L’Institut de la Finance Durable (IFD) dresse un « diagnostic sur le financement de la rénovation carbone des bâtiments ». Son rapport, Freins et leviers sectoriels au financement de la transition écologique : le cas de la décarbonation du bâtiment (mai 2024), s’inscrit dans le cadre des travaux demandés par le ministre Bruno Le Maire.
Contenu du rapport de l’IfD
Le rapport de l’IFD se divise en 3 chapitres. Il y a d’abord une présentation du contexte. Ensuite, les auteurs étudient le parcours de rénovation carbone de trois types de porteurs de projet :
- les ménages qui occupent un logement individuel ou en copropriété ;
- les collectivités territoriales (tertiaire public) ;
- les acteurs du tertiaire privé.
Enfin, ils en tirent des recommandations, déclinées pour chacune de ces catégories. Dans cet article, nous nous intéresserons surtout aux chapitres sur la rénovation carbone des logements.
Contexte du rapport de l’IFD
Vous connaissez sans doute déjà le contexte. Le secteur du bâtiment est l’un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, d’où des objectifs climatiques à atteindre, etc. D’un point de vue économique, les investissements pour la décarbonation des bâtiments doivent :
- a minima doubler : jusqu’à 40 Md €/an pour une sortie intégrale des passoires thermiques d’ici à 2030, au moins 20 Md €/an ;
- se concentrer davantage sur les rénovations globales, performantes.
En outre l’État doit travailler sur la formation des artisans, l’attractivité du métier et le développement des filières bas carbone pour espérer faire face à la demande.
Freins à la rénovation carbone des ménages
L’Institut de la finance durable identifie trois grands freins pour tous les porteurs de projets :
- la complexité du parcours administratif et technique ;
- la faible rentabilité économique du projet de rénovation énergétique ;
- la difficile mobilisation des outils de financement.
Par ailleurs, tous les ménages, en copropriété ou non, ont besoin d’un accompagnement. Cependant, il est trop tôt pour évaluer le dispositif Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR).
En logement individuel, le faible nombre de rénovations globales s’explique surtout par :
- le manque d’artisans et d’entreprises RGE;
- un problème de communication sur les aides à la rénovation ;
- le coût élevé d’une rénovation globale, même aidée ;
- le recours à trop d’interlocuteurs (MAR, entreprises, banques…).
Toutefois, le nombre d’Éco-PTZ progresse. En revanche, le Prêt Avance Rénovation ne décolle pas, faute d’être adapté aux ménages aux revenus modestes.
En copropriété, le « processus décisionnel et financier » entrave les projets de rénovation. Si le parc social est beaucoup plus en avance, c’est notamment grâce à une meilleure gestion de projet. Celle-ci est décentralisée et fait intervenir des équipes spécialisées.
Recommandation I : stabilité et accompagnement
« Au préalable, il s’agit pour les pouvoirs publics de fixer un environnement réglementaire à la fois ambitieux, lisible et stable ». Renforcer le principe du guichet unique (France Rénov’) et de l’accompagnement (MAR) est l’un des moyens d’y parvenir. De plus, l’IFD propose de favoriser l’usage des matériaux bas carbone lors des travaux de rénovation, dans l’esprit de la RE2020.
L’Institut recommande aussi au Gouvernement de mener des campagnes de communication de grande ampleur sur les dispositifs d’aides tout en valorisant les bénéfices des projets de rénovation :
- gains sur la facture d’énergie ;
- gain en confort ;
- valeur verte du logement ;
- baisse de la précarité énergétique ;
- adaptation aux risques climatiques…
Décidément, l’adaptation des logements aux risques climatiques est la grande thématique du printemps 2024. En revanche, L’IFD semble oublier qu’à ce jour, la rénovation énergétique n’en tient pas vraiment compte. Enfin, les syndicats de copropriété bénéficieraient d’un accompagnement ciblé sur la montée en compétences de leurs équipes.
Dans le tertiaire privé, la 8e proposition est « d’étendre l’obligation de produire un diagnostic de performance carbone (DPC) à l’ensemble des bâtiments tertiaires, sur le modèle du logement mais davantage ciblé carbone ». On suppose qu’il manque le mot « DPE » dans la phrase. Il s’agirait donc de créer un DPE plus axé sur l’empreinte carbone pour le tertiaire.
Recommandation II : rentabilité économique
Pour améliorer la rentabilité économique des projets de rénovation performante, il faut jouer sur deux facteurs. Ce sont la rentabilité et le risque. Entre la hausse des taux d’intérêt et le prix élevé de l’énergie, la baisse de la facture énergétique a un impact significatif. Les financeurs devraient donc l’intégrer davantage au moment d’évaluer la solvabilité des porteurs de projet.
Côté ménages, cela passe par l’augmentation de l’aide MaPrimeRénov’ afin d’atteindre un reste à charge quasi nul pour les ménages très modestes. La déductibilité fiscale des amortissements des investissements des ménages est également recommandée. Une ligne s’ajouterait à la déclaration fiscale pour faciliter la lisibilité de cette disposition.
Enfin, l’IFD invite l’exécutif à renforcer l’éco-ptz pour la rénovation performante des logements. Il pourrait financer à 100 % l’effort d’investissement ou s’élargir aux investissements dans la production d’énergie (panneaux solaires, géothermie…).
Recommandation III : mobilisation des aides
Depuis peu, les ménages peuvent coupler MaPrimeRénov’ et l’éco-PTZ. C’est un dispositif qui va dans le bon sens, car il allège le parcours et les contraintes. Plusieurs autres mesures pourraient encourager les rénovations, notamment en copropriété :
- faciliter les conditions de contraction d’un emprunt par la copro ;
- envisager un mécanisme public d’avance pour les copropriétaires fragiles ;
- créer un couplage de l’éco-ptz copropriétés avec MPR Copropriétés ;
- prévoir plusieurs durées de remboursement selon le profil des copropriétaires ;
- permettre aux banques d’accéder au registre national des copropriétés…
En réalité, certaines de ces recommandations sont déjà en cours d’élaboration.
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