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L’IUT de Saint-Nazaire fait figure d’exception en France. En effet, les futurs diagnostiqueurs peuvent y suivre une formation universitaire. Alors que le rapport d’Henry Buzy-Cazaux, sur un cursus post-bac dédié au diagnostic immobilier, paraîtra d’un jour à l’autre, nous avons eu envie d’en savoir plus. Nous avons donc rencontré Didier Hennetier, le responsable de la Licence professionnelle Bâtiment et construction Spécialité Experts en Diagnostics Techniques Immobiliers et Pathologies des bâtiments.
Pourquoi, quand, comment est née cette formation ?
Au départ, c’était une demande des experts dans le bâtiment. Au début des années 2000, ils se sont rapprochés de l’IUT de Saint-Nazaire. Ils souhaitaient la création d’une formation, dans le domaine de la formation continue, pour avoir accès à un diplôme universitaire. Ce diplôme correspondrait à une reconnaissance de leurs compétences. À l’époque, n’importe qui pouvait se prétendre expert dans le domaine du bâtiment en mettant une plaque devant sa porte.
Nous avons donc conçu une formation qui durait 2 ans. Ils y venaient 2 à 3 jours par mois, puis ils avaient leur diplôme universitaire. À partir de 2001, les licences professionnelles ont été créées. En 2004, nous avons décidé de transformer cette formation, dont le diplôme n’avait pas de reconnaissance nationale, en licence professionnelle. Cette licence débouche sur un diplôme national et européen.
C’est en 2004 que nous avons commencé à accueillir les premiers étudiants qui sortaient de BTS ou de DUT. Auparavant, nos étudiants étaient uniquement des professionnels, soit des responsables d’agences, soit des salariés.
En termes de contenu, cela va beaucoup plus loin que d’autres formations aux diagnostics, plus loin que les exigences réglementaires.
À partir du moment où nous l’avons transformée en licence professionnelle, nous avions l’obligation de respecter un cadre national, avec une formation de 600 heures, etc. Dans ce contexte, notre choix a été d’élargir à toute la connaissance du bâti, au-delà des diagnostics réglementaires, pour leur donner le plus grand bagage de connaissances.
L’autre différence, par rapport aux formations privées, est que nous avons l’obligation de recruter des personnes qui ont un bac+2 dans le domaine du bâtiment. Nous pouvons aussi accueillir des personnes dans le cadre de la formation continue ou des reprises d’études. Dans ce cas, nous exigeons qu’ils aient au minimum 3 ans d’expérience professionnelle dans le bâtiment à un niveau de responsabilité qui correspond à un bac+2.
Quelle est la part de personnes en formation continue ou reprise d’études dans une promotion ?
Il y a environ un quart des étudiants qui sont en formation continue ou en reprise d’études. Nous faisons, par exemple, un contrat de professionnalisation en alternance.
Il y a plusieurs débouchés, diagnostiqueurs mais aussi, par exemple, experts d’assurance… ?
Oui, cela s’est greffé il a quelques années, sans qu’on s’y attende du tout. Nous avons été contactés par des entreprises d’expertise d’assurance, qui dépendaient d’une compagnie d’assurance ou qui étaient indépendants. Ils souhaitaient embaucher des personnes ayant une bonne connaissance du bâti pour les former en interne sur toute la partie contrat d’assurance. En fin de compte, il y en a eu de plus en plus. Cette année, sur mes 18 étudiants, j’en ai 4 qui travaillent pour des compagnies d’experts d’assurance.
Pour nous, ce n’est pas un problème. Nous expliquons aux étudiants que de toute façon, nous préparons à la certification. Nous leur détaillons le contenu de la formation. Quand nous faisons un bilan à la fin de l’année, ils sont tous très satisfaits des connaissances acquises pour mieux répondre aux problématiques d’expertise.
Sinon, il y a également des bureaux de contrôle qui ont des services de gestion de patrimoine. Ils vont faire des diagnostics pathologies pour des clients, par exemple des bailleurs sociaux qui veulent connaître l’état de leur bâtiment. Là, ça débouche plutôt sur des plans pluriannuels de travaux (PPT) pour la remise en état du patrimoine immobilier.
L’un des points forts, c’est la partie terrain / pratique, non ? On reproche souvent aux formations d’être trop théoriques…
Précisément, le présentiel et la partie pratique sont des points forts. Nous sommes l’une des rares formations à être 100 % présentielles, ce qui est très apprécié par les étudiants. Par exemple, cette année, j’avais 2-3 étudiants qui avaient suivi un cursus chez Un’n’Pro au niveau bac+2 avec énormément d’heures en distanciel. Ils ont décidé de venir à Saint-Nazaire.
En terrain, on fait 1 visite pour le module pathologies, 1 sur le module sécurité bâtiment, 6-7 visites en diagnostics immobiliers réglementaires, 3 pour l’audit énergétique… On en fait pour la valeur vénale, pour le diagnostic technique global (DTG)… À chaque fois, ils doivent rédiger les rapports en étant encadrés par un intervenant. Cela leur permet d’apprendre à faire des rédactions de rapports à partir de visites réelles.
Comment sélectionnez-vous les intervenants ou l’équipe pédagogique ?
Je m’occupe de cette formation depuis une douzaine d’années. Par conséquent, il y avait déjà une équipe constituée. Nous avons notamment d’anciens étudiants, qui étaient dans les promos des années 2005-2006. Je fais aussi le choix de prendre des formateurs qui travaillent pour des organismes de certification. Enfin, nous avons des experts dans différents domaines. Par exemple, je viens d’embaucher une nouvelle experte judiciaire reconnue localement.
Les personnes viennent très volontiers même si la formation universitaire ne permet pas de leur payer les frais de déplacement, entre autres. Elles disent prendre plaisir à partager leurs connaissances et à former les jeunes.
En juin, l’AFIDEN a alerté, dans un communiqué, sur la pénurie d’inscrits dans les centres de formation. Faites-vous le même constat ?
Oui. Jusqu’à cette année, nous étions en hausse. En revanche, pour l’année prochaine, il y a une perte de 50 % des candidatures. L’AFIDEN constatait entre 30 et 50 % de candidats en moins et je suis effectivement à -50 %. Je travaille actuellement sur le recrutement de mes candidats. Je signe des contrats pour les mettre en relation avec des entreprises en alternance. Mais je pense que je n’aurais qu’entre 10 et 12 inscrits l’année prochaine, à moins que des candidats arrivent pendant l’été ou au début du mois de septembre.
Avez-vous été contacté par M. Henry Buzy-Cazaux dans le cadre de sa mission ?
Oui, j’ai fait une visioconférence avec lui il y a quelques semaines. Son rapport devrait sortir très bientôt, probablement dès la semaine prochaine.
Pensez-vous que la formation universitaire est l’avenir des diagnostiqueurs ?
D’après ce que j’ai compris, M. Buzy-Cazaux envisagerait plusieurs niveaux de formation. Il partirait sur un premier niveau à Bac+2, BTS. Ensuite, il y aurait un 2e niveau comme le nôtre, en licence professionnelle. Et enfin, il envisagerait même un niveau supérieur à Bac+5. Mon avis est que le niveau BTS est pertinent. Par ailleurs, nous savons qu’il y a des diagnostics qui nécessitent d’avoir un niveau Bac+3, comme le DTG.
Après, cette année, j’ai fait l’expérience de recruter 3 personnes qui avaient un niveau bac+2 avec un titre RNCP. Je leur ai validé un certain nombre de compétences de ma formation, parce qu’ils étaient déjà certifiés dans les domaines du diagnostic immobilier. Ils ont quand même choisi de venir suivre un complément de formation. Si on ajoute trop de niveaux, on peut se heurter au problème du recrutement. C’est déjà difficile de recruter à Bac+2.
Pourquoi est-ce difficile de recruter à Bac+2 ?
Les étudiants ne connaissent pas nos métiers. Quand ils vont dans un BTS, ils ont déjà une idée arrêtée sur le métier qu’ils veulent faire, parce qu’ils ne connaissent pas les nôtres. Là, nous sommes en passe de signer une convention de partenariat avec un syndicat : l’Alliance du Diagnostic Immobilier. Ils pourraient nous aider à faire la promotion de nos métiers.
Je m’y emploie dans les lycées et les salons étudiants, mais je ne peux pas rayonner dans toute la France. L’idée est donc de s’appuyer sur des réseaux, par exemple des syndicats de diagnostiqueurs, pour attirer des jeunes dans cette profession.
Vous avez de bons retours sur l’insertion des étudiants, en sortie de formation ?
Oui et c’est très important de le dire. Sur les 18 personnes en formation de l’année écoulée, j’ai 15 alternants et 10 d’entre eux se verront proposer un CDI à la fin de leur contrat. Pour moi, c’est une forme d’excellence pour aller dans ce métier. Toutes les personnes qui ont embauché des jeunes sortant de chez nous, après 34 semaines d’alternance, ont été très satisfaites. En général, ils leur proposent ensuite un CDI.
S’ils ne le font pas, c’est surtout parce que l’étudiant a d’autres envies. Par exemple, j’en ai un qui veut faire une poursuite d’études. Il y en a souvent quelques-uns qui veulent partir voyager pendant un an, car c’est une envie fréquente à cet âge. Ou encore, certains souhaitent changer de région, donc ça ne se fait pas, mais il est très rare que ça vienne de l’entreprise.
Propos recueillis le 11 juillet 2025.



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