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J’ai repris une société de diagnostics en solo sans clause actif/passif. Mon prédécesseur, seul aussi, est à la retraite. S’il y a un souci avec l’un de ses diagnostics, le vendeur va-t-il se retourner contre lui ou contre l’entreprise ? Quelle assurance RC Pro interviendra, la mienne ou la sienne ? D’ailleurs, si je change d’assureur, lequel doit garantir ?
Tribunaux, RC Pro et inquiétudes
Généralement, les diagnostiqueurs connaissent mieux le code de la construction et de l’habitation que le code des assurances. Dans le même temps, la crainte d’être mis en cause, à tort ou à raison, les préoccupe énormément. La hausse de la sinistralité entraîne notamment des questions récurrentes autour de la couverture de la police d’assurance.
Ainsi, récemment, un lecteur diagnostiqueur, qui a repris une entreprise individuelle, nous a demandé si l’ancien client de son prédécesseur, désormais à la retraite, pouvait se retourner contre lui. « Je ne trouve la réponse nulle part et je n’ai pas de clause actif/passif alors ça m’inquiète », nous écrit-il. Nous avons notamment contacté un cabinet d’assurance et Maître Damien Jost pour lui répondre.
RC Pro et garantie de passif
L’assureur nous confie qu’en cas de cession d’un cabinet, il regarde systématiquement s’il y a une clause de garantie de passif dans le contrat. « Quand des cabinets rachetés par certains de nos clients diagnostiqueurs sont sinistrés, on paye souvent le sinistre sans avoir été l’assureur en RC Pro à l’époque. C’est la base réclamation ».
Faisons une parenthèse lexicale. D’une part, il y a le fait dommageable. D’autre part, il y a la réclamation de la victime. L’un ou l’autre, selon le choix des parties, déclenche la garantie. Nous y reviendrons ensuite. En base réclamation, celui qui assure au moment de la réclamation peut avoir à payer, même s’il n’assurait pas le diagnostiqueur au moment du fait dommageable.
Loi d’août 2003 et garantie subséquente
Toutefois, si le précédent dirigeant d’une entreprise individuelle a cessé son activité, une règle légale importante s’applique, nous explique Maître Jost. C’est la garantie subséquente. Elle est issue de la loi du 1er août 2003, dite loi de sécurité financière. Cette dernière a contribué à clarifier l’application dans le temps de la garantie.
L’avocat précise : « L’assureur de l’ancien diagnostiqueur va peut-être chercher à évoquer la clause de garantie d’actif et de passif. Néanmoins, premièrement, l’assureur ne pourrait écarter une règle légale, d’ordre public, telle que la garantie subséquente. Deuxièmement, l’assureur ne pourrait pas se prévaloir des dispositions d’un contrat auquel il n’a pas été partie. »
Pour comprendre ce qu’est la garantie subséquente, il y a un texte de référence. C’est l’article L.124-5 du code des assurances. D’ailleurs, de manière générale, il répond aux questions que les diagnostiqueurs se posent sur l’application dans le temps de la garantie. Cependant, sa rédaction est relativement alambiquée pour les novices.
Article L.124-5 du code des assurances
L’alinéa 3 de l’article L.124-5 du code précité traite du « système base fait dommageable » et l’alinéa 4 de la « base réclamation ». Dans le premier cas, l’assuré est couvert lorsque le fait dommageable est survenu pendant la durée de validité des garanties. Il s’agit de la période qui s’étend de la date d’effet de la garantie jusqu’à sa date de résiliation ou d’expiration.
Dans le second cas, il y a deux conditions cumulatives pour couvrir l’assuré :
- Le fait dommageable est antérieur à la résiliation ou à l’expiration de la garantie ;
- La réclamation intervient avant l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration.
L’assureur doit alors couvrir celui qui cesse son activité pendant au minimum 5 ans. Le décret n°2004-1284 du 26 novembre 2004 étend ce délai minimal à 10 ans pour certaines professions ou « lorsque la garantie souscrite par une personne physique est la dernière garantie avant sa cessation d’activité professionnelle ou son décès ». En l’occurrence, comme l’ancien diagnostiqueur a pris sa retraite, le délai subséquent est de 10 ans.
En pratique, que faut-il faire ?
Bon, mais sur le plan pratique, que doit faire l’actuel gérant de l’entreprise s’il se retrouve ainsi rattrapé par les actions de son prédécesseur ? Selon Maître Damien Jost, il y a deux actions prioritaires.
La première est de « faire savoir à la partie adverse que la réclamation concerne exclusivement l’ancien gérant et l’assureur de celui-ci (et qu’il n’existe aucune responsabilité solidaire entre ancien et nouveau gérant, quand bien même le nom de l’entreprise n’aurait pas changé) ».
La seconde consiste à interroger l’ancien gérant pour lui demander qui était son assureur. Il faudra « l’inviter à déclarer le sinistre à celui-ci, impérativement sous forme de LRAR » (lettre recommandée avec accusé de réception).
Cas du changement d’assureur
L’autre question récurrente, qui a longtemps agité les juristes spécialistes du droit des assurances, est celle du changement d’assurance. Entre la réalisation du diagnostic à l’origine du dommage et la réclamation, j’ai changé d’assureur. Qui doit me garantir ? Le même texte s’applique, avec la distinction entre le mode de déclenchement par le fait dommageable et celui par la réclamation, délai subséquent compris. Cela dépend donc du type de contrat.
Sur ce point, on peut utilement se référer à l’annexe à l’article A112 du code des assurances. C’est la fiche d’information relative au fonctionnement des garanties Responsabilité Civile dans le temps. Lorsque le fait dommageable se produit pendant la période de validité de l’ancienne garantie, l’assureur antérieur traite la réclamation portant sur les dommages qui en résultent. Cependant, si le montant de la garantie est insuffisant, la nouvelle garantie peut la compléter, sauf si le fait dommageable était connu avant la souscription du nouveau contrat.
Tout cela ne vaut que si le diagnostiqueur a une certification à jour lors de la réalisation du diagnostic litigieux. Sinon, la clause de non-garantie de l’assureur pourrait s’appliquer. La forme juridique de l’entreprise et la manière dont le contrat a été établi ont aussi leur importance. Néanmoins, tout assuré gagne à connaître l’existence de la garantie subséquente.
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