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Les clients ignorent le temps passé sur un dossier

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Valérie Turquet a publié un post LinkedIn très remarqué sur la seconde journée invisible des diagnostiqueurs. Nous avons décidé de la contacter pour qu’elle nous parle de son quotidien et de la réalité du travail caché derrière un diagnostic. La responsable du cabinet Agenda Diagnostics Immobilier à Maisons Laffitte a gentiment accepté, malgré son emploi du temps chargé.

Si je vous demande de vous présenter…

Alors, en quelques mots… Je suis Valérie Turquet. J’ai 55 ans. J’ai ouvert mon cabinet depuis 4 ans maintenant, et il s’agit d’une reconversion. Auparavant, je travaillais dans le secteur de l’audit, particulièrement chez Bureau Veritas où j’avais en charge un service dans le secteur BTP Chantiers, sur l’ensemble de l’Île-de-France.

J’ai eu envie de changer de voie, de créer ma propre entreprise en alliant technique et commercial, ce qui m’a amené à me diriger vers le diagnostic immobilier. Mon cabinet est adossé à la franchise Agenda Diagnostics. Je travaille seule.

J’ai un collaborateur en demi-équivalent temps plein pour essayer de me soulager un peu sur la partie communication, administratif, comptable etc. D’ailleurs, c’est à mon collègue que revient la palme de ce fameux iceberg puisque c’est lui qui a conçu le post.

J’allais vous demander d’où venait l’idée de l’iceberg

C’est mon collaborateur qui a eu l’idée de travailler dessus, à l’observation du volume de travail et à l’amplitude horaire réalisée. Finalement, ça a assez bien marché. J’ai vu que les diagnostiqueurs et les diagnostiqueuses s’étaient retrouvés dans ce petit « portrait ». C’est évidemment le quotidien de tous. Alors tout dépend aussi de la taille du cabinet. Le diagnostiqueur immobilier indépendant ressent plus cette charge de travail.

Je pense que plus le cabinet est petit, plus les tâches, après la journée sur le terrain, sont importantes en termes de temps. Dans une grosse structure, il y a davantage de support administratif. On peut scinder la tâche pour la prise de RDV et la création des interventions. La réalisation d’une partie des rapports est sans doute confiée à d’autres personnes qui sont au bureau. Au sein d’un petit cabinet, on est obligé de tout faire soi-même.

Est-ce que vous étiez préparée à l’importance de l’administratif ?

Ah non, on ne le sait pas ! Et puis aujourd’hui, il y a une surcharge de travail lié au nouveau DPE depuis le 1er juillet 2021. Il faut collectionner, plus encore qu’avant, un certain nombre d’informations et de documents, et c’est très chronophage.

À cela s’ajoute tout ce que j’appelle le SAV. Le propriétaire n’était peut-être pas là lors de notre visite et il se pose des questions. C’est normal, on doit le renseigner sur le contenu de nos rapports. L’acquéreur potentiel peut aussi vous appeler pour avoir des explications.

Tout cet ensemble de choses, non, on ne s’y attend pas. L’idée, avec ce post, c’était de parler de notre quotidien et de celui de mes confrères. Cela dit, même si tout le monde aimerait que les clients connaissent ces détails, la réalité, c’est que c’est un entre-soi. Ce sont les diagnostiqueurs qui se reconnaissent dans ce que j’ai voulu transmettre.

Ce serait important que nos clients et nos prescripteurs aussi sachent ce que recouvre véritablement l’intervention, ce qu’il y a derrière, tout ce qui compose un prix finalement. Un prix toujours trop élevé.

Est-ce qu’il y a d’autres aspects trop méconnus du métier ?

L’aspect technique, notamment concernant le DPE, c’est-à-dire comment on arrive à une note finale. Je le voyais hier encore en échangeant avec un client pour qui je faisais un état des lieux. Le client emménageait dans sa nouvelle maison et s’apercevait que la note DPE n’était pas bonne. Selon ce client, « c’est le diagnostiqueur qui ne s’est pas fatigué à aller rechercher les éléments pour le diagnostic de performance énergétique. »

En réalité, lorsqu’on réalise un DPE, ce sont souvent les propriétaires ou les syndics de copropriété qui ne fournissent pas les éléments nécessaires à la finalisation du DPE. Ces documents permettent d’être au plus proche de la performance énergétique du logement. Et ça, je pense que les clients ne le savent pas. Peut-être que les agences immobilières, qui sont nos prescripteurs, ne sont pas au courant non plus de l’importance de ces informations.

Après, principalement, les clients ignorent le temps passé sur un dossier. Je vais prendre un exemple fréquent. Vous avez diagnostiqué un appartement, vous êtes resté une heure et demie, vous leur demandez 250 € TTC. Pour eux, le calcul est simple : 250 divisé par une heure et demie, c’est donc bien rémunéré.

Ce qu’ils n’entendent pas, c’est que bien évidemment on collecte la TVA pour l’État et que derrière, il y a tout ce travail de rapport. Cela représente du temps de travail, et peut-être qu’il va être nécessaire de revenir sur le dossier car le propriétaire ne nous aura pas apporté tous les éléments une première fois, etc. Trop souvent, on est concentré sur le temps passé sur place en mettant de côté le temps masqué.

Quels sont les aspects les plus négatifs et les plus positifs ?

J’ai 30 années de salariat derrière moi donc j’ai vu la vraie différence. Je pars de chez moi à 8 heures, je rentre à 18 heures et après avoir posé mes affaires, je fais mes rapports jusqu’à 22 heures, parfois même jusqu’à minuit. Le samedi, c’est reparti. Le dimanche, je rédige mes rapports également.

Cela n’existe pas dans le salariat classique. Vous avez vos heures de travail et vos congés. Et ça, c’est dur. On est à son compte mais c’est une prison dorée dont on aurait choisi la couleur des barreaux. Il y a une amplitude horaire qui est énorme, c’est l’aspect négatif.

Après, j’aime beaucoup le métier car il allie à la fois la partie technique et la partie commerciale. On rencontre des multitudes de gens. Pas de collègue quand on est une petite structure, mais des échanges avec tous les prescripteurs, et également avec les propriétaires et locataires. C’est très enrichissant !

Vous soulignez que vous êtes diagnostiqueuse…

Oui, il y en a peu. Ce secteur est majoritairement masculin. En fait, je dirais que c’est presque un atout. C’était le cas lorsque j’ai commencé et ça l’est encore aujourd’hui. Pourquoi ? Déjà, en prospection, dans l’aspect « commerce » vis-à-vis des agences et des mandataires, ça nous démarque par rapport à nos confrères. On se souvient de nous aussi parce que nous sommes des femmes. Sur le plan physique et technique, ce n’est pas plus compliqué pour une femme que pour un homme.

Au début, je craignais la réaction des clients eux-mêmes et finalement, ça ne pose pas de problème. Parfois, ils font part de leur étonnement car ils pensaient que je prenais juste les informations pour un devis. Quand ils s’aperçoivent que c’est également moi qui interviens, ça les surprend sans poser de difficulté.

Ils ne se disent pas : « elle n’est pas compétente parce que c’est une femme ». D’ailleurs il n’y a pas de féminin à diagnostiqueur, le mot n’existe pas, Word vous corrige, ça c’est le petit côté amusant. Majoritairement, les clients sont plutôt très bienveillants.

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6 Commentaires

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  1. J
    Jammes William 15 mai 2022 - 9h18

    Bravo ! Tout est dit.
    On rencontre les mêmes problématiques.
    Mais on continue quand même parce qu’on aime ce métier et l’entrepreneuriat !

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  2. O
    Ouattara 18 mai 2022 - 21h07

    Bonjour ,

    Je suis diagnostiqueur indépendant depuis en IDF.

    Cette problématique du temps passer non stop 7j/7 est central selon moi pour les Tpe.

    Je travail sur une solution de mise à disposition de personnel spécialisé dans le diagnostic immobilier .

    J’ai la certitude , que ça permettrai à de nombreuse TPE de pouvoir ce développer en consacrant leur temps à des taches à plus hautes valeurs.

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  3. P
    PLAINDOUX 19 mai 2022 - 6h38

    Merci beaucoup vous avez démontré notre quotidien, mais il faut clairement parler maintenant du manque de rentabilité pour le diagnostic transaction !! La prise de conscience de l’urgence lié à l’inflation est importante, pour le bien des entrepreneurs et surtout faire évoluer en qualité notre travail !! La Hausse du prix des prestations est impérative pour avoir un taux horaire décent !!

    Répondre
    • J
      Jérôme 20 mai 2022 - 11h29

      Bonjour Jérôme, la rentabilité du DDT… Merci pour cette idée de sujet pour un prochain article 🙂 A bientôt !

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  4. D
    DUREYSSEIX 21 mai 2022 - 14h47

    Parfaite description des ressentis pour moi aussi après 4 ans dans ce métier. J’appuierai réellement sur le temps passé sur l’ouvrage, qui a été une vraie surprise pour ma part.
    Il faut aussi signaler que au-dela de vraies compétences dans le domaine du diagnostic, des connaissances et une expérience dans celui du commerce est indispensable pour réussir.
    Concernant les tarifs, c’est vrai que nous avons face à nous des mercenaires (ou « marchand de pizzas ») ne cherchant que la valeur ajoutée financière au détriment du respect du client par la production d’un rapport de qualité. Il y en a, par malheur, dans toutes les professions, cela ne console en rien, mais aide à mieux accepter.

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  5. F
    François-Félix 4 janvier 2023 - 1h41

    Effectivement, de ma propre expérience, depuis très longtemps je considère que lorsque un diagnostiqueur passe une heure sur le terrain, il y a pratiquement une heure de « bureau » qui est générée pour le rapport et réaliser l’administratif, que ce soit par le diagnostiqueur lui-même, ou un assistant.
    Dans l’exemple, 250 € pour une heure et demi, c’est en fait 208 € H.T. pour trois heures de travail (voir si nous considérons le temps de trajet, cela peut être supérieur à 3 heures), soit 69 € / heure. En BET, pas de quoi sauter au plafond, cela reste tout juste honorable, voir dans la fourchette basse de l’ingénierie.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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