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L’état des risques ne mentionnait pas la crue

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La maison avait été affectée par une crue en juin 2016. L’état des risques, annexé à l’acte authentique du 6 juillet 2017, ne le mentionnait pas. Or ces inondations ont provoqué des désordres dans la propriété. Les vendeurs ont-ils intentionnellement caché cette information ?

Dégradations consécutives à des inondations ?

M. et Mme Y. vendent une maison à M. et Mme G. au prix de 140 000 euros le 6 juillet 2017. Lors de la dépose du papier peint, les acquéreurs découvrent la présence de tâches sur les murs. Selon eux, ces dégradations ont été provoquées par des inondations survenues en 2016.

Ils font donc assigner les vendeurs, le 24 avril 2018, devant le tribunal de grande instance de Montargis pour obtenir une indemnisation :

  • 65 000 euros de dommages et intérêt au titre de la réduction du prix de vente
  • 45 000 euros au titre de leur préjudice matériel et de la dépréciation du bien
  • 34 209,20 euros pour le montant des travaux de reprise du désordre

Les vendeurs assignent en intervention forcée leur assureur multirisques habitation. Ils demandent aussi la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêt pour procédure abusive.

Jugement du tribunal judiciaire et appel

Le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Montargis :

  • déboute M. et Mme G de leurs demandes de paiement des sommes ci-dessus,
  • rejette la demande en garantie de M. et Mme Y à l’encontre de la société d’assurance,
  • déboute M. et Mme Y. de la demande en paiement de la somme de 5 000 euros,
  • condamne M. et Mme G. à payer aux acquéreurs 2 000 euros (article 700 du code de procédure civile) et aux entiers dépens de l’instance.

Le 24 novembre 2020, les acquéreurs interjettent appel et demandent à la cour de :

  • constater l’accord entre les parties : le versement de 65 000 euros par M. et Mme Y.,
  • juger que leur consentement a été vicié par le dol,
  • dire et juger les acquéreurs tenus à la garantie des vices cachés,
  • les condamner à leur payer les sommes dues pour le préjudice matériel, les travaux, etc.
Défense des vendeurs en appel

Les vendeurs demandent la condamnation des époux G. pour procédure abusive, et celle de l’assurance pour les travaux de reprise des désordres et la dépréciation de l’immeuble. D’une part, durant l’été 2018, M. et Mme Y. avaient proposé de régler le litige à l’amiable en versant aux acquéreurs 65 000 euros. Mais l’accord transactionnel n’a jamais été finalisé. Les échanges se sont bornés à des pourparlers.

D’autre part, les acheteurs habitaient eux-mêmes la localité inondée avant d’acquérir la maison. L’agent immobilier ne pouvait ignorer non plus cette information. Selon eux, les dégâts concernaient de l’électroménager dans le garage. Quant aux constats d’humidité et de moisissures, ils n’ont été faits qu’après le retrait des papiers peints. Ils étaient donc indécelables lors de la vente.

État des risques incomplet et réticence dolosive

D’après les pièces versées aux débats :

  • la propriété a été répertoriée dans la liste des maisons sinistrées de la commune,
  • l’état des risques naturels n’indiquait pas que la propriété avait été affectée par une crue,
  • le constat d’huissier de justice et un rapport d’expertise non judiciaire mentionnent les nombreuses traces d’humidité et de moisissures résultant des inondations,
  • l’attestation du service départemental d’incendie et de secours signale une intervention dans la maison, après les intempéries du 28 mai 2016.

Par ailleurs, on sait que les vendeurs, alors occupants, ont été indemnisés à hauteur de 10 982 euros pour le sinistre. L’expert avait constaté des dommages aux revêtements de sols. Il a fallu remplacer les moquettes, poser du parquet flottant et du sol PVC, y compris dans les chambres.

Par conséquent, la maison a bien été inondée et les acquéreurs ne pouvaient pas connaître l’étendue des dégradations. Lors de la vente, un an après la crue, les vendeurs n’ont pas fourni toutes ces informations à M. et Mme G. Ils ont ainsi commis une réticence dolosive.

Étendue du préjudice et indemnité

Les époux G. ont perdu une chance de conclure la vente à un prix plus avantageux. Cependant, au jour de la vente, l’état des murs n’était ni visible ni décelable. L’indemnité ne peut donc pas être fixée au montant des travaux de reprise de ces dégradations. Mais les acquéreurs ont également perdu une chance de demander des investigations techniques pour contrôler l’état du bien après l’inondation. Ils auraient alors pu négocier les conditions de vente.

La cour d’appel d’Orléans infirme notamment le jugement en ce qu’il a débouté les acheteurs de leur demande de paiement de la somme de 65 000 euros. M. et Mme Y. devront aussi verser :

  • 15 000 euros à titre de dommages et intérêts;
  • 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
  • Et prendre en charge les dépens de première instance et d’appel.

L’indemnisation de M. et Mme Y., après les dégâts, est sans lien avec la réticence dolosive des vendeurs. En outre, la faute de l’assureur n’est pas démontrée. Le recours en garantie contre la société d’assurance est donc rejeté.

Profitons de cette affaire pour rappeler qu’il est toujours préférable de faire appel à un diagnostiqueur pour établir l’ERP. L’évolution de l’état des risques, depuis le 1er janvier 2023, rend cette solution encore plus nécessaire.

Cour d’appel d’Orléans, RG n°20/02408, 27 février 2023

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2 Commentaires

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  1. S
    Stephane 17 mai 2023 - 12h00

    L’intervention d’un diagnostiqueur n’a aucun effet dans cette affaire puisque cela concerne uniquement la déclaration des sinistres indemnisés non faite correctement et ne pouvant être faite que par le vendeur, l’état des risques étant prérédigé au stade de délivrance de l’ERP.
    Je ne comprends pas ces jugements qui ne respectent pas la réglementation pourtant stricte sur le sujet, en cas d’ERP erroné, l’acquéreur peut demander une diminution de prix ou l’annulation de la vente, seul diagnostic faisant état clairement de cette protection.
    Où est la protection de l’acquéreur ???
    Par contre relisez vous, vous vous mélangez les pinceaux en inversant les infos. 😉

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 17 mai 2023 - 12h18

      C’était l’occasion de faire un rappel concernant l’état des risques et pollutions, indépendamment de la déclaration de sinistres indemnisés. Le formulaire de l’ERP inclut une case à cocher sur les sinistres indemnisés après une catastrophe naturelle, et il y a eu catastrophe naturelle dans cette commune. Cependant, ce n’était sans doute pas énoncé assez clairement puisque vous avez décelé une incohérence.
      N’hésitez pas à me signaler les erreurs, commises malgré ma relecture, pour que je puisse les corriger. L’objectif étant bien sûr de n’en faire aucune.

      Répondre

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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