties des différentes toitures composant l’immeuble ».

tentative pour s’exonérer de sa responsabilité

Pour s’exonérer de leur responsabilité, le diagnostiqueur et l’assureur soulignent la mention de la présence d’amiante dans l’acte de vente. L’acheteur savait qu’il y avait des matériaux et des produits contenant de l’amiante dans le bien. Il a choisi de l’acquérir sans faire procéder à des investigations complémentaires.

En outre, il n’y aucun risque sanitaire prouvé. M. V. n’a donc pas subi de préjudice. La cour rétorque qu’à la lecture du rapport, l’acquéreur pouvait croire qu’il achetait un bien exempt d’amiante à l’exception de bâtiments annexes, de taille modeste et éloignés du corps principal. Par ailleurs, la présence d’amiante constitue en soi un préjudice.

Étendue du préjudice lié à la présence d’amiante

L’expert détaille le préjudice lié à la présence d’amiante :

  • Impossibilité de réaliser des travaux dans des conditions normales,
  • Surcoût de protection ou de retrait des matériaux amiantés,
  • Évolution de la réglementation tendant vers « l’interdiction à terme de vendre ou de mettre en location des bâtiments contenant des matériaux amiantés »,
  • Dépréciation de la valeur du bien immobilier.

Le couvreur témoigne qu’il a effectivement refusé d’intervenir pour éviter de s’exposer à l’amiante compte tenu de la date de construction. M. V. doit donc faire réaliser des travaux de désamiantage de l’ensemble de la toiture pour régler son problème de fuite. D’ailleurs, « il ne pourra entreprendre aucun travaux sur la toiture, même ceux relevant d’un simple entretien, sans prendre des précautions particulièrement onéreuses et contraignantes ».

Condamnation et montant de l’indemnisation

Le tribunal de grande instance de Nantes avait condamné solidairement le diagnostiqueur et son assureur à payer 123 209,84 € au titre des préjudices liés aux travaux de désamiantage. La cour d’appel de Rennes ne fait pas supporter au technicien le désamiantage des locaux dans lesquels il avait signalé la présence d’amiante. Le jugement est infirmé sur ce point. Elle condamne la société de diagnostics et l’assurance à verser :

  • 109 130, 80 € : préjudices matériels liés aux travaux de désamiantage,
  • 10 000 € : préjudice de jouissance,
  • 5 000 € : l’article 700 du code de procédure civile.

La somme correspondant aux préjudices matériels subis est augmentée du taux de l’indice BT 01 du coût de la construction entre la date du devis et l’arrêt.

Cour d’appel de Rennes, RG n°20/03853, 6 décembre 2022.

Partager cet article sur

10 Commentaires

Commenter
  1. G
    Grégory 14 décembre 2022 - 12h57

    Je ne comprends pas ce que le diagnostiqueur aurait pu faire de plus?
    Sauf preuve du contraire,il n’est pas prévu dans le champ d application d’un amiante avant vente de monter sur les toits et de retirer des tuiles pour voir ce qu’il y a en dessous.
    D autre part le diagnostiqueur a émis une réserve sur le fait qu’il n’a pas pu accéder à la sous face de la toiture.
    Qu’est ce qu’il aurait pu faire de plus?
    Je ne comprend vraiment pas comment il peut être tenu pour responsable…
    Notre métier devient vraiment très compliqué… dès qu’il y a un problème c’est systématiquement la faute du diagnostiqueur…
    Ça devient désolant…

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 14 décembre 2022 - 13h29

      L’expert mentionne le décret n°2011-629 du 3 juin 2011 et à l’annexe 13-9 « faisant obligation au diagnostiqueur de rechercher la présence de matériaux amiantés dans les couvertures extérieures d’une part, et d’autre part, à effectuer des prélèvements aux fin d’analyse ».
      « Se référant à l’annexe 13-9 du décret susvisé ainsi qu’aux conclusions de l’expert, le tribunal a par une juste motivation que la cour adopte, retenu que [la société de diagnostics] n’avait pas mis en œuvre les règles de l’art, de sorte que sa faute est caractérisée ».
      J’aurais sans doute dû préciser, dans l’article, que selon l’expert, « la présence de plaques de fibrociment réputées contenir de l’amiante était visible et accessible dans toutes les parties des différentes toitures composant l’immeuble ».

      Répondre
      • J
        JC 14 décembre 2022 - 14h01

        Oui, il aurait été bien de le dire car ça change toute la lecture de l’article.

        Répondre
      • G
        Grégory 15 décembre 2022 - 10h04

        Effectivement si les plaques fibro étaient visible et/ou accessibles ça change tout et je comprend mieux la décision du tribunal.

        Répondre
  2. L
    Laurent 14 décembre 2022 - 13h41

    De mon point de vue, j’aurais mis la toiture en éléments non inspectés et demander de rendre les lieux accessibles pour une contre-visite et évidemment j’aurais rendu un pré-rapport…

    Répondre
  3. P
    Pierre 14 décembre 2022 - 18h01

    Ceci veut dire que le diagnostiqueur n’a pas visité les combles par lesquels les plaques de fibro pouvaient être visibles et accessibles… il aurait dû mentionner que les combles n’étaient pas accessibles….
    125k€ c cher pour un desamiantage…

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 15 décembre 2022 - 13h38

      Concernant le coût du désamiantage, certaines contraintes sont mentionnées. Par exemple, il est parfois impossible de ne changer que des portions de toiture.

      Répondre
  4. L
    Laurent 15 décembre 2022 - 12h08

    Effectivement, le complément de l’article modifie mon point de vue 😅 si les éléments étaient visibles et accessibles, je comprends pas pourquoi l’ODI ne les as pas vu 🤔. C’était visible à partir de combles perdus ?

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 15 décembre 2022 - 13h36

      Il n’y a aucune précision en dehors de la phrase de l’expert désormais ajoutée dans l’article. En tout cas, le mot « comble » n’apparaît pas dans le jugement.

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

.
Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

Rénovation énergétique, quid des politiques publiques ?

Previous article

DPE des immeubles en monopropriété

Next article