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J-C. Protais : Le monde du diagnostic est une famille

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Jean-Christophe PROTAIS, a évoqué avec nous les sujets qui lui tiennent à cœur : les valeurs du rugby, la famille du diagnostic, les problématiques universelles du métier… Rencontre avec le président de SIDIANE, fédération au discours cash et direct.

QUEL EST VOTRE PARCOURS ? VOUS N’ÊTES PAS ISSU DU DIAG IMMO…

J’ai 63 ans et je n’ai plus de mandat opérationnel. Pendant 20 ans, j’ai été directeur général de groupes dans le domaine du contrôle technique et de l’inspection. Le diagnostic immobilier fait partie de ces métiers. Et en particulier, j’ai été pendant plus de 15 ans, directeur général du groupe Qualiconsult. On a été un des premiers à créer une filiale spécifique qui ne faisait que du diagnostic immobilier, en 2005.

Je ne suis pas issu du monde du diagnostic mais je considère avoir quand même une expérience importante. On est parti from scratch et quand j’ai quitté le groupe Qualiconsult, en 2017, c’était une société qui faisait 45 millions d’euros d’activité, avec 500 personnes exclusivement dans le diagnostic immobilier. J’ai aussi dirigé d’autres activités comme les métiers du Testing Inspection Certification. Je n’étais pas novice dans le domaine du diagnostic.

Non parce que l’on m’a fréquemment demandé : « mais vous ne connaissez pas ces métiers-là ? ».  Je les connais assez bien ! (rire) Je m’y suis aussi beaucoup impliqué à titre personnel. En 2005, c’était un peu l’eldorado. C’était nouveau. On a fait du business d’ailleurs. Nous avons été co-leaders, avec AC Environnement, pendant des années.

J’AI LU QUE VOUS ÉTIEZ INSPIRÉ PAR VOTRE PRATIQUE DU RUGBY ?

Oh, ça date d’il y a longtemps ! (rire) En effet, je suis un rugbyman retraité. J’ai joué très longtemps au rugby. J’ai aimé ce sport parce que c’est à la fois un sport de combat et un sport très tactique, avec un esprit d’équipe très fort.

Le rugby est composé de différentes personnes. Vous avez des grands, des petits, des gros, des moyens… Chacun dans l’équipe a un rôle, et l’un sans l’autre, ça ne peut pas marcher. Quand vous êtes demi de mêlée, vous êtes en général petit, mais si vous n’avez pas des gros devant qui poussent pour sortir le ballon, vous n’arrivez pas à le transmettre aux autres derrière…

C’est un peu mon moteur et j’ai retrouvé, dans le management des entreprises, beaucoup de valeurs du rugby. En tout cas, j’essaie d’appliquer ces valeurs. Ce sont la solidarité, l’entraide, l’esprit d’équipe, qui font qu’une équipe de rugby marche, et qu’une entreprise marche. Alors bien sûr, c’est la théorie. Parfois, vous êtes confronté à la réalité de l’entreprise, avec des gens qui sont plus ou moins des stars, d’autres qui sont moins engagés, mais bon. Au-delà de cette réalité, il faut essayer d’utiliser ces préceptes pour faire avancer les choses. C’est d’ailleurs ce que je retrouve aussi avec cette nouvelle fédération…

LA DIVERSITÉ DE LA FILIÈRE SE RETROUVE DANS SIDIANE ?

Pour l’instant, la fédération est composée de membres fondateurs qui sont de grosses structures. La plus petite doit regrouper 250 personnes, la plus grosse 600 ou 700, mais ce n’est pas une fin en soi. Nous considérons que le monde du diagnostic est une famille. Que vous soyez petits, gros, moyens, 80% des problématiques que vous avez au quotidien sont communes. Il se trouve qu’aujourd’hui ce sont des gros, mais nous avons lancé une campagne de recrutement. Nous finalisons de nouvelles adhésions et les petits s’y retrouvent aussi.

Le recrutement, la formation, la rénovation énergétique, le DPE, l’audit énergétique, tout ce qui est lié à la data, sont des problématiques universelles du métier. Il y a d’autres thématiques, que porte SIDIANE, à propos de l’Europe, qui s’adressent moins à un indépendant. Mais sinon, c’est universel au monde du diagnostic.

LA CRÉATION DE SIDIANE EST-ELLE DIRECTEMENT LIÉE AU DPE ?

Je suis mal placé pour parler de la création de SIDIANE car je n’ai pas participé aux fonts baptismaux. De manière synthétique, les membres fondateurs, qui étaient dans les deux plus grosses fédérations, la FIDI d’un côté, la CDI-FNAIM de l’autre, ne se sont pas complètement retrouvés. Ils se sont sentis un peu écartés de la gouvernance de ces structures. Et puis, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est le couac du DPE. Ils en ont pâti fortement.

À un moment, ils se sont dit : on va se réunir, créer notre fédération à nous, avec des principes de gouvernance à nous, et essayer de débloquer la situation avec un discours cash et direct. L’audit énergétique a été notre 1er dossier  pour dire : Stop ! il faut siffler la fin de la récréation ! Tel que le planning est défini, on va dans le mur ! Ensuite toutes les fédérations nous ont relayé là-dessus, mais nous avons été les premiers à sortir du bois.

D’ailleurs, l’administration et les gens du ministère nous ont fait comprendre qu’ils n’étaient pas opposés à ce que nous disions, mais qu’il y avait des contraintes politiques. Ils avaient conscience que le planning était très serré et qu’il faudrait en rediscuter après les élections.

En fait, nous avons une approche qui est légèrement différente des autres fédérations… Quand on a les idées claires, on s’exprime simplement, sans agressivité, sans méchanceté. C’est étayé par un argumentaire. Quand on fait ça, on est écouté. Alors, est-ce que l’on est entendu ? C’est un autre débat, mais au moins on est écouté.

C’EST CE QUI REND SIDIANE NOVATEUR ?

Voilà… Je ne crache pas sur les autres fédérations. Elles ont fait leur boulot ou une partie de leur travail. Il y a des choses qui sont factuelles, comme le fiasco du DPE. Nous ne souhaitons effectivement pas revivre ce fiasco. Notre méthode consiste à dire les choses de manière cash à tous les acteurs, à la fois les élus, l’administration et le ministère, sans détour. C’est notre marque de fabrique. Et là, on rejoint d’ailleurs les valeurs du rugby, c’est amusant…

IL Y A AUSSI LES PILIERS DE SIDIANE…

C’est un sujet, justement, nos piliers. Ce sont nos thématiques principales en 2022. Chaque année, en fonction de l’actualité et de la maturité des problématiques, on va supprimer des piliers parce que les problèmes auront été traités, ou au contraire en ajouter.

5 piliers en 2022 pour SIDIANE

1. Être l’acteur pivot de la transition énergétique, du logement et du bâti.
2. Devenir un interlocuteur de référence pour les pouvoirs publics, pour élaborer un système normatif pertinent et cohérent en matière de climat, de sécurité et de santé.
3. Former aux métiers de la filière du diagnostic immobilier et attirer des talents.
4. Créer un observatoire indépendant de la donnée technique et numérique du bâti.
5. Faire de la France un modèle européen en matière de diagnostic immobilier.

D’abord, tout ce qui est lié à la rénovation énergétique. C’est un sujet capital. Nous ne remettons pas en cause l’utilité du DPE mais la manière dont il a été déployé, et ce n’est pas encore terminé. Il y a l’audit énergétique qui est dans la continuité. Arrêtons de rêver, on ne sera pas prêts en temps et en heure au 1er septembre. Perdons 4 à 6 mois pour gagner énormément de temps après car tous les problèmes auront été résolus en amont. L’audit ne sera pas crédible s’il démarre d’une manière chaotique comme le DPE.

Ensuite, le diagnostic immobilier et le contrôle technique du bâti. Aujourd’hui, vous avez des diagnostics immobiliers obligatoires dans le cadre de transactions. Quand le patrimoine ne tourne pas, aucun diagnostic n’est fait. Le propriétaire et le locataire, s’il reste longtemps dans un logement, n’ont aucune vision sur leur santé, sur les polluants du bâtiment ou l’état du patrimoine en termes de performance énergétique et de travaux. C’est aussi embêtant pour l’administration qui a zéro donnée sur le patrimoine dormant. On s’inspire, nous, du contrôle technique obligatoire dans l’automobile, qui limite de manière significative le nombre d’accidents. Faire un contrôle du bâti tous les 10 ans, cela permettrait d’avoir une visibilité sur l’état du patrimoine et de réfléchir.

La 3e problématique, la data, est un sujet totalement transverse. Les diagnostiqueurs sont sur le terrain tous les jours. Ils collectent de la donnée et de l’information. Ces informations sont transformées en fichiers PDF, à annexer au bail ou à l’acte de vente. Mais ça ne sert pas à grand-chose de plus et c’est dommage. Ces données sont très importantes pour le propriétaire, le locataire, le futur acheteur et l’administration. Dans l’administration, ils se sont d’ailleurs montrés extrêmement intéressés et ils souhaitent réfléchir avec nous.

Le 4e pilier, c’est la formation, le recrutement, la fidélisation. Aujourd’hui, c’est extrêmement compliqué de recruter et de garder des diagnostiqueurs. On estime qu’il y a environ 2 000 postes de diagnostiqueurs à pourvoir et qu’à terme, avec la rénovation énergétique, ça va passer à 4 000 voire 6 000. Notre business est d’utilité publique, donc comment rendre la profession plus attractive ? Former les gens mieux ? La qualification de personne est une très bonne chose. Elle permet de garantir un travail de qualité, exercé par des professionnels compétents. Mais aujourd’hui, c’est une reconnaissance personnelle, qui lie à la personne. Cette solution est parfaite pour de petites structures car en fait, elles externalisent la qualification de leur personnel. Sur les grosses structures, ce n’est pas très pratique.

J’ai travaillé avec les grands acteurs du contrôle technique et de l’inspection que sont Bureau Veritas, Apave, Socotec, Qualiconsult, etc. Ils ont tous des systèmes de reconnaissances qui sont des reconnaissances de société, et en particulier les accréditations. Le système d’accréditation, lui-même, est vérifié par le COFRAC. Et c’est beaucoup mieux adapté à de grosses ou à de moyennes structures alors nous insistons là-dessus, mais tout en conservant la qualification de personne.

J’AI ENTENDU DIRE QUE CE SERAIT LA MORT DES INDÉPENDANTS…

Effectivement, on m’a déjà affirmé ça, et je trouve que c’est assez scandaleux. L’argument consiste à dire que la qualification de personne coûte très cher à un petit organisme. Mais l’accréditation de sociétés, pour l’avoir vécu, coûte aussi très cher. Vous mettez en place un système de management de la qualité, un système de tutorat, un système de formations, un système d’accompagnement… La différence, c’est que l’indépendant paye le coût de sa qualification à un organisme extérieur. Un gros organisme, lui, se la paye. Sinon, c’est exactement la même chose. D’un côté, c’est externalisé, de l’autre c’est internalisé.

Vous savez qui prétend que ce serait la mort des indépendants ? Les organismes de formation et de certification de personnes. Ils se disent que c’est du business qui leur échappe. Mais ce n’est pas le débat. Je crois qu’il y a entre 8 000 et 10 000 diagnostiqueurs en France dont 5 600 sociétés indépendantes. Alors effectivement, une partie du travail des organismes de formation, chez les gros, va disparaître. Mais surtout, gardons, gardons, gardons ! Sur les 5 600 structures, vous en aurez 5 400 qui ont intérêt à ce que la qualification de personne demeure. Tant mieux, il n’est pas question de la supprimer.

Ce serait complètement débile de vouloir mettre en place un système d’accréditation à la place de la qualification de personne, ça coûterait une fortune à des petits et ils n’y arriveraient pas. Il faut avoir plusieurs systèmes adaptés à la taille et à la maturité des structures. Et ce n’est pas du tout la mort des indépendants. Cette accusation est un procès d’intention.

Bref, les 4 premiers piliers sont universels à toutes les boîtes, à tous les diagnostiqueurs, petits, moyens ou gros. En revanche, la 5e problématique concerne surtout les gros, c’est l’Europe. Nous avons la chance d’avoir, dans le monde du diagnostic immobilier, une filière d’excellence en France. Quand on compare avec l’Europe, on est bien lotis. L’idée, c’est de développer notre modèle en Europe, où il y a une directive commune avec des applications qui se font différemment, et d’apporter notre savoir-faire français aux pays européens.

VOUS POUVEZ M’EN DIRE PLUS SUR LES COMMISSIONS… ?

Chaque commission porte un pilier, une thématique, mais elle est animée par deux adhérents, soit des fondateurs. Ils animent ces commissions avec un pool d’experts désignés spécifiquement pour ça, mais pas uniquement. Nous avons ouvert SIDIANE à des membres partenaires qui gravitent dans le monde du diagnostic sans être des diagnostiqueurs.

Ces partenaires, qui par ailleurs fournissent des équipements, des formations, des analyses, etc., ne sont pas là pour faire leur business. Nous n’avons pas de contrat négocié avec ces gens-là. Ils nous rejoignent pour contribuer. Bien sûr, si des personnes se rencontrent dans SIDIANE et créent des liens, un business peut naître, mais ce n’est pas du tout l’objectif. Ils sont là pour nous aider à réfléchir et à pousser nos thématiques.

Y A-T-IL UN AUTRE POINT IMPORTANT DONT VOUS VOULEZ PARLER ?

Oui, je tiens à dire que nous ne sommes pas fâchés avec les autres fédérations. Encore une fois, même si nos approches sont différentes, nos problématiques sont majoritairement communes. S’il faut d’aventure prendre des positions communes, nous sommes tout à fait ouverts à ça.

Cela étant, il faut laisser un peu de temps au temps. Sur les 2 grosses fédérations, il y en a une assez ouverte, qui a proposé de mettre en place des discussions communes. L’autre est un peu en retrait car, je pense, légèrement vexée par la création de SIDIANE. Mais je milite fortement pour que l’on puisse avoir un langage commun vis-à-vis des politiques. Évidemment, chacune a son style et ses idées. Et puis les fédérations, pour des raisons électorales, soignent leur électorat…

ÊTES-VOUS PLUTÔT OPTIMISTE POUR LA SUITE ?

Je suis très optimiste parce que c’est un métier qui a une vraie utilité. On parle de santé, de qualité et d’environnement. Ces thématiques sont au cœur de nos sociétés. Nous ne vendons pas des bombes atomiques, même si en ce moment, ça pourrait être un bon business… Mais voilà, tous les métiers qui ont un sens sont des métiers pérennes.

Ce qui est clair maintenant, c’est que ce métier bouge beaucoup donc il faut l’accompagner et il faut être fort. Il faut se faire entendre pour que ce développement soit harmonieux. Mais dans la mesure où vous avez des entreprises de qualité, une administration et des politiques… bon, on peut cracher dans la soupe, mais ils sont globalement de qualité…

Je me suis replongé dans la loi Climat et Résilience dans le détail. C’est une loi qui a un vrai fond, qui a été réfléchie. Certains pensent que nous ne sommes pas allés assez loin, d’autres trop loin… Peut-être. On pourrait en parler pendant des heures. Je dirais que globalement le fond est bon, les enjeux sont là, les entreprises sont de qualité, donc ça va le faire.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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