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Guéguerre sur le marché de l’audit

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La proposition de loi instaurant un audit énergétique et patrimonial du bâti ancien a suscité beaucoup de réactions. D’un côté, il y a des diagnostiqueurs en colère. Actuellement, ils payent cher pour se (re)former et réaliser des audits 3CL. De l’autre, des bureaux d’études applaudissent. Enfin, certains architectes veulent rendre le recours à leurs services obligatoire. Ces débats illustrent trop bien la guéguerre qui sévit sur le marché de l’audit.

Qui a la plus grosse compétence ?

Il ne nous appartient pas de déterminer qui a la plus grosse compétence pour réaliser des audits énergétiques. De toute façon, le décret du 4 mai 2022 permet à plusieurs professionnels différents d’intervenir, chacun à son échelle. Le législateur considère donc qu’ils ont tous les aptitudes nécessaires.

Le diagnostiqueur n’est pas toujours thermicien, mais il connaît la méthode 3CL du DPE, choisie pour l’audit. D’ailleurs, le dispositif l’oblige à réaliser des DPE pendant au moins deux ans avant de passer des examens pour obtenir l’extension de certification audit. Il intervient déjà avant une vente immobilière, moment clé pour entreprendre des travaux.

Le BET est un spécialiste de la thermique, mais à moins d’avoir été diagnostiqueur, il n’a pas pris l’habitude d’utiliser la 3CL. Avant la fusion des audits incitatifs et réglementaires, ses rapports n’étaient pas opposables. Cependant, historiquement, le marché de la rénovation énergétique est son domaine. Quant à l’architecte, c’est un professionnel des activités liés à la construction. Sa présence est cohérente dans ce contexte.

Thermique et certification audit énergétique

En général, le diagnostiqueur apparaît comme un généraliste qui se forme rapidement à plusieurs domaines (amiante, plomb…). Il s’opposerait ainsi au BET, ce spécialiste. En réalité, d’abord, un bureau d’études n’est pas toujours composé de thermiciens. Ensuite, Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR) n’est pas systématiquement auditeur. Enfin, de plus en plus de sociétés de diagnostics choisissent la qualification OPQIBI, moins contraignante que la certification audit.

En effet, depuis juillet 2024, les diagnostiqueurs paient beaucoup plus cher en formation et en contrôles. Face au taux d’échec de la certification DPE / audit, nous avons pu lire : « et oui, tout le monde ne s’improvise pas thermicien ». C’est certain et le dispositif est trop rigide pour improviser. Le référentiel de compétences est costaud et la grille de contrôle est stricte. Pourtant, les diagnostiqueurs qui échouent, généralement au QCM, frôlent la réussite. Ils obtiennent presque 15 malgré des anomalies désormais admises par la DHUP : questions problématiques avec réponses erronées, photos floues, etc.

Les épreuves font actuellement l’objet de corrections, mais un peu tard… Depuis le début, rien ne va avec l’audit. Le mépris du CSCEE, autrefois, était déjà révélateur. Certes, les auditeurs historiques auront, prochainement, leur nouveau référentiel RGE. Toutefois, selon nos sources, ce dispositif sera nettement moins lourd. Rappelons que certains diagnostiqueurs ont déjà suivi deux sessions de formation obligatoires à l’audit en moins de deux ans. Ils subissent également au moins un contrôle par an.

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DPE de complaisance vs audits incomplets

Après le mépris lié à la formation, l’argument souvent brandi est celui de la fraude. Pour les uns, les diagnostiqueurs multiplieraient les DPE de complaisance, mettant en péril la fiabilité des audits. Pour les autres, les auditeurs RGE ou les MAR feraient des audits incomplets pour se faire grassement payer par l’État. Attention, scoop incroyable mais vrai : les fraudeurs existent des deux côtés !

Des BET proposent des partenariats très douteux aux diagnostiqueurs. Par exemple, ils veulent les envoyer sur le terrain faire des DPE non-enregistrés à l’ADEME. Puis, ils récupèrent le fichier XML pour faire un maximum d’audits à distance et s’en mettre plein les poches. Comment le savons-nous ? Des ODI refusent ces missions illégales et nous alertent.

Nous avons eu accès à des rapports d’auditeurs RGE effarants. Idem avec les rapports de certains diagnostiqueurs. Évidemment et heureusement, il y a une majorité d’entreprises vertueuses parmi les bureaux d’études, les MAR, les architectes et les diagnostiqueurs-auditeurs. De toute manière, l’éthique importe au moins autant que la technique. Il ne suffit pas de se former et de se qualifier pour acquérir une conscience professionnelle.

Audit énergétique patrimonial du bâti ancien

Passons à la question du bâti ancien. En août 2023, Mme Nathalie Tchang intervenait dans La Pierre d’Angle, le magazine de l’ANBF. La directrice du BET Tribu Énergie, à l’origine du merveilleux moteur de calcul du DPE, affirmait : « une rénovation énergétique performante débute par un audit global, établi par un binôme architecte/BET ». Selon, elle, il fallait « à court terme, faire réaliser les DPE et les audits du bâti ancien par des BET » et à moyen terme « intégrer les caractéristiques patrimoniales… ».

Avec les audits énergétiques et patrimoniaux, réservés aux BET et aux architectes, nous y sommes, non ? Toutefois, d’une part la formation initiale des diagnostiqueurs inclut les spécificités du bâti ancien (décret n°2023-1319 du 20 décembre 2023, annexe IV). Ce n’était pas le cas durant l’été 2023. D’autre part, les sénateurs veulent « adapter les critères d’évaluation et les modalités de calcul du DPE ». Au-delà des compétences, c’est donc une question d’outil, ce fameux outil créé par un BET pour des diagnostiqueurs.

Et si on enterrait la hache de guerre ?

Modifions la méthode s’il le faut, adaptons les travaux proposés, formons mieux les auditeurs, améliorons l’évaluation des compétences des uns et des autres, informons le grand public, sensibilisons les artisans, fixons un objectif clair, stabilisons les dispositifs d’aides… Il y a tant à faire en matière de patrimoine et de transition écologique. N’ajoutons pas plus de freins réglementaires à la rénovation énergétique.

Compte tenu des objectifs à l’horizon 2030 puis 2050, nous aurons besoin de nombreux professionnels compétents. Plus on complexifie le système, moins il est compréhensible pour le propriétaire du logement existant. En prime, le recours systématique à des BET et à des architectes, pour les audits des bâtiments anciens, ralentirait les transactions immobilières, déjà en crise. Et si nous mettions plutôt fin à cette guéguerre entre voisins ?

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10 Commentaires

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  1. T
    Thomas 25 octobre 2024 - 12h29

    Bonjour,
    Si je comprends bien, un diagnostiqueur ne peut faire que les audits réglementaires (dans le cadre d une transaction, location) mais pas ceux qui permettent d obtenir des aides comme Maprimerenov, sauf s il possède la qualifaction RGE etude et la qualification opqibi 1911 ou qualibat 8731 ??
    Par contre est ce qu un MAR ou un auditeur qui n est pas certifié dpe mais qui possède la qualification RGE et Opqibi 1911 ou qualibat 8731 peut faire des audits dans le cadre d une transaction comme celui que fait en général le diagnostiqueur certifié dpe et audit

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 25 octobre 2024 - 12h33

      Bonjour,
      Non, pas du tout. Depuis la fusion des audits réglementaires et incitatifs, le diagnostiqueur peut intervenir avant vente ou pour une demande d’aide. L’audit utilisé pour la vente sert aussi de justificatif pour des aides comme MaPrimeRénov’. Et oui, les mêmes professionnels interviennent dans les deux contextes, comme indiqué dans le décret du 4 mai 2022 (le lien est dans l’article). Seul le MAR n’intervient, en tant qu’Accompagnateur Rénov’, que dans le cadre d’une rénovation énergétique.

      Répondre
      • T
        Thomas 25 octobre 2024 - 14h07

        En effet, le decret du 4 mai 2022 parle des audits énergétiques pour les monopropriétés, et qu en est il pour les immeubles en copropriété ? De plus il me semblait qu un diagnostiqueur devait être RGE pour faire réaliser les audits concernant MPR (si un MAR le sous traite) ou je me trompe ?

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        • Cécile, le moteur de Quotidiag 25 octobre 2024 - 14h22

          Le modèle de l’audit réglementaire (en 3CL) est désormais le seul audit énergétique, y compris pour les aides. Le diagnostiqueur n’intervient qu’à l’échelle d’un logement individuel (maison individuelle ou appartement en copropriété). En copropriété, l’audit de l’immeuble n’est pas obligatoire, mais peut s’intégrer à un projet de rénovation globale. À partir du moment où l’audit se fait à l’échelle d’un immeuble entier, les professionnels qui interviennent sont les mêmes que pour un immeuble en monopropriété comprenant plusieurs logements. Nous avions fait un récap’ dans cet article et je crois qu’il est toujours valable : https://www.quotidiag.fr/qui-peut-faire-des-audits-energetiques-recap/
          Non, le diagnostiqueur n’a pas à être RGE pour faire des audits énergétiques pour le MAR. Il doit avoir l’attestation de formation prorogée (elle peut être utilisée jusqu’en avril 2025, date de la fin du régime dérogatoire) ou l’extension de certification DPE.

          Répondre
          • O
            Olivier 30 octobre 2024 - 9h18

            ///Non, le diagnostiqueur n’a pas à être RGE pour faire des audits énergétiques pour le MAR. Il doit avoir l’attestation de formation prorogée (elle peut être utilisée jusqu’en avril 2025, date de la fin du régime dérogatoire) ou l’extension de certification DPE.
            ///
            Donc un diagnostiqueur peut faire un audit énergétique en sous-traitance pour un MAR.
            Mais un diagnostiqueur ne peut pas être MAR avec son attestation de formation prolongée jusqu’à avril 2025 (puisque l’ANAH refuse les dossiers non RGE).
            Autant faire une formation audit RGE directement pour s’affranchir des guerres de paroisse ? Mais chez qui ?
            Surtout que mon OC fait le dos rond sur le sujet audit, du moment qu’on paie !

          • Cécile, le moteur de Quotidiag 30 octobre 2024 - 9h31

            Concernant l’Anah, elle les accepte de plus en plus semble-t-il. En tout cas, selon les témoignages et retours d’expérience que nous recevons, le nombre de diagnostiqueurs-auditeurs qui réalise des audits pour les MAR augmente, avec des dossiers davantage acceptés. L’hypothèse la plus probable, c’est que l’Anah attendait la mise en œuvre du nouveau référentiel de compétences et l’extension de certification audit. Ce n’est toutefois pas ce que dit l’Anah, qui parle d’une mauvaise circulation de l’information. Toujours est-il que cette situation semble évoluer.

            Il n’y a pas besoin de faire une formation audit RGE. Il faut surtout répondre au référentiel d’exigences de moyens et de compétences : référent technique (vous même éventuellement) avec un titre ou diplôme dans le domaine de la maîtrise de l’énergie et une durée d’expérience suffisante. Les conditions sont listées dans le décret n°2018-416 du 30 mai 2018. Cela dit, ce référentiel va évoluer avant la fin de l’année, mais il faudra attendre sa parution au JORF pour connaître tous les détails et changements.

  2. J
    JL 25 octobre 2024 - 14h59

    Finalement le débat collectif tourne autour du DPE et de l’audit. Il ne faut pas s’étonner qu’un agent immobilier soit capable de demander une « DPE électricité »…..
    Notre métier, le coeur je dirais est celui des anomalies et autres pathologies des biens immobiliers. Sincèrement je laisse à qui veut se battre tous ces marchés qui semblent si juteux au point de lancer une guerre presque fratricide.
    J’aime réaliser les DPE car ils permettent globalement de schématiser les points défavorables et point d’améliorations à mettre en oeuvre. Cela dit, ce focus fait de l’ombre aux 5 autres diagnostics et repérages présents dans le DDT et pour lesquels certains sont synonymes de décès parfois, ou de profonds traumatismes souvent.
    Cette bataille de qui fait quoi n’intéresse que ceux qui portent des chemises et des mocassins, et puis ceux qui par la force des choses ont choisi de proposer l’audit pour développer leur entreprise mais globalement notre métier ce n’est pas LE DPE et L’AUDIT, d’ailleurs quelle est la proportion de diagnostiqueurs qui réalisent l’audit?? Dans mon secteur, je fais appelle à un technicien qui ne fait que ça, au final chacun son taf et ce n’est que mieux il me semble.
    A quel moment on parle du seuil de taux de plomb qui est 2 fois moins élevé qu’en Suisse, à quel moment on parle de ce même plomb présent dans les canalisations, des enduits extérieurs amiantés, des logements insalubres?

    Répondre
    • Cécile, le moteur de Quotidiag 25 octobre 2024 - 15h08

      Vous savez sans doute que dans de nombreux articles passés, nous avons déploré la manière dont le DPE masquait l’importance des autres diagnostics techniques. Nous avons même déjà parlé du fameux « DPE électrique » et nous partageons votre consternation sur ces sujets.
      Pour autant, d’une part, il y a aussi un enjeu de santé publique avec la rénovation énergétique des bâtiments. Les personnes qui vivent dans des passoires thermiques ont davantage de problèmes de santé et plus de difficultés à se soigner compte tenu de la précarité énergétique, amplifiée par la hausse du coût de l’énergie. D’autre part, tous ces domaines restent liés. À titre d’exemple, il faut tenir compte de la présence d’amiante ou de plomb avant de faire des travaux de rénovation.
      Chacun est libre d’aller ou non sur ce marché. En tout cas, le diagnostiqueur est aussi légitime dans ce rôle-là.

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  3. R
    Romain 30 octobre 2024 - 11h20

    Je lis tous les commentaires et je vois énormément de diag qui veulent et font des audits !
    Mais combien sont assurés pour les audits pour le parcours accompagné (hors F et G) ? (les jurisprudence vont faire mal)

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    • Cécile, le moteur de Quotidiag 30 octobre 2024 - 11h24

      Il n’y a qu’un seul audit énergétique. Si certaines assurances se montraient peu claires au sujet de l’audit incitatif avant le 1er juillet 2024, cela ne semble plus être le cas aujourd’hui. Légalement, comment justifier un tel refus alors que les mêmes textes réglementaires encadrent désormais l’audit incitatif et l’audit réglementaire ?

      Répondre

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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