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Le groupe d’étude Amiante a disparu de l’Assemblée nationale le 18 décembre dernier, dans l’incompréhension générale.
D’un point de vue réglementaire, les groupes de travail n’existent pas : ils ne sont pas mentionnés dans les textes de l’Assemblée nationale. Néanmoins, ils permettent d’avancer sur des problèmes épineux, notamment grâce à des rencontres et des auditions.
Didier Le Gac est député de la 3e circonscription du Finistère, un territoire fortement impacté par le risque amiante. Il présidait le groupe amiante au moment de sa disparition. Il m’a indiqué par téléphone, le 21 mars, continuer à travailler sur cette problématique amiante malgré la suppression du groupe de travail. Tout en me rappelant que « la disparition du groupe amiante ne résulte pas de la seule décision de la présidente de l’assemblée ».
Vous pourrez lire demain les interviews de Josiane Corneloup et Thibault Bazin, députés et membres du dernier GT amiante. Ils espèrent la réintégration d’un nouveau groupe de travail à l’Assemblée.
Toujours en relation avec les associations de victimes, les législateurs continuent à œuvrer pour faire entendre leurs voix. Quotidiag a rencontré les représentants de l’ANDEVA et de l’Addeva29/22, et le directeur du FIVA.
Entretien avec Jacques Faugeron, Président de l’Andeva
Jacques Faugeron est le Président de l’Association française de Défense des victimes de l’amiante et des maladies professionnelles, l’Andeva.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de la suppression du groupe amiante de l’Assemblée nationale ?
Il y a eu de nombreuses réactions de maires et de députés à ce propos, et de demandes à la présidente de l’Assemblée nationale de rétablir le groupe d’études amiante.
La dernière réponse qu’elle a faite est une réponse de non-recevoir donc on continue le combat pour essayer de recréer ce groupe qui est essentiel pour les victimes de l’amiante.
Sans l’existence du groupe, vous pouvez continuer à travailler au plus près des législateurs ?
Oui, je suis toujours en contact avec Didier Le Gac et d’autres députés de tous horizons, et avec des sénateurs. On continue à travailler avec eux et à essayer de faire avancer le sujet des victimes de l’amiante, de leur reconnaissance et de l’indemnisation bien sûr.
Est-ce qu’on peut parler d’avancées d’un point de vue médical ?
Il y a des groupes de recherche médicale. Ce mardi 25 j’ai participé à un colloque à l’occasion des Journées francophones sur le mésothéliome à l’hôpital Cochin à Paris.
Il y a des avancées grâce aux groupes de recherche fondamentale ou clinicienne. Par exemple avec les Pofesseurs Blanquart directeur de recherche à Nantes et Scherpereel chercheur clinicien à Lille, et ancien président de l’iMig, International Mesothelioma Interest Group et Coordonnateur du réseau Netmeso. Ainsi que d’autres chercheurs.
Le mésothéliome déclenche automatique une indemnisation ?
En effet, à partir du moment où la suspicion de l’exposition à l’amiante a été validée. La victime atteinte d’une maladie due à l’Amiante a droit à une indemnisation que ce soit dans le cadre professionnel ou environnemental.
Un mot sur le problème des décharges sauvages et du traitement des déchets ?
Le traitement des déchets pose toujours problème. Le désamiantage est extrêmement onéreux. Quelques entrepreneurs voyous se déchargent de leurs déchets sauvagement dans des chemins ou des endroits un peu isolés. Actuellement, la gestion des déchets est plutôt par enfouissement, ce qui laisse les déchets pour l’éternité, c’est un problème.
Et puis le problème d’infiltration éventuellement dans l’avenir, puisque malgré la protection des décharges normalement étanches, ça l’est jamais à 100 %.
En ce qui concerne l’élimination par torche à plasma, c’est extrêmement coûteux. On ne peut traiter que de petites quantités, et c’est très énergivore donc il y vraiment très peu de sociétés qui font ça.
Un message à faire passer ?
Simplement que l’on met l’accent sur la prévention, sur l’élimination de l’amiante dans les écoles, dans les bâtiments publics, et dans les bâtiments privés, c’est notre combat.
Il y a encore beaucoup de travail à faire.
Et toujours l’espérance qu’un groupe de travail soit recréé pour mieux communiquer, au plus près des faiseurs de lois ?
Bien sûr, pour faire entendre nos arguments pour l’indemnisation des victimes de l’amiante, et pour obtenir des financements pour la recherche.
Donc l’amiante, c’est surtout un problème d’argent finalement ?
Les chercheurs appellent aussi à des financements, parce que c’est très compliqué de trouver des finances.
On a eu également, fin 2023, la suppression du PNSM, le programme national de surveillance du mésothéliome pleural, et ça c’est une chose qui est aussi une honte pour les victimes de l’amiante.
Le PNSM qui était sur 20 départements seulement devait devenir le DNSM et être étendu au niveau national, sur la totalité des territoires et les outremers. Et ça a été abandonné par Santé publique France pour des raisons financières.
Ce devait être une base de données très complète sur les victimes atteintes de mésothéliome, et qui pouvait aider à améliorer les traitements, et donner aux soignants des indications sur les résultats de ces traitements.
Propos recueillis le 27 mars 2025
eNTRETIEN AVEC Gérard Fréchou, Président départemental de l’antenne Addeva 29/22
Le Finistère et les Côtes d’Armor comptent un nombre important de victimes de l’amiante. Marins d’État, marins au commerce, militaires, agriculteurs, ouvriers et techniciens de la réparation navale, tous sont confrontés au risque d’exposition à l’amiante.
Gérard FRECHOU, Président de l’Addeva 29/22 : « La France est inondée d’amiante »
Pouvez-vous nous présenter votre association ?
ADDEVA 29/22 (association départementale de défense des victimes de l’amiante) est une association totalement indépendante et autonome. On travaille en collaboration avec d’autres associations, qui effectivement sont en contact avec nous. On travaille sur le sujet de l’amiante depuis quasiment 30 ans maintenant.
Vous agissez dans les départements du Finistère et des Côtes-d’Armor, deux territoires fortement impactés par cette problématique amiante. Monsieur Le Gac, très impliqué sur ce sujet, est votre député, il était le président de ce GT. Vous gardez le lien malgré la suppression du groupe amiante de l’Assemblée nationale ?
Oui, Monsieur Didier Le Gac est depuis des années à nos côtés. Il a fait quand même un gros travail. Il s’intéresse effectivement beaucoup à l’avenir de l’association dans le cadre de l’intérêt de nos adhérents d’une part, mais aussi des malades et leurs familles.
Parce qu’ici, en Bretagne, l’amiante est un véritable fléau. Il y a d’autres maladies professionnelles bien sûr que nous traitons pour nos adhérents, mais notre rôle principal est de travailler le sujet de l’amiante en profondeur.
Votre réaction à cette disparition du groupe amiante ?
On ne comprend pas une telle décision. On a immédiatement communiqué avec notre député. Ce fléau est toujours actif.
Alors oui, la loi interdit l’importation, la fabrication et l’utilisation de matériaux et produits avec de l’amiante. Mais on sait qu’aujourd’hui la France est inondée d’amiante, et cet amiante-là, il faut le retirer. Il y en a partout en Bretagne, des toitures en fibrociment, des canalisations, des bâtiments agricoles.
Aujourd’hui, beaucoup se refusent à aller de l’avant et à prendre le problème en main parce que c’est un sujet qui est très vaste et important, mais aussi très coûteux.
Donc pour nous la suppression de ce groupe amiante est une grave erreur. On va au-devant de grosses difficultés dans notre territoire breton, avec tous ces bâtiments agricoles, pour l’élevage ou la transformation des produits alimentaires, tous ces corps de fermes qui sont complètement à l’abandon, que personne ne veut toucher et que personne ne sait comment traiter.
Aujourd’hui, faire disparaître ce groupe amiante c’est effectivement vouloir se désintéresser du sujet. On considère que c’est une mise en danger effectivement de la population
Ce problème-là va durer encore des décennies, je n’en verrai même pas la fin. Donc il faut que ce groupe amiante soit là, de telle manière qu’on puisse questionner effectivement tous ses élus au plus haut rang. De façon à faire avancer les choses en matière de sécurité et puis aussi en matière de social dans le cadre de réparation. Aujourd’hui on a énormément de gens qui décèdent du cancer de l’amiante.
Il y a le problème humain, mais aussi celui de la gestion des déchets amiante
La gestion des déchets, c’est un gros problème. Il faut en effet éliminer l’amiante, mais l’enfouissement est une véritable bombe à retardement. Le dérèglement climatique accentue ce problème.
On voit dans l’Est du pays par exemple que les sols bougent et tout ça pourquoi ? Parce qu’il y a eu des remblais, on a mis des tas d’enfouissement et puis on a construit par-dessus. Et maintenant, les gens se retrouvent avec des maisons qui se fissurent, des maisons qui penchent parce que le les terrains bougent.
On s’aperçoit qu’il y a énormément de déchets enfouis, c’est incroyable cette façon de cacher la misère et de tout mettre sous le tapis.
Ce groupe amiante effectivement à l’assemblée devrait être là pour traiter ces choses-là. À qui va-t-on parler ? Ce groupe était très important, ça nous permettait d’avoir des interlocuteurs et de leur poser les véritables questions. Il n’y a pas que les familles ni les malades, mais il y a aussi tout le retraitement de ce poison qui a été utilisé pendant des dizaines d’années. Les parlementaires sont là pour faire les lois, mais aussi pour les faire respecter.
Le nombre de décharges sauvages est affolant, surtout en région parisienne, et partout en France, peut-être un peu moins en Bretagne. Je me suis intéressé à ce problème dans ma localité. Et bien, il y avait une déchetterie qui faisait n’importe quoi. L’association s’est investie et on a effectivement interpellé la municipalité. Et là, on s’est bien aperçu que le poids de l’association ADDEVA 29/22 a eu un intérêt majeur pour faire réagir les consciences. On a un rôle fort au niveau local et départemental.
Éradiquer l’amiante, ça coûte cher. Le problème est plutôt financier que politique ?
Oui, c’est coûteux, et donc ça dérange. Les politiques préfèrent se désintéresser du problème, c’est une façon de procéder archaïque et incompréhensible, tous partis politiques confondus.
Comment vous projetez-vous suite à la suppression du groupe ?
On communique, on s’organise, je pense être au plus proche des gens. Mais au niveau national, en effet, c’est le groupe amiante qui pouvait nous permettre d’être auditionnés et d’être entendus au plus près des législateurs. On travaille toujours avec Didier Le GAC. Il est quand même proche de nous et qui est très à l’écoute. Nous avons heureusement un interlocuteur privilégié dévoué.
Propos recueillis le 25 mars 2025
Entretien avec Jean-Luc Izard, Directeur du FIVA, Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante
Voilà maintenant trois mois que le GT amiante de l’Assemblée nationale a disparu. Votre réaction à la suppression du groupe ?
La suppression du groupe amiante n’est pas une bonne nouvelle. Le nombre d’affections graves liées à une exposition à l’amante ne diminue pas vraiment contrairement à ce que beaucoup de gens s’imaginent. Ça diminue mais très faiblement, très lentement. Ce qui diminue, ce sont surtout les pathologies bénignes plutôt que les maladies graves. Donc non, ce n’est pas une bonne nouvelle.
Récemment aussi, dans le cadre de l’adoption de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, un article, le 89, qui est un amendement déposé précisément par l’ex-président du groupe amiante Monsieur Didier Le GAC. Il devait permettre au FIVA de contacter directement de potentiels bénéficiaires. Mais le décret d’application n’est malheureusement pas encore sorti.
Concrètement, comment travaillez-vous sans ce groupe de travail ?
Ce groupe était nécessaire pour garder le lien. On transmet un rapport d’activité chaque année au Parlement, mais ce groupe était l’occasion d’avoir des échanges avec des parlementaires au fait d’un sujet qui est en réalité très complexe. Ce n’est pas un sujet simple contrairement à ce qu’on peut imaginer.
Concrètement, ce sont les parlementaires qui nous sollicitent, jamais l’inverse. Nous sommes un établissement public, d’État, et donc tenu à une obligation de réserve. Nous ne pouvons pas interférer dans les relations entre le gouvernement et le Parlement.
La gestion des déchets d’amiante n’est pas de votre ressort, pouvez-vous quand même nous dire un mot sur ce sujet sensible ?
Là aussi, il y a du travail à faire, on est d’accord. Mais non, ce n’est pas dans nos attributions.
Un mot au sujet du préjudice d’anxiété ?
Le FIVA ne fait pas de prévention. Il faut qu’il y ait une pathologie avérée pour qu’on puisse indemniser la victime.
Pour le préjudice d’anxiété, lorsqu’il n’y a pas de maladie en lien avec l’amiante, on invite les demandeurs à se retourner vers leurs employeurs, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation. C’est la responsabilité de l’employeur tant qu’il n’y a pas de pathologie. En revanche, s’il y a une pathologie on indemnise, dans le préjudice moral, l’anxiété qu’a pu éprouver la victime.
Vous recevez un nombre important de demandes d’indemnisation. Quel est le montant total d’indemnisation pour une année ?
En 2024, nous avons versé près de 400 millions d’euros d’indemnisations. C’est tout à fait considérable. On suit bien sûr les avancées de la science et de la réglementation. Récemment, le lien entre l’amiante et deux types de cancer qui sont le cancer du larynx et le cancer de l’ovaire a été reconnu. Et donc, évidemment, on les a pris immédiatement en charge.
Un mot sur la multiplication des cas de mésothéliomes ?
Le mésothéliome pleural est un cas particulier puisque le diagnostic confirmé de cette maladie dispense d’apporter la preuve de l’exposition à l’amiante pour obtenir réparation.
C’est-à-dire que le droit nous impose de prendre en charge l’indemnisation des mésothéliomes sans rechercher l’existence d’une exposition. C’est un vrai gros sujet parce que c’est quand même une affection pour laquelle le diagnostic est extrêmement sombre. Et à la différence d’autres pathologies, il frappe aussi les jeunes. Donc c’est quand même un point d’inquiétude. D’autant plus qu’un bon tiers des victimes de mésothéliome ne viennent pas demander leur indemnisation.
Pourquoi ?
D’une part parce que les gens sont très fatigués et je pense qu’ils oublient tout simplement après l’annonce de la maladie qui est un coup de massue. D’autre part, parce qu’ils n’ont tout simplement pas connaissance des dispositifs d’indemnisation qui existent.
Vous indemnisez aussi les familles, les veuves. Comment ça se passe ?
Pour les ayants droit, il y a deux niveaux. Les préjudices personnels des ayants droit donc conjoint, enfants, et d’une façon générale la famille. Après, si la victime n’a pas de son vivant, fait une demande d’indemnisation, on indemnise dans le cadre de la succession. Dans ce cas-là, on verse à la succession ce qu’on aurait dû verser à la victime.
Propos recueillis le 26 mars 2025
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