La fondation Abbé Pierre dresse un bilan sombre de la politique du logement du Gouvernement en 2022, qualifiée de « non-politique du logement ». Mais ce 28e rapport sur l’état du mal-logement en France souligne aussi des « avancées notables », toutes directement liées au DPE.
rapport 2023 de la Fondation Abbé Pierre en bref
Globalement, la fondation Abbé Pierre s’inquiète de l’écart « désespérant » entre l’état du mal-logement et les réponses des responsables politiques. Le compte-rendu est très négatif :
- Insuffisance de logements abordables dans les zones littorales et touristiques
- Accession à la propriété quasiment impossible pour les ménages modestes
- Affaissement de la production de logements neufs vs hausse des prix de l’immobilier
- Pénurie de logements sociaux, lesquels sont inadaptés aux revenus des ménages
- Politique fiscale et budgétaire en faveur des ménages aisés consommateurs d’énergie
- Loi anti-squatt qui malmène les plus vulnérables et en fait des boucs émissaires
- Bouclier tarifaire qui bénéficie surtout aux ménages qui consomment le plus d’énergie
- Discriminations liées au genre dans les trajectoires résidentielles
- Insuffisance de MaPrimeRénov’, démarrage difficile de MonAccompagnateurRénov
Après l’année de la crise sanitaire en 2021, nous vivons l’année de la crise énergétique et de l’inflation depuis 2022. Or les salariés les plus modestes et les plus précaires, qui sont aussi locataires, vivent dans des passoires thermiques. Le DPE est donc fréquemment mentionné dans ce bilan.
Deux avancées notables liées au DPE
En matière de lutte contre le mal-logement, la fondation Abbé soutient quelques avancées venues « soulager un tant soit peu les locataires de logements énergivores dont le DPE est F ou G » :
- Interdiction d’augmenter les loyers à l’heure où l’inflation dépasse les 5% (loi Climat)
- Zones d’encadrements des loyers (loi Pouvoir d’achat de l’été 2022)
- Interdiction de location des passoires thermiques (loi Climat et Résilience)
La première mesure pourrait aboutir à une compensation de pouvoir d’achat pour les locataires. Si dans le parc social, les loyers ne sont pas gelés, l’USH (Union Sociale de l’Habitat) exige des bailleurs qu’ils pratiquent des remises de quittance. Quant à la deuxième, « le critère du DPE présente l’avantage d’être précis et affiché sur tous les baux et annonces de locations, ce qui pourrait rendre le recours aux droits plus facile pour les locataires ».
Enfin, l’interdiction progressive de louer les passoires thermiques est saluée. « Contrairement aux prévisions alarmistes qui annoncent la sortie soudaine du parc locatif de millions de logements, il s’agit plutôt d’offrir aux locataires de ces logements indécents une voie de recours pour faire baisser leur loyer à proportion de la qualité de leur logement et de demander aux bailleurs d’engager des travaux ».
règlementation et dpe : les limites
Le rapport précise toutefois les limites de ces mesures. À propos du gel des loyers et de leur encadrement, encore faut-il « que cette règle soit connue et que les abus soient réellement combattus ». La 2e édition du baromètre de la fondation Abbé Pierre de l’encadrement des loyers témoignait d’une légère amélioration. À Paris, 31% d’annonces étaient non conformes contre 36% précédemment. Mais à Lille, par exemple, 43% des annonces dépassaient les plafonds. Les amendes et les recours restent rares.
Concernant les passoires thermiques louées, l’expérience montre que les locataires font peu de recours contre les bailleurs. Et dans les logements collectifs, les bailleurs qui auront démontré que leur assemblée générale de copropriété refuse les travaux seront exonérés de cette obligation.
Quoi qu’il en soit, l’organisation balaye les éventuelles protestations des propriétaires bailleurs. « Quant à la question des bailleurs impécunieux qui n’auraient pas les moyens d’investir, soulignons que 7% des passoires du parc locatif privé appartiennent à des bailleurs très modestes, et 6% à des bailleurs modestes, que des aides fiscales existent, que l’Anah propose déjà des aides aux travaux en échange de loyers modérés et qu’ils sont depuis 2021 éligibles à MaPrimeRénov’ ».
Indécence énergétique, précarité et risques
La fondation rappelle aussi que la performance énergétique n’est pas seulement une question de confort. Ces logements connaissent souvent des problèmes d’insalubrité ou de dégradation du bâti. Le mal-logement et la précarité énergétique s’accompagnent de risques sanitaires :
- pathologies liées à l’humidité et à la moisissure pour les enfants et les adultes,
- risque d’intoxication au plomb amplifié par l’humidité du logement,
- risque d’intoxication au monoxyde de carbone (chauffage inadapté, problèmes d’aération),
Etc. Les auteurs du rapport citent l’étude du ministère de la Transition écologique datée de juin 2021 : « La rénovation des 1,7 million de passoires énergétiques du parc locatif privé d’ici 2028 et de 1,9 million de logements DPE E d’ici 2034 permettrait de prévenir le décès de 10 000 personnes ».
Cependant, « un logement est considéré comme une passoire thermique à partir de 330 kWh/m²/an d’énergie primaire. Cette norme [450 kWh/m²/an en 2023] ne concernera que 90 000 logements en raison d’un seuil très élevé et qui, exprimé en énergie finale, exclut presque tous les logements chauffés à l’électricité ».
nouveau plan quinquennal Logement d’abord
Bien entendu, le DPE ne serait qu’un outil parmi d’autres, utile pour cibler les passoires thermiques et résorber la précarité énergétique des mal-logés. La fondation appelle surtout le Gouvernement à une mobilisation générale autour du logement. Cette dernière nécessite un État proactif, volontaire, et un partenariat de confiance avec les collectivités locales.
« Le Conseil national de la refondation consacré au logement, lancé en novembre 2022, pourrait devenir le véhicule pour amener tous les acteurs du secteur dans cette direction, pour peu que l’État prenne cette concertation au sérieux, lance un nouveau plan quinquennal Logement d’abord ambitieux, et accepte de revoir les aspects les plus inquiétants de sa non-politique du logement ».
Fondation Abbé Pierre, 28e rapport sur l’état du mal-logement en France 2023
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