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MaPrimeRénov’ et les passoires thermiques en 2025

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29 organisations signent une lettre ouverte au Premier ministre, Michel Barnier. Elles réclament le maintien de MaPrimeRénov’ monogestes pour les passoires thermiques (étiquettes F et G du DPE). Les signataires de la lettre s’opposent donc au retour du DPE obligatoire avant travaux au 1er janvier 2025. Examinons leurs arguments.

Réforme MPR 2024, DPE et rétropédalage

Commençons par un petit rappel des évènements du 1er semestre 2024 relatifs à MaPrimeRénov’ (MPR). Au 1er janvier 2024, une réforme de la prime entre en vigueur. Elle oblige à réaliser un DPE avant de demander l’aide la plus connue des ménages. En effet, à compter du 1er juillet 2024, la classe énergétique conditionne les travaux éligibles :

  • DPE A à E : accès à MPR pour des travaux monogestes
  • DPE F ou G : rénovation d’ampleur avec parcours accompagné (Mon Accompagnateur Rénov’).

Par monogestes, on entend notamment l’installation d’un système de chauffage décarboné. Une rénovation d’ampleur inclut deux gestes d’isolation et permet de gagner deux classes DPE. Début mars 2024, la CAPEB et la FFB obtiennent la révision du dispositif.

L’arrêté du 21 mars 2024 et le décret n°2024-249 suppriment l’obligation de fournir un DPE, « à titre exceptionnel » dixit l’ancien ministre du Logement, du 15 mai au 31 décembre 2024. Durant cette période, tous les propriétaires ont accès à MPR Monogestes, indépendamment du niveau de performance énergétique du bien.

Dans leur lettre ouverte au Premier ministre, 29 organisations, qui se définissent comme des acteurs de la rénovation, demandent le maintien, en 2025, des modifications entrées en vigueur le 15 mai. Autrement dit, l’exception deviendrait la norme « dans l’attente d’un travail à mener de simplification des parcours de rénovation ».

effondrement des travaux de rénovation

Pour obtenir une modification de la réforme MPR 2024, la CAPEB et la FFB s’appuyaient sur l’effondrement des travaux de rénovation aidés. Les signataires de la lettre utilisent le même argument. « La fin brutale de l’aide sur les monogestes a fortement ralenti la dynamique engagée (-56 % sur les monogestes au 1er semestre, qui constituent 87 % des actions de rénovation) ». Ils affirment aussi que « la rénovation par geste ne concurrence en rien la rénovation globale ».

Le dernier bilan MaPrimeRénov’ est semestriel (janvier-juin 2024). Il est donc difficile d’évaluer les conséquences des textes réglementaires entrés en vigueur le 15 mai. L’Anah dit toutefois constater « pour les rénovations par gestes, une dynamique accrue de dépôts post mesure du 15 mai 2024 ». Dans le même temps, le graphique (page 9) montre une stagnation des rénovations d’ampleur à compter de mai 2024. Au contraire, elles avaient fortement augmenté au cours des mois précédents.

À cet égard, le prochain bilan trimestriel sera intéressant. Cependant, il faudra sans doute attendre le second bilan semestriel pour en tirer des conclusions. Par ailleurs, il n’y a jamais eu de « fin brutale de l’aide sur les monogestes ». Avant le 15 mai 2024, les propriétaires de passoires thermiques en bénéficiaient déjà. C’est au 1er juillet 2024 qu’elle aurait dû être supprimée pour les classes F et G. Tout ce qui a disparu le 15 mai, c’est le DPE obligatoire dans les dossiers de demande d’aide, devenu facultatif.

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instabilité et massification des rénovations

Nous sommes parfaitement d’accord avec le second et principal argument : l’instabilité du dispositif empêche la massification des travaux de rénovation. Cela dit, le ministère de la Transition écologique avait passé plus de 6 mois à présenter la réforme MPR de 2024. L’Anah avait édité de multiples guides pour les propriétaires occupants et bailleurs. Tout cela est devenu caduque moins d’un semestre après l’entrée en vigueur de la réforme.

Par conséquent, défendre le maintien du système actuel pour des raisons de stabilité, c’est gonflé. L’important est plutôt d’avoir un dispositif efficace. Remplir cette condition d’efficacité nous pousse naturellement vers la stabilité. Quand un dispositif fonctionne, nul besoin de le réformer. Est-ce que le dispositif actuel est assez efficace pour être maintenu ? Compte tenu des objectifs – un maximum de logements atteignant l’étiquette A et B du DPE, a minima l’étiquette C – on peut en douter.

Enfin, MaPrimeRénov’ est déjà en train d’évoluer. À compter de 2025, les règles d’écrêtement changent pour les parcours MPR accompagnés. Le décret n°2024-819 du 15 juillet 2024 permet à un ménage intermédiaire de financer 80 % de sa rénovation d’ampleur, jusqu’à 60 % pour un ménage aisé. Le reste à charge sera également réduit pour tous les ménages. Rappelons aussi que la prime est majorée pour les logements classés F et G avant travaux (bonus sortie de passoire thermique).

Intérêt collectif, DPE et décarbonation

Nous comprenons que le maintien du dispositif actuel profite aux acteurs de la rénovation qui signent la lettre ouverte. À titre d’exemple, les artisans peuvent ainsi installer des pompes à chaleur, même lorsqu’un bâtiment est mal isolé. De plus, la crise de la construction neuve oblige les professionnels à se repositionner sur la rénovation. En revanche, les arguments qui mettent en avant l’intérêt collectif paraissent plus douteux.

Sans l’aide aux monogestes pour les passoires thermiques, « les gains de pouvoir d’achat liés à la réduction des factures énergétiques ne se concrétiseront pas pour de nombreux ménages et les objectifs de décarbonation de la France ne seront pas atteints pour le secteur du bâtiment ». La rénovation d’ampleur reste pourtant le meilleur moyen de réduire les factures énergétiques. Quant à la décarbonation, elle oblige à massifier la rénovation globale, comme indiqué dans la feuille de route de décarbonation de la filière bâtiment, dont la CAPEB était rapporteur. En voici un extrait :

« Le deuxième levier se concentre sur l’enjeu de la massification de la rénovation globale, qui ne représente aujourd’hui qu’un dixième des projets de rénovation entrepris alors qu’elle constitue le mode le plus efficace. » Le troisième consiste à « rehausser les objectifs de rénovation en visant un niveau de consommation BBC (bâtiment basse consommation) pour l’ensemble du parc immobilier […] Ce niveau permet en effet d’atteindre des seuils performants, d’éviter des travaux de rénovation ultérieurs et de garantir un meilleur retour sur investissement ».

performance énergétique du parc résidentiel

De toute façon, les propriétaires ne pourront plus se passer du DPE. Ils ne bénéficient d’aucune aide lorsqu’un bien est non soumis au DPE à cause de l’absence de chauffage. Les banques observent le DPE et la capacité financière à réaliser les travaux avant d’octroyer un prêt. La décence énergétique du logement conditionne déjà, et conditionnera encore davantage, la mise en location. Au 1er janvier 2025, tous les DPE réalisés avant juillet 2021 perdront leur validité.

Enfin, comme précisé dans le récent guide du propriétaire bailleur, le DPE est la première étape clé d’un projet de rénovation. En prime, plus il y a de DPE enregistrés sur l’Observatoire de l’ADEME, plus notre connaissance du parc résidentiel s’améliore. Quantifier le taux de logements classés A, B, C, D, E, F ou G aide à bâtir une politique de rénovation énergétique cohérente. Que le DPE détermine ou non le parcours MPR, il nous semble nécessaire de l’imposer avant (et après) des travaux.

Mise à jour au 01/10/2024 : En réaction à la lettre ouverte, 15 acteurs, dont le collectif Rénovons, publient une lettre ouverte appelant le Premier ministre et la ministre du Logement à pérenniser le dispositif MPR dans sa version antérieure au 15 mai 2024.

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3 Commentaires

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  1. M
    Moreno 30 septembre 2024 - 17h39

    Une question, seuls les logements classés en F ou G peuvent bénéficier des aides pour la renovation d ampleur ? Un logement en E qui gagnerait 2 classes (avec deux gestes d isolation) ne pourrait pas beneficier des aides pour la rénovation d ampleur ? Merci.

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 30 septembre 2024 - 18h11

      Si, un logement classé E peut aussi en bénéficier. D’ailleurs, l’obligation de réaliser un audit énergétique avant la vente concernera les logements classés E dès janvier 2025. L’interdiction de louer s’appliquera aussi aux logements classés E en 2034. L’objectif est d’avoir un parc résidentiel classé A ou B en 2050, pas E.
      Le dispositif prévoit d’obliger les logements classés F et G à entreprendre une rénovation d’ampleur plutôt que des travaux monogestes. Mais il n’empêche pas les propriétaires de logements moins énergivores d’améliorer leur DPE avec des travaux aidés.

      Répondre
  2. R
    Raphaël 1 octobre 2024 - 17h00

    Bonjour
    il serait si simple de rendre obligatoire les DPE à chaque projet (travaux de rénovation courants, transactions immobilières, demandes de financement, constructions neuves ou extensions…..) et que ceux-ci soient pris en charge en totalité par les « obligés » ces fournisseurs d’énergie en majeure partie responsables des émissions de dioxyde de carbone.
    Mais cela reste un débat purement politique alors laissons nos têtes pensantes réfléchir à ce sujet.
    Dans tous les cas, toutes demandes de subvention (MAR, C2E…) ou prêts bancaires (bonifiés ou classiques) ne devraient être déposés sans l’appui d’un DPE.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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